Notre top 5 2022!

Bonne année! 2022 se termine déjà et comme à notre habitude, voici notre top 5 pour l’année écoulée. Elle fut remplie de belles lectures et le choix fut déchirant. Il est toujours difficile de ne retenir que cinq titres, mais on aime bien se prêter à cet exercice. Voici donc nos choix pour cette année. Vous pouvez cliquer sur les liens pour accéder à la chronique du livre:

top 5 Guy 2

Le top 5 de Guy:

  1. Album Falardeau (Manon Leriche & Jules Falardeau)
  2. La désolation (Appolio & Gaultier)
  3. Le jardin potager (Bertrand Dumont)
  4. Chaman (Maxence Fermine)
  5. Pêcheur normand, famille métisse (Marc-André Comeau)

top 5 Gen 2

Le top 5 de Geneviève:

  1. Le Talisman des territoires (Peter Straub & Stephen King)
  2. Harry Potter, un monde de magie (Collectif)
  3. La cité oblique (Ariane Gélinas & Christian Quesnel)
  4. Les ombres filantes (Christian Guay-Poliquin)
  5. René Lévesque – Quelque chose comme un grand homme (Collectif)

Nous espérons que nos choix vous permettront de faire quelques découvertes.

Nous en profitons pour vous souhaiter une très belle année 2023, remplie de belles lectures (de bonheur, de santé et d’amour aussi!)

Guy & Geneviève

Green Manor

Lord paralysé qui cherche à se venger de l’amant de sa femme ; petit bonhomme insignifiant persuadé l’être l’Ange de la Mort ; médecin passionné rêvant d’examiner le cerveau du grand poète et peintre William Blake : les gentlemen croisés au très select Green Manor Club sont pour le moins inquiétants. Car derrière la splendide façade victorienne se cachent en fait les passions les plus violentes et les pulsions les plus meurtrières.

J’ai découvert Green Manor au début des années 2000. Ces historiettes de Club privé, où les gentlemen se racontent des histoires criminelles me plaisaient beaucoup. J’ai été particulièrement heureuse quand l’éditeur a réédité ces histoires en un magnifique intégral. Je ne pouvais assurément pas passer à côté. Ce recueil de bandes dessinées contient 18 historiettes criminelles, teintées d’humour noir, qui sont un vrai plaisir de lecture!

Nous sommes à la fin des années 1800. Un domestique du Green Manor est interné dans un hôpital psychiatrique. Il aurait été frappé d’une crise de démence à quelques jours de sa retraite. Son histoire encadre l’ensemble des historiettes que l’on retrouve dans ce recueil. Ce qu’il raconte laisse les gens perplexes autour de lui et son médecin traitant. Mais si ce qu’il disait était vrai?

Green Manor est un Club privé où se retrouvent les messieurs pour passer du bon temps et discuter. Un vrai Club comme on se l’imagine, avec des cigares et un petit verre pour passer le temps. Mais ce Club est particulier. Les crimes sont souvent au menu des rencontres. Les hommes s’amusent à décortiquer des affaires criminelles et à élaborer toutes sortes de plans pour commettre le meurtre parfait. 

Mais au Green Manor, on ne se contente pas seulement d’en parler. Parfois, on passe à l’acte. Les 18 histoires que l’on retrouve dans ce recueil parlent d’empoisonnement, de testaments, de vengeance, de crime sans victime, de chasse à l’homme, de déduction à la Sherlock Holmes, et du meurtre considéré comme l’un des beaux-arts. Car au Green Manor, « le meurtre n’est rien sans un peu d’élégance. » 

« -J’approuve entièrement l’écrivain De Quincey lorsqu’il considère l’assassinat comme un des beaux-arts. Mais force est de constater qu’il manque à cet art un véritable chef-d’œuvre. 

-Et si plutôt que d’attendre passivement, nous tentions de réaliser nous-mêmes ce chef-d’œuvre? »

J’adore cette bande dessinée! Elle est vraiment amusante et c’est un vrai plaisir que de s’y plonger, tant pour les petites histoires que pour le contenu visuel. Les dessins sont plaisants et cette édition est tellement belle. Green Manor nous offre une atmosphère typique des clubs de cette époque, des histoires criminelles bien rodées aux revirements amusants. Toute la bande dessinée est teintée d’humour noir et de scènes absurdes. On y retrouve de nombreux clins d’œil littéraires également. C’est une très belle lecture qui me rappelle le Club des veufs noirs d’Isaac Asimov (que j’adore et qui est malheureusement assez inconnu dans l’œuvre d’Asimov).

Il faut aussi souligner la beauté de l’ouvrage, qui est très soigné, avec un signet cousu, une page intérieure colorée et l’aspect usé d’un vieux bouquin. Il est complété par un important cahier graphique. Un véritable plaisir pour les yeux!

Green Manor, 18 délicieuses historiettes criminelles, Denis Bodart & Fabien Vehlmann, éditions Dupuis, 216 pages, 2018

Le pendu

Par une froide matinée de novembre, un joggeur découvre un corps pendu à un arbre dans les bois du paisible village de Three Pines. Le pauvre homme séjournait à l’Auberge, où il était sans doute venu chercher la tranquillité. Mais s’est-il vraiment donné la mort ou a-t-il été assassiné ? Le chef des homicides de la Sûreté du Québec et son fidèle second Beauvoir sont appelés à élucider l’affaire. En examinant les indices, ils mettent au jour un secret terrible et déchirant. Or Armand Gamache sait que la conscience cède parfois tragiquement sous le poids du passé…

J’adore les romans de Louise Penny et son personnage d’Armand Gamache. Le pendu est une courte nouvelle qui le met en scène et qui a été écrite dans le cadre d’un programme d’alphabétisation, entre les romans Enterrrez vos morts et Illusion de lumière. Cette nouvelle a inspiré les deux derniers épisodes de la série sortie ce mois-ci sur Prime vidéo. Je voulais donc absolument lire cette novella avant de voir la série.

Le pendu est une courte histoire mettant en scène Gamache, Beauvoir et quelques autres personnages de Three Pines. Elle se déroule au mois de novembre alors qu’un joggeur découvre un corps pendu à un arbre dans les bois de Three Pines. À première vue il s’agit d’un suicide. Mais en est-ce vraiment un? Gamache et Beauvoir vont enquêter et fouiller dans des secrets enfouis depuis des années.

Nul besoin de connaître déjà l’univers de Three Pines pour lire cette novella. On y retrouve un condensé de tout ce qui fait le bonheur des romans: le village, les personnages, Gamache, le bistro et sa bouffe réconfortante. Mais en version accéléré. Ça passe beaucoup trop vite! On a assurément envie de rester un peu plus longtemps avec Gamache. Heureusement pour ça, il y a les romans.

« Three Pines reposait au fond de la valle, comme si le village cherchait à se cacher du monde. Et le monde tombait dans le panneau. » 

J’ai bien aimé cette histoire que je prends comme un petit cadeau, le temps d’une soirée, pour la fan que je suis des romans de Louise Penny. Naturellement, la lecture se fait rapidement, mais c’était un plaisir. Je crois que c’est une porte d’entrée intéressante pour donner envie de lire la série de romans, tout en gardant en tête que ce texte est très court. Les romans sont beaucoup plus élaborés, avec toujours beaucoup de détails sur les enquêtes, les repas (qui donnent forcément faim), les personnages attachants, les lieux chaleureux et les dialogues plein d’humour. 

Le pendu, Louise Penny, éditions Flammarion Québec, 128 pages, 2022

Nous voulons voir votre chef !

Il y a d’abord cette diffusion, par la station de radio CREZ, d’un chant traditionnel haudenosaunee oublié, qui attire sur Terre des visiteurs imprévus… Puis cette intelligence artificielle qui, à la stupeur de ses concepteurs, développe de la curiosité et, surtout, des sentiments de tristesse et de révolte lorsqu’elle s’intéresse à l’histoire des Premières Nations… Et que penser de cette journaliste autochtone qui reçoit des informations confidentielles alarmantes concernant ces capteurs de rêves que l’on voit de plus en plus partout. Se peut-il vraiment que cette prolifération soit due à un plan machiavélique du gouvernement canadien ?… Or, il ne faut surtout pas oublier ce qui s’est passé à Old Man’s Point quand Tarzan, Cheemo et Teddy buvaient tranquillement leur bière en regardant le lac. C’est avec de l’étonnement plutôt que de la terreur qu’ils ont vu jaillir de l’étrange objet descendu du ciel cette créature aux allures de calmar géant… mais avec une totale certitude qu’ils ont su vers qui la diriger lorsqu’elle a exigé sans détour : Nous voulons voir votre chef !

Ce recueil de neuf nouvelles de science-fiction est vraiment intéressant. On associe assez peu la littérature autochtone et la science-fiction, peut-être parce qu’elle nous semble moins courante. Pourtant, l’imaginaire fait partie prenante de la littérature autochtone et chaque fois que j’ai pu lire des textes issus de cette littérature de l’imaginaire (science-fiction et policier par exemple), j’ai passé d’excellents moments de lecture. On a parfois l’impression que le mélange des deux est incompatible ou étonnant. Pourtant, l’auteur prouve ici qu’il est possible d’écrire de la science-fiction avec une perspective autochtone. 

Les nouvelles de Drew Hayden Taylor sont toutes excellentes. L’auteur a beaucoup d’imagination et réussi à parler de sa culture à travers des histoires de vaisseau spatial, de superhéros, de voyage dans le temps, de drones, de visite extraterrestre ou de technologie. C’est parfois drôle, parfois touchant, parfois inquiétant aussi quand la technologie et le pouvoir s’en mêle. J’ai trouvé que la qualité des nouvelles était au rendez-vous et le plaisir que j’ai eu à les lire était égal d’une histoire à l’autre même si les thèmes varient beaucoup. Certaines chutes sont brillantes et mêlent habilement la culture autochtone à l’imaginaire propre à la science-fiction. La dernière nouvelle, celle qui donne son titre au recueil, m’a vraiment fait rire. Alors que l’histoire de Mitchell et de son grand-père dans Perdu dans l’espace, m’a beaucoup émue. On passe par une gamme d’émotions en lisant ces textes.

J’ai adoré! J’ai vraiment eu beaucoup de plaisir à lire ce recueil. C’est une excellente découverte, qui me donne assurément envie de lire autre chose de cet auteur. D’ailleurs, un autre livre de lui m’attend dans ma pile.

« Il ressemblait à plein de jeunes de notre communauté, coincés entre le passé et l’avenir. Le but, en réalité, c’est de trouver un bon dosage de l’un et de l’autre pour que la vie vaille la peine d’être vécue. »

Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce recueil. C’est l’une de mes plus belles découvertes de l’année!

Nous voulons voir votre chef !, Drew Hayden Taylor, éditions Alire, 278 pages, 2022

La malédiction de Sarah Winchester

1886. San Jose, Californie. Une riche veuve solitaire et recluse. Une demeure labyrinthique, en éternelle expansion. Des portes qui ouvrent sur des murs et des escaliers qui butent sur des plafonds. L’ombre des massacres perpétrés par les carabines Winchester. Et une rumeur qui enfle… la maison serait hantée et sa propriétaire, maudite ! Dans cette enquête où se croisent esprits vengeurs, bâtisseurs de l’étrange, génocide amérindien et presse de caniveau, Céline du Chéné démêle le vrai du faux. Elle nous entraîne dans les pas de Sarah Winchester, une femme fascinante, et révèle une vérité qui dépasse la fiction.

J’ai lu La malédiction de Sarah Winchester, la contre-enquête de Céline du Chéné. J’ai découvert l’histoire étrange de Sarah Winchester pour la première fois en 2004, en lisant une bande dessinée qui y était consacrée. Naturellement par la suite j’ai épluché internet pour en savoir plus, avec tout ce que cela comporte de légendes mystérieuses.

La maison Winchester existe vraiment. Elle est phénoménale. La légende raconte que Sarah, héritière de la compagnie Winchester qui a créé cette arme à feu mythique, s’est exilée après de nombreux décès dans sa famille, dont celui de son mari et de leur fille. Suite à une séance de spiritisme, pour contrer la malédiction et avoir la vie sauve, elle devait construire 24h sur 24 sa maison afin de perdre les âmes errantes et expier les décès occasionnés par les carabines qui l’ont rendue riche. Elle aurait construit sa maison pendant des années, véritable labyrinthe comprenant des milliers de fenêtres, des escaliers qui mènent au plafond, des portes qui ouvrent sur des murs. Mais qu’en est-il vraiment?

Cet ouvrage est intéressant puisqu’il tente de décortiquer, à travers les archives, la véritable histoire de Sarah Winchester. De femme en deuil à moitié folle qui dilapide son argent, à une femme indépendante qui fait des choix que la société ne lui offre pas d’emblée, ce livre amène un éclairage intéressant sur une femme qui est devenue une légende terrifiante pour de mauvaises raisons.

« Sarah Winchester redistribue les rôles du masculin et du féminin dans sa maison et, de surcroît, s’impose dans le domaine très phallocrate de l’architecture. Construire, seule, une maison peut s’interpréter aujourd’hui comme le combat d’une femme contre l’enfermement et la logique du patriarcat. »

Le livre est assez court et survole plutôt son sujet. Il faut dire aussi que les archives ne sont pas très bavardes au sujet de Sarah Winchester. Toutefois la seconde partie est plus consistante et je l’ai trouvé plus intéressante. Peut-être parce qu’on replace l’histoire de Sarah dans son véritable contexte et dans la société dans laquelle elle vivait, le rôle qu’on attribuait aux femmes et ce qui attendait celles qui n’entraient pas dans le moule. Il y est question de la passion qu’entretenaient les gens de son époque pour le spiritisme et les conséquences de l’histoire américaine (l’extermination des peuples autochtones, entre autres) sur le regard que les gens pouvaient alors porter sur leur univers. Céline du Chéné a aussi visité la Maison Winchester et nous en rapporte un compte-rendu détaillé, ses réflexions, ainsi que ses découvertes dans les archives de la région. 

Une bonne lecture pour remettre les choses en perspective. Je suis contente de l’avoir lu. Les livres autour de la Maison Winchester et surtout, sur Sarah, sont très rares. Il existe aussi le film Winchester, réalisé par Michael et Peter Spierig, sorti en 2018. Je l’ai regardé tout de suite après ma lecture et j’ai plutôt aimé, c’était divertissant. L’histoire joue principalement avec ce que l’histoire a retenu de la légende de Sarah Winchester: le personnage féru de spiritisme et endeuillé, couplé à une ambiance fantomatique. Pour avoir une meilleure idée de qui a pu être Sarah, je vous invite à lire le livre, qui se rapproche sans doute plus de la vérité. 

La malédiction de Sarah Winchester, Céline du Chéné, éditions Michel Lafon, 235 pages, 2022

Hôtel Heartwood t.2 – Un hiver si doux

Alors que le froid s’installe dans la forêt, Mona et son amie Tilly, l’écureuil au sale caractère, accueillent les animaux qui viennent hiberner. Quelle chance de déguster une tasse de miel chaud avant de s’endormir dans un lit douillet jusqu’au printemps ! Soudain un drame survient : les réserves sont pillées et la tempête de neige bloque le ravitaillement. Comment affronter l’hiver sans provisions ? Et surtout, qui vole les cuisines ?

Se déroulant dans un hôtel pour animaux dans la forêt, l’Hôtel Heartwood accueille les animaux qui recherche un endroit où passer les vacances ou alors hiberner pendant la froide saison. De nombreuses fêtes et célébrations sont organisées à l’hôtel. Le propriétaire a aussi très bon cœur et il lui arrive souvent d’offrir logis, travail ou repas à ceux qui sont égarés ou démunis. 

Chaque tome se déroule pendant une saison. Le premier tome, Une maison pour Mona, se déroulait à l’automne. Un hiver si doux quant à lui se passe à l’hiver. Il y a un tome trois pour le printemps et un quatrième pour l’été. J’ai surtout un intérêt pour les deux premiers. Je ne sais pas encore si je lirai les autres. 

Ce second tome nous ramène à Heartwood, cette fois sous les flocons. Comme c’est l’hiver, Mona, Tilly et les autres doivent accueillir les animaux qui hibernent. C’est un moment plus tranquille pour eux normalement, où ils peuvent profiter d’une bonne tasse de miel chaud et de palets au beurre, mais l’arrivée d’une duchesse malcommode, d’un voleur qui dérobe les provisions et d’une grosse tempête de neige, compliquent beaucoup le quotidien des animaux. La duchesse loge à l’hôtel et a de nombreuses exigences déplaisantes. Ce n’est pas une invitée de tout repos. C’est aussi le moment où toutes sortes de problèmes semblent s’acharner sur l’hôtel. C’est une période difficile. Ça le devient encore plus quand des provisions disparaissent alors que l’hôtel est rempli et que la tempête empêche la livraison de nourriture.

On retrouve dans ce seconde tome le plaisir tout doux des petits bonheurs de l’hôtel: les bons petits plats, de nouvelles festivités et traditions, la douceur de vivre à Heartwood. Cette petite série mettant en scène des animaux est très douce et conviviale. L’ambiance est particulièrement agréable. J’aime aussi beaucoup le format des histoires et la beauté de l’objet-livre. Si j’ai eu l’impression d’un relâchement dans l’histoire de ce second tome, j’ai quand même bien aimé cette lecture. C’est un univers confortable qu’il est bon de retrouver. Le roman est aussi illustré de jolies images au crayon, en noir et blanc. Les illustrations accompagnent bien l’histoire.

Le genre de série à découvrir en famille, parfait pour les petits et les grands qui recherchent un peu de douceur.

Hôtel Heartwood t.2 – Un hiver si doux, Kallie George, éditions Casterman, 192 pages, 2019