Motel Mystère

Emblématiques ou noyés dans le paysage urbain, les hôtels et les motels fourmillent d’histoires qui ne demandent qu’à être racontées. Annie Richard, alias la dépoussiéreuse de crimes, et son acolyte d’enquête, Jean-­Philippe Rousseau, nous entraînent dans une dizaine d’établissements québécois qui ont été le théâtre d’événements insolites. Avec minutie, ils déterrent les faits et méfaits survenus dans ces lieux qui sont loin d’être synonymes de repos. Du prestigieux Château Frontenac aux motels en bordure d’autoroute, au détour d’un corridor ou dans la quiétude d’une chambre feutrée, ils nous rappellent que tout peut survenir pendant notre sommeil… même le pire.

Je suis une grande fan du travail d’Annie Richard et de Jean-Philippe Rousseau. J’adore leur balado Rétro Crimes, qui nous amène dans des histoires criminelles et inquiétantes dans les archives historiques. J’adore l’émission Sur ta rue, où l’on découvre l’histoire inconnue de lieux de chez nous. Et j’avais adoré le livre La dépoussiéreuse de crimes. Avec Motel mystère nous plongeons cette fois dans le monde des motels et hôtels du Québec… et leurs histoires inquiétantes. Oserez-vous pousser la porte?

Les deux auteurs nous font visiter dix hôtels de Montréal à Québec, en passant par Chicoutimi, Grand-mère, Drummondville, Como et Val-d’Or. On se promène aussi dans le temps, des années 1800 jusqu’à tout récemment. Certaines histoires parlent de crimes, d’enlèvements, d’incendies, d’Ovnis, de fantômes, de suicides, d’amnésie, de vols et de sauvetages. On visite au passage l’un des plus vieux hôtels de Québec. On découvre une auberge qui était le lieu de rassemblement des patriotes. Et on réalise que l’issue de la Seconde Guerre mondiale aurait pu être bien différente n’eut été de la vigilance d’un jeune soldat lors de son passage au Château Frontenac…

Certaines affaires criminelles sont fascinantes et on a beaucoup d’informations et de contenu, alors que d’autres sont plutôt anecdotiques et survolées. Chaque chapitre nous propose l’histoire d’un nouveau motel. On y croise des personnalités connues, allant de Guy Lafleur à Sarah Bernhardt, en passant par le tueur Dr. Cream (dont j’ai adoré la biographie de Dean Jobb lue cet automne), le groupe The Who, Robbie King ou alors Wilfrid Derome, qui a fondé le premier laboratoire médico-légal en Amérique du Nord (le livre de Jacques Côté sur ce sujet est d’ailleurs fabuleux).

J’ai passé un excellent moment avec Motel mystère qui nous permet de découvrir des histoires criminelles et mystérieuses en lien avec le monde des motels. J’aime ces livres d’histoire criminelle qui reprennent des événements autour d’une même thématique. C’est intéressant à découvrir et ça nous fait voir les motels et les hôtels d’un œil différent. Des lieux toujours propices à des histoires étonnantes!

Motel Mystère. Histoires inquiétantes pour clients téméraires, Annie Richard, Jean-Philippe Rousseau, éditions de l’Homme, 240 pages, 2023

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Adlivun

1847, Angleterre. La Mary Céleste, navire du capitaine Briggs, est accosté au port de Douvres. Les autorités britanniques sont à la recherche d’hommes assez téméraires pour retrouver l’Erebus et le Terror, deux vaisseaux d’exploration disparus il y a un peu plus d’un an lors d’une expédition en Arctique. Motivés par une belle récompense, Briggs et son équipage décident d’entreprendre la mission de sauvetage. Mais une fois arrivés en terre inuite, ils tombent sur un navire fantôme, trop petit pour être l’Erebus ou le Terror. Leur périple prend alors une tournure inattendue…

Vincenzo Balzano crée des bandes dessinées atypiques que, personnellement, j’apprécie beaucoup. J’avais beaucoup aimé Clinton Road du même auteur et j’avais hâte de découvrir ce livre-ci, surtout qu’il aborde la disparition des bateaux de l’expédition de Franklin, un thème sur lequel j’adore lire.

Cette superbe bande dessinée se déroule en 1847. Nous sommes en Angleterre, alors que les autorités cherchent à recruter des volontaires pour partir sur les traces des bateaux de Franklin portés disparus: l’Erebus et le Terror. Briggs, un capitaine mystérieux qui cache bien des choses, décide d’entreprendre les recherches et part sur le Mary Celeste. En arrivant sur place, l’équipage fait des découvertes déroutantes…

« Fuyez loin d’ici! Pauvres fous! »

L’auteur a un style très particulier qui me plait beaucoup. Son dessin est étrange et onirique. L’atmosphère dans laquelle baigne l’histoire est toujours mystérieuse et inquiétante. Ce n’est pas une histoire linéaire et on peut s’amuser à en faire plusieurs interprétations. C’est surtout une lecture d’ambiance et si on est sensible à ce genre particulier, Vincenzo Balzano est assurément un auteur à découvrir. Clinton Road était aussi un peu dans le même genre, même si le sujet était totalement différent. Chez Balzano, tout se joue sur les impressions et l’ambiance mystérieuse qui plane dans l’air.

Les thèmes qu’il utilise dans ses bandes dessinées sont intrigants. Ici, il mélange la légende et les histoires terrifiantes en lien avec les naufrages. Franklin et le naufrage de ses bateaux ont marqué l’histoire. Il faut savoir que Briggs et le Mary Celeste ont aussi existé. Il est intéressant de lire sur ces deux événements puis de voir ce que Balzano en a fait dans Adlivun. Son interprétation de ces événements est intéressante.

J’aime définitivement beaucoup son travail puisqu’il nous plonger dans des lieux sombres et inquiétants, où le lecteur n’est jamais sûr de rien. Une belle découverte!

Adlivun, Vincenzo Balzano, éditions Ankama, 168 pages, 2022

L’étrange Noël fantôme

Le matin de Noël, Mirka ne comprend plus rien : ses parents débordés l’envoient à l’école ! Là-bas, c’est tout aussi fou : un mystérieux professeur qui enseignait il y a 200 ans accueille les enfants éberlués. Quand les élèves fantômes de cette époque décident de hanter l’école à leur tour, c’est rapidement la pagaille. Mais que veulent donc tous ces revenants ?Un roman illustré sur l’esprit et les valeurs de Noël, à l’ère de la surconsommation.

L’étrange Noël fantôme est un petit livre jeunesse à partir de 8 ans. Nous sommes le 24 décembre, mais les parents de Mirka l’envoient à l’école à son grand étonnement. Ils la mettent carrément dehors avec son déjeuner! Elle se rend donc en classe, mais c’est un vieux professeur (qu’on ne voit pas sans des lunettes spéciales) qui les accueille. Il enseignait il y a 200 ans! C’est le fantôme des profs passés. Et il y a aussi tous ces enfants fantômes qui ont déjà étudié dans cette école. C’est une journée bien étrange qui commence pour Mirka et ses amis… 

Ce roman aborde le thème de la surconsommation et de l’esprit de Noël à travers l’expérience que font des enfants d’aujourd’hui, de se retrouver avec des enfants et un professeur tous issus du passé. L’histoire, même si elle s’inspire de quelques classiques de Noël (on pense forcément à Dickens), est plutôt intéressante. Les dessins qui accompagnent le roman nous plongent dans une atmosphère un peu glauque, qui nous change des livres de Noël habituels, surtout pour les plus jeunes.

J’ai aimé l’intervention des enfants du passé. Le roman fait la part belle aux fantômes, un peu comme dans les premières histoires de Noël racontées anciennement et qui étaient toujours des histoires mystérieuses avec des revenants. Noël était le moment des récits qui donnaient le frisson. Ici, oui on parle de surconsommation, mais je trouve aussi que ça peut être une belle entrée en matière pour comparer les habitudes des Noëls d’antan à celles des Noëls d’aujourd’hui. Les valeurs qui y sont associées, la façon de vivre, les familles nombreuses. En prime: une petite recette en fin de volume qui nous offre une gourmandise typiquement québécoise!

L’étrange Noël fantôme, Karine Glorieux, illustré par Camila De Orduna-Ortiz, éditions La bagnole, 96 pages, 2022

Sherlock Holmes et le démon de Noël

1890. Peu avant Noël, Sherlock Holmes et John Watson reçoivent à Baker Street la visite d’une nouvelle cliente. Eve Allerthorpe, fille aînée d’une dynastie prestigieuse mais quelque peu excentrique du Yorkshire, se trouve dans une profonde détresse : elle se croit possédée par un démoniaque esprit de Noël. Eve doit hériter d’une fortune à condition d’être saine d’esprit, mais il semble que quelque chose – ou quelqu’un – menace son équilibre mental. Holmes et Watson partent enquêter au château de Fellscar, demeure familiale des Allerthorpe, mais s’aperçoivent vite que l’affaire est plus complexe qu’il y paraît. Un autre esprit hante la famille ; et lorsque l’on découvre le cadavre d’un membre de la maisonnée, le duo comprend que nul n’est au-dessus de tout soupçon…

Quand je suis tombée sur ce titre, Sherlock Holmes et le Démon de Noël, je voulais absolument le lire. Il aura mit un an après sa sortie en Europe avant d’arriver jusqu’à nous. Sans surprise, j’ai adoré ce roman! Je l’ai trouvé bien écrit, passionnant et j’ai apprécié l’atmosphère du livre. On est en pleine période de Noël, dans un grand manoir où se préparent les festivités des Fêtes. La neige a un rôle important dans l’intrigue et contribue aussi à l’ambiance des Fêtes.

« C’est là que la neige s’avère un merveilleux assistant pour l’enquêteur. Dans certaines circonstances, elle offre une abondance d’indices en conservant l’empreinte de tout ce qui se pose à sa surface, même si le poids est des plus minimes. »

Sherlock Holmes et son acolyte John Watson reçoivent la visite d’une jeune femme qui demande leur aide. Elle se croit doublement hantée, entre autre par le Thurrick noir, un démon maléfique qui représente le côté sombre de Noël. Les festivités se préparent dans l’immense demeure de sa famille et la jeune femme doit hériter d’une somme conséquente, suite au décès d’une parente, à condition d’être déclarée saine d’esprit. Sauf qu’elle a l’impression de perdre la tête. Quel fantôme vient la tourmenter? C’est ce que Holmes et Watson doivent découvrir.

« L’humanité a une tendance inhérente à coopérer. C’est ainsi que l’on crée des sociétés et un consensus moral. Dans l’ensemble, nous avons envie d’être d’accord les uns avec les autres. Aussi, si l’un d’entre nous insiste sur le fait qu’une chose est vraie et maintient son point de vue contre toutes les oppositions, d’autres finiront par penser comme lui. »

Je suis une grande fan de Sherlock Holmes depuis mon enfance et je suis toujours à la recherche de livres autour de ce personnage. Ici, j’ai trouvé que Lovegrove avait fait du très bon travail et cette lecture a été un vrai plaisir: combiner enquête et roman de Noël c’était parfait! Justement dosé. Ça m’a rappelé le bonheur que j’avais à découvrir les histoires originales de Conan Doyle. En découvrant ce livre bien écrit et qui respecte dans l’essentiel l’esprit de l’univers de Sherlock Holmes, j’ai très envie de découvrir les autres enquêtes de l’auteur. 

L’atmosphère joue pour beaucoup dans le plaisir de lecture: fantômes, préparatifs de Noël, immense demeure pleine de domestiques, secrets familiaux, neige, bons repas et intrigues passionnantes. C’était un choix parfait pour débuter mes lectures de Noël et d’hiver cette année!

À noter la beauté de l’objet-livre dont la couverture est superbe. Le format me plait beaucoup aussi. Le roman fait partie de la collection Steampunk et ses tranches sont dorées. C’est un plaisir que de l’avoir entre les mains. Je veux lire tous les autres de cette collection écrits par Lovegrove!

Sherlock Holmes et le démon de Noël, James Lovegrove, éditions Bragelonne, 336 pages, 2021

Blackwater t.1: La Crue

Alors que les flots sombres et menaçants de la rivière submergent Perdido, une petite ville du sud de l’Alabama, les Caskey, une riche famille de propriétaires, doivent faire face aux innombrables dégâts provoqués par la crue. Mené par Mary-Love, la puissante matriarche, et par Oscar, son fils dévoué, le clan s’apprête à se relever. Mais c’est compter sans l’apparition, aussi soudaine que mystérieuse, d’Elinor Dammert, jeune femme séduisante au passé trouble, dont le seul dessein semble être de s’immiscer au cœur de la famille Caskey.

La crue est le premier roman de la saga en six tomes, Blackwater. J’aime le concept de type feuilleton, avec une sortie de deux livres tous les mois de mai à juillet. Je dois aussi dire que j’adore la sublime couverture de ce livre (et des suivants) remplie de détails et de dorures. J’étais vraiment curieuse de lire cette série écrite en 1982 par l’auteur de Beetlejuice, qui n’avait jamais encore été traduite.

Blackwater est le nom d’une rivière en Alabama. L’histoire commence en 1919 alors qu’une petite ville est inondée par la crue. Les Caskey sont de riches propriétaires de scierie et ils font une étrange découverte en explorant la ville en canot: une femme, Elinor, est coincée depuis des jours dans un hôtel submergé par la montée des eaux. L’événement est particulièrement troublant. Alors qu’Oscar tombe sous son charme, Bray qui l’accompagne et a toujours travaillé pour la famille Caskey, est profondément bouleversé et apeuré par cette rencontre. C’est à partir de là que l’histoire commence réellement.

Elinor est étrange et intrigante. Elle débarque un peu comme un cheveu sur la soupe dans une famille où sa présence suscite les passions. Des choses bizarres et inexplicables se produisent depuis son apparition. Elle se greffe à la famille Casey, au désespoir de la matriarche, Mary-Love, qui a l’habitude de diriger tout et tout le monde. Mais Elinor, on le découvre assez vite, est plus intelligente et beaucoup plus puissante qu’elle…

Au début du roman, après quelques scènes vraiment intrigantes, je me suis demandée où m’amenait l’auteur. Je l’avoue, je m’attendais à ce que l’auteur pousse l’histoire beaucoup plus loin. Puis, je me suis habituée au rythme d’écriture, qui rappelle certains classiques américains. Les personnages – et surtout les liens entre eux – mettent du temps à se mettre en place. Il y a un petit côté vieillot auquel j’ai dû m’adapter au début, surtout parce que je ne m’y attendais pas. Perdido est une ville poussiéreuse où les éléments fantastiques se distillent lentement. Jusqu’à ce qu’ils frappent. L’inattendu nous pend au bout du nez alors qu’on ne s’y attend pas. Quand tout semble trop calme, il faut se méfier! J’ai vraiment aimé cet aspect du roman.

« J’ai tendance à insister sur l’humour, car l’horreur paraît plus horrible encore quand on la laisse s’exprimer dans un contexte absolument banal. »

Blackwater est une saga très intrigante. Si vous aimez les histoires familiales qui débordent un peu du cadre, c’est la lecture qu’il vous faut. Elinor est inquiétante, mystérieuse et assurément, on veut mieux la connaître. Comprendre d’où elle vient et ce qu’elle veut vraiment. L’écriture de l’auteur est très visuelle, on imagine parfaitement les lieux et les personnages. Sans doute que son bagage cinématographique y est pour quelque chose. J’ai le second tome sous la main et j’ai hâte de m’y plonger pour découvrir la suite de l’histoire. Parce que mine de rien, l’auteur réussit à nous donner envie de savoir qui est vraiment Elinor… et ce qu’il adviendra de la famille Caskey.

Blackwater t.1: La Crue, Michael McDowell, éditions Alto, 248 pages, 2022