
L’industrie agroalimentaire a mis à mal notre rapport au territoire. Déconnecté·e·s des rythmes de la nature, nous avons perdu les savoir-faire ancestraux et confié à des entreprises le soin de nous nourrir. Notre sol est pourtant riche des mémoires anciennes qu’il porte. Celles des famines et des grands froids, mais aussi celles des fêtes de village et des premières récoltes. Elisabeth Cardin nous invite à repenser notre usage du monde en nous inspirant de l’équilibre bouleversant qui règne dans nos forêts et nos rivières, quand nous ne sommes pas occupé·e·s à les vider de leurs ressources. Elle nous parle d’autonomie et de liberté, d’identité et de bienveillance. Mais surtout, elle nous rappelle ces habitudes qu’il nous faut absolument retrouver si nous voulons léguer la terre à nos enfants: jardiner, cuisiner, conserver, vivre selon les saisons, célébrer le territoire, être patient·e·s, collaborer. C’est à travers les gestes les plus simples que surviennent les plus grands changements.
Ce livre d’Elisabeth Cardin a été un gros coup de cœur. Il met en mots tout ce que je pense de notre relation avec la nature, le territoire, la culture maraîchère, la nourriture et cette quantité de connaissances ancestrales qui se perdent de plus en plus. Notre territoire, on ne le connaît plus, on ne l’habite plus pleinement et on achète notre nourriture dans des emballages de plastique qui ont voyagé pendant des jours avant de se rendre à notre table. On méconnait notre propre culture culinaire et agro-alimentaire, et l’industrialisation nous a fait oublier l’importance de l’équilibre naturel.
« Si l’envie de nous réconcilier avec le territoire nourricier se fait sentir de manière aussi pressente, c’est bien évidemment parce que nous sommes aujourd’hui déconnecté.e.s. »
Le temps des récoltes, c’est un plaidoyer pour un retour aux sources, à la connaissance. C’est un livre qui donne envie de cultiver son propre jardin, qui pousse à vouloir être plus actif et éclairé dans sa relation avec les aliments et sa consommation en général. L’auteure nous parle de tous ces savoir-faire ancestraux que nous sommes en train de perdre, mais aussi de la mémoire de notre terre. De ce que nous portons sans trop le savoir et qui ne demande qu’à être dépoussiéré.
Les chapitres abordent des thèmes comme la cueillette, la chasse et la pêche, le langage, l’histoire, les lieux, la collectivité et les vieilles maisons. Chaque chapitre est entrecoupé de « scènes de restaurant » (l’auteure est propriétaire d’un resto à Montréal) qui relatent des petits gestes qui font toute la différence. Ce que j’aime appeler « des croquis de vie ».
« Lorsque nous acceptons de manger ce que l’industrie nous propose, sans remettre en question le contenu des étalages, nous contribuons à la disparition du langage des aliments cohérents avec le lieu. »
L’industrialisation de l’alimentation nous a fait perdre beaucoup plus qu’elle nous a fait gagner. Elisabeth Cardin nous livre un message inspirant qui nous invite à repenser notre monde, à le rééquilibrer et à partager nos connaissances afin qu’elles ne soient pas oubliées. J’ai apposé des signets sur à peu près toutes les pages de ce livre tellement le propos me parle. C’est de notre rapport à la terre dont il est question mais aussi, de notre rapport à notre histoire. Deux choses terriblement mal aimées et mal transmises aux jeunes générations depuis quelques années. Il faut vraiment agir pour ne pas perdre ce patrimoine essentiel.
« Notre histoire est de la poésie qui se mange. »
Coup de cœur absolu pour ce livre merveilleux. Lisez-le!
Le temps des récoltes, Elisabeth Cardin, éditions Atelier 10, 73 pages, 2021