Les jours fastes

« Se terminent les jours tendus lorsque nous sommes vivants pour vrai. Une partie de nos jours disparaît, et les autres, je devrai les avancer avec moi. Dans la vérité. Dans la vie que j’avancerai. Je demande à me réveiller, mais je ne dors pas. Je deviens spectateur de la suite des choses. »

J’ai acheté ce livre pour l’auteur que j’aime beaucoup. Pour la couverture également qui rappelle nos vieilles maisons enneigées. Je m’attendais à une lecture très plaisante. Pierre Labrie est un auteur dont j’ai lu plusieurs recueils dans le passé, des recueils que j’ai toujours beaucoup appréciés. Son écriture, sa vision, sa façon de nous imager les histoires que renferment ses livres, les contextes dans lesquels il veut nous transporter sont toujours très beaux et agréables à lire.  

Sous forme de calendrier et tantôt de saisons, ce livre poétique nous raconte l’histoire de Philéas. On sait qu’il a vécu quelque chose de difficile. Philéas a tendance à regarder derrière lui, les erreurs, les embûches. Il fait des choix, fait certaines choses. Il aimerait retourner en arrière. Essayer de barrer au calendrier ces moments-là et en recréer des nouveaux.

« Je suis seul en ce jour de janvier et la neige me recouvre. J’avance difficilement. Pas la force de tout souffler. »

L’hiver est très présent dans le recueil, c’est une façon tangible de rendre visuellement ce que ressent le personnage. L’hiver est une saison morte. Quand Philéas regarde derrière lui et donc sur ses calendriers, il remarque que les X sombres font de l’ombre aux autres cases plus positives de son calendrier. En hiver, tout est figé. Comme ce que ressent Philéas, incapable d’avancer.

L’histoire sous forme poétique contient cinq chapitres: Les calendriers ordinaires, Nos jours tendus, Ni fastes ni néfastes, Les contorsions demain et La qualité des jours restants. Au centre du livre, le personnage constate qu’il doit apprendre à nager, à vivre finalement, pour pouvoir aller voir plus loin, atteindre ses objectifs et ses buts plutôt que de broyer du noir. Être mieux avec soi-même et son quotidien pour vivre une forme de paix et de sérénité. Au centre du livre, le personnage constate qu’il doit apprendre à nager, à vivre finalement, pour pouvoir aller voir plus loin, atteindre ses objectifs et ses buts plutôt que de broyer du noir.

« Vouloir échanger la date contre autre chose. Le temps dans son ensemble. Vouloir aussi échanger un mot contre une phrase. Une phrase contre une horloge. Recommencer autant qu’il le faudra. Désirer se refaire ailleurs. Avec les jours que ça prendra. S’allier au temps et tenter de lui faire confiance. »

J’ai aimé ce livre. Je l’ai lu deux fois et j’ai trouvé la relecture encore plus agréable que ma première lecture. Il y a de très beaux passages, surtout vers la fin, alors qu’un peu de lumière pointe le bout du nez dans l’univers de Philéas. Mais attention, ce recueil n’a rien de déprimant. C’est surtout la démarche qui y est racontée, celle d’avancer et de faire la paix avec la vie pour pouvoir continuer. D’avoir des buts, des projets. C’est sa vision du monde qui change et se met en mouvement.

Un recueil de poésie qui marque le temps, la vie, le quotidien assombrit qui chemine doucement vers la lumière. Ce cheminement, au fil des mots, est très beau.

Les jours fastes, Pierre Labrie, éditions Trois-Pistoles, 96 pages, 2014

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Le miel, une autre histoire de l’humanité

Au commencement, disent les anciens Égyptiens, le bourdonnement de l’abeille née des larmes du dieu solaire Rê s’éleva au-dessus des eaux primordiales du Nil, et cette vibration dans l’air serait à l’origine du monde… Saviez-vous que des peintures rupestres espagnoles vieilles de 18 000 ans montrent que le miel sauvage était récolté dès la Préhistoire, au péril de leur vie, par les premiers hommes ? Que les scènes d’apiculture découvertes dans le temple de Niouserrê en Basse-Égypte témoignent de l’existence de ruches domestiques au moins 2 000 avant J.-C. ? Qu’à l’Âge du bronze, le perfectionnement de la métallurgie qui a permis aux empires de prospérer doit beaucoup à la pratique de la cire perdue, un autre produit de la ruche ? Que la première boisson fermentée alcoolisée que l’être humain a fabriquée est l’hydromel ? Qu’Hippocrate préconisait à ses patients de boire du vinaigre mélangé à du miel (oxymel) pour soigner les rhumes, la toux, et apaiser la douleur ? Remontant le cours du temps dans le sillage de ces petites butineuses sur tous les continents, Marie-Claire Frédéric nous montre que l’histoire des civilisations humaines est indissociable de celle des abeilles et de leur précieux nectar, et que leur destin est, aujourd’hui plus que jamais, lié à la préservation de notre planète.

Cet ouvrage sur les abeilles est tout simplement fascinant! Dans cet essai de Marie-Claire Frédéric, le lecteur est transporté à plusieurs époques et découvre une foule de sujets divers, toujours en lien avec les abeilles et leur miel.

« Au commencement, selon les anciens Égyptiens, le bourdonnement de l’abeille bruissait au-dessus des eaux primordiales. Cette vibration dans l’air associée à l’humidité, a créé le monde. Le bourdonnement de l’abeille a donné le rythme, la cadence de l’univers. »

Insecte vieux de plusieurs millions d’années, les abeilles ont côtoyé les dinosaures, été représentées sur les parois des grottes préhistoriques, ont vécu l’Égypte ancienne, vu le monde médiéval et survécu jusqu’à notre réalité d’aujourd’hui. L’abeille a su s’adapter aux changements climatiques, aux extinctions massives et à de nombreux prédateurs. À travers les siècles, l’humain a vénéré l’abeille et son miel précieux, ce doux nectar sucré à la couleur dorée. Le système social de la ruche, sa hiérarchie, la soumission inconditionnelle des sujets pour la reine (qu’on pensait alors être un roi), en ont fait un système idéal à reproduire pour les sociétés humaines. Les rois de l’époque, qui croyaient avoir un modèle parfait de hiérarchie sociale, ont découvert avec les chercheurs, que l’insecte qu’ils croyaient être un roi dans la ruche était plutôt… une reine. Ça dû être un choc royal!

L’abeille a beaucoup fasciné l’humain à travers les époques et continue de le faire aujourd’hui. Ce tout petit insecte a eu un rôle puissant à travers le temps. Ce qui est passionnant dans ce livre, c’est qu’en suivant le parcours de l’abeille, c’est aussi l’histoire de l’humanité que l’on découvre. C’est l’évolution de notre relation à l’abeille et à sa domestication: de la chasse au miel en passant par les premières ruches dans les troncs d’arbre, jusqu’aux ruches que l’on connaît aujourd’hui.

« La pratique de « raconter aux abeilles » (« telling the bees ») trouve sans doute son origine dans ce type de croyances, selon lesquelles les abeilles font le lien entre notre monde et le monde des esprits. Si vous aviez une déclaration à faire à une personne disparue, il vous suffisait donc de le dire aux abeilles et elles délivraient le message. »

On s’aperçoit que l’abeille était une partie importante du mode de vie des gens au niveau culinaire, médical, mais aussi d’un point de vue religieux, en lien avec les croyances, les rites funéraires et les légendes. Le miel, c’est aussi l’hydromel, boisson sucrée et appréciée. On découvre d’ailleurs quelques recettes dans le livre. L’abeille est souvent vénérée car elle est perçue comme étant divine. Le miel était précieux, rare et symbolique. On apprend également l’histoire de la phonétique et des mots utilisés dans différentes langues pour parler du miel et des abeilles.

L’histoire de l’homme et de l’abeille est étroitement liée. On entend souvent que l’homme viendrait qu’à disparaître si l’abeille n’existait plus. Ce n’est pas tout à fait vrai. Toutefois, notre mode de vie, notre alimentation et nos écosystèmes changeraient indubitablement. Notre vie avec l’abeille, c’est une cohabitation précieuse qui a apporté énormément à l’humanité et à nos sociétés.

« Le miel est le symbole de la douceur de vivre; il nous soigne et nous nourrit d’une provende plaisante et sucrée. Parfois, il nous enivre. Mais toujours il charme nos sens. Avec lui, la « lune de miel » est éternelle. Compte tenu des nombreuses propriétés bénéfiques du miel et de ses produits dérivés, de son caractère sacré dans bon nombre de coutumes, on ne s’étonnera pas de le voir figurer en bonne place parmi les offrandes faites aux Dieux. »

Le livre est complété par quelques photos et illustrations au centre de l’ouvrage. Je vous recommande assurément cette lecture qui m’a beaucoup plu. Le travail de recherche est excellent. Étant friand d’histoire, de nature et de mythologie, j’ai trouvé le propos passionnant. Un beau coup de cœur!

Le Miel, une autre histoire de l’humanité, Marie-Claire Frédéric, éditions Albin Michel, 256 pages, 2022

Les Quatre mousquetaires de Québec

Nous connaissons bien Maurice Duplessis et ses opposants. Nous connaissons moins ceux qui l’ont soutenu avant de devenir ses détracteurs. L’Union nationale triomphe du Parti libéral en 1936 avec l’aide de quatre candidats vedettes qui deviendront ses adversaires acharnés. Ce sont René Chaloult, père du drapeau québécois; Oscar Drouin, grand défenseur des ouvriers; Ernest Grégoire, maire de Québec qui tente de libérer la politique municipale de toute influence occulte; et Philippe Hamel, promoteur de la nationalisation de l’électricité. Ces quatre mousquetaires, ainsi nommés par leurs contem­porains, contribuent à la première victoire de Duplessis, convaincus de sa volonté d’opérer une révolution sociale et nationale au Québec. Son abandon de leur programme électoral les conduit à former le Parti national en 1937 et à faire la lutte aux deux grandes formations politiques. Alexandre Dumas présente dans ce livre leur parcours politique et s’intéresse aux causes de leur échec.

Cet ouvrage présente un magnifique travail de recherche de la part de l’auteur qui nous fait découvrir la carrière de quatre hommes politiques méconnus aujourd’hui. J’ai un certain intérêt pour la politique. Je trouve important que les connaissances et les enjeux, tant actuels que passés, soient connus et partagés, afin de favoriser les échanges et de faire un choix éclairé comme électeur lors d’élections provinciales ou fédérales. Toutefois, comme plusieurs, je ne connaissais pas les personnages politiques dont il est question dans cet ouvrage. Mais cette lecture s’est avérée vraiment bien ciblée et elle a été des plus enrichissantes.

Nos connaissances au Québec sont très pauvres en matière de députés qui n’ont pas été des ministres populaires. On ne s’y intéresse pas forcément. Alors que pourtant, comme c’est le cas des Quatre mousquetaires, des personnalités moins connues aujourd’hui ont eu un impact important au Québec, sur notre avenir et sur le développement de notre société. Leur façon d’être et leurs idées innovatrices pour faire avancer le Québec, étaient exceptionnelles. Étonnamment, beaucoup d’éléments de ce livre sont encore toujours d’actualité, même s’ils nous offrent un portrait politique du passé.

« Chaloult ne se déclare pas ouvertement séparatiste, mais avoue que la constitution d’un État français en Amérique du Nord est la finalité de son projet politique. Il croit que le régime fédéral poussera un jour la province de Québec au séparatisme s’il continue à traiter cette dernière comme le « parent pauvre » de la Confédération. »

Le livre nous présente chacun des mousquetaires. Très différents, aux idées et aux convictions parfois opposées, ils sont unis par leur désir de faire avancer le Québec. Ils travaillaient ensemble en ce sens. On découvre donc Oscar Drouin (militant contre la conscription, s’est battu pour les pensions de vieillesse et l’ouverture du Barreau pour les femmes), Philippe Hamel (qui voulait nationaliser l’électricité pour faire baisser les coûts refilés aux citoyens), Ernest Grégoire (ses combats contre la corruption et une juste répartition des subventions aux municipalités), et René Chaloult (qui voulait modifier le code civil pour permette aux femmes mariées de gérer leurs propres biens, prônait le droit de vote des Premières Nations et était un nationaliste convaincu de la fondation d’un état français en Amérique du Nord.)

« Le 18 février 1930, c’est au tour d’Oscar Drouin de tenter de permettre aux femmes d’accéder au Barreau. Selon Le Devoir, le Parlement est alors « envahi par les féministes québécoises » venues « ensorceler nos braves députés ». Drouin doit subir les railleries de ses collègues rouges et bleus. Les députés rigolent entre eux. »

On constate qu’en matière de politique le Québec a longtemps traîné la patte dans la création de ses programmes par rapport à ceux offerts ailleurs au pays. Je pense aux pensions de vieillesse ou à l’ouverture du barreau pour les femmes. Il pouvait s’écouler une trentaine d’années après que ces hommes aient proposé des modifications avant qu’elles ne soient finalement mises en place, alors que c’était déjà le cas depuis longtemps ailleurs. Ces Quatre mousquetaires étaient des précurseurs et ils étaient en avance sur leur temps. Ils avaient une vision à long terme et une vision démocratique de notre société. Ils ont peut-être fait germer des idées pour les révolutions qui auront lieu plus tard.

On en apprend sur les différents partis. Sur la carrière politique de Chaloult, Drouin, Grégoire et Hamel. Sur Taschereau et Duplessis. La corruption qui gangrénait les partis, l’indiscipline, l’injustice, l’arrogance, la méchanceté, le manque de respect, l’intimidation, les fausses promesses. Il y avait des injustices épouvantables en matière d’équité pour les partisans du parti adverse de celui qui était au pouvoir, comme des pertes d’emploi et des pertes de subventions. Les dons aux partis politiques provenaient principalement des industries, des syndicats et des églises. Chacun se ralliait à différents partis et les nouveaux venus n’avaient aucune subvention. Les partis pouvaient aussi compter sur les différents journaux pour les appuyer et donc diffuser leurs paroles, tout en rabaissant les autres partis. La visibilité était donc très variable d’un parti à l’autre et la diffusion également.

« Ce n’est pas un secret que le favoritisme joue un rôle important dans l’administration de la province, mais le comité des comptes publics en révèle l’étendue. On apprend notamment que les chèques de secours directs aux chômeurs sont distribués en fonction de l’allégeance politique des récipiendaires. »

En prenant un peu de recul on constate que plusieurs enjeux de l’époque sont encore actuels aujourd’hui. Je salue le magnifique travail de recherche de la part de l’auteur. Il m’a permis de découvrir des hommes politiques dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai apprécié la façon dont l’auteur a écrit son livre, qui se lit pratiquement comme un roman. C’est hyper intéressant et vraiment très abordable. Je pense que c’est un livre qui devrait être lu par tous afin de comprendre un peu mieux notre passé en histoire politique.

J’ai eu un grand coup de cœur pour cet ouvrage qui m’a permis de découvrir l’histoire politique de cette époque que je ne connaissais pas. Je trouve qu’un livre comme celui d’Alexandre Dumas nous permet de voir d’où l’on vient, où nous sommes rendus et vers quoi nous devrions poursuivre pour faire de meilleurs choix comme société. Après avoir lu un livre comme celui-ci notre vision de la politique change beaucoup et alimente d’intéressantes réflexions. Un livre à lire assurément!

Les Quatre mousquetaires de Québec, Alexandre Dumas, éditions du Septentrion, 294 pages, 2021

Déjeuner avec papa – Recueil de napperons

« Tous les dimanches matins, à 10 h 30, Papa et moi on va déjeuner-dîner au restaurant. C’est notre rituel.» Depuis que les parents de Gaspard sont séparés, rien n’est plus comme avant. Heureusement, il reste des rituels rassurants comme les assiettes deux œufs bacon, patates dorées, pain brun avec du beurre de pinottes du dimanche. Roman graphique original et empreint de mélancolie, Déjeuner avec papa met en mots et en images de petits et grands bouleversements.

Ce roman graphique est un grand plaisir de lecture. J’ai aimé l’originalité du livre, sous-titré « Recueil de napperons ». C’est l’histoire d’un jeune garçon qui va déjeuner au restaurant avec son père tous les dimanches. C’est un moment attendu, une routine importante pour lui. On aime toujours aller au restaurant pour déjeuner, petit bonheur qu’on partage avec le jeune garçon. L’histoire est axée sur la relation père-fils, un moment spécial pour eux qui leur permet d’échanger, de se rapprocher et de solidifier leur relation. Même si le papa de l’histoire est un homme réservé qui parle peu, ces déjeuners parent/enfant vont aussi permettre au garçon de mieux appréhender ce que son père traverse comme  événements difficiles.

« Mon père ne me dit jamais qu’il m’aime. Je l’ai déjà dit: c’est un homme de peu de mots. Un homme de silence, même. Mais il étale l’amour qu’il me porte partout sur ses murs. »

À travers ce recueil de napperons, on découvre ce que le père et le fils vivent au quotidien et les bouleversements auxquels ils font face. Le livre aborde d’une façon intelligente de nombreux sujets: le deuil et la mort d’un être cher, la séparation des parents, la vie de couple, l’homoparentalité, les rôles parentaux et leur répercussion sur l’enfant lors de grands changements. Un livre qui peut aussi très bien se prêter à une lecture avec son enfant et offrir une base à de nombreuses discussions. Le livre s’y prête bien puisqu’il est illustré et reprend l’ambiance d’un déjeuner au restaurant.

Même si le livre aborde une foule de sujet, j’ai aimé que les auteurs mettent en valeur une richesse qui se perd de plus en plus: le plaisir de manger ensemble, en famille. Ce livre met aussi ce partage en relief. C’est un livre agréable à lire même pour adulte. Vraiment, un ouvrage universel qui permet de voir différentes dynamiques familiales alors que le père et le fils partagent un moment important, que personne ne peut leur enlever.

C’est mon premier livre de Simon Boulerice et j’ai adoré. J’ai été agréablement surpris par la qualité du travail de l’auteur et de l’illustratrice Anne-Julie Dudemaine. Toutes les pages sont illustrées. Le style de dessin se marie énormément bien avec l’écriture manuscrite. Il y a aussi des cernes de café sur différentes pages, comme un vrai « recueil de napperons ». J’ai adoré!  Visuellement, c’est un très bel ouvrage.

Un auteur que j’aimerais assurément relire.

Déjeuner avec papa – Recueil de napperons, Simon Boulerice, Anne-Julie Dudemaine, éditions de la Bagnole, 76 pages, 2022

Les dents de l’amour

Draculotte, fille adoptive de Dracula, refuse de mordre Ericu, son fiancé, car elle veut vivre le véritable amour et fonder une famille à échelle humaine. Les choses se compliquent quand ses dents piquent involontairement les atouts de son bel Ericu. Draculotte lui injecte vite une dose de VampiPenMD, un antidote qui renverse le processus de transformation de la victime en trois jours. Entre les magouilles de Drâcontour, la demi-sœur de Draculotte, qui tentera de lui croquer son amoureux, les abus de Djacula, un vieux jésuite vampirisé très libidineux, et les promesses de Jéo, une plantureuse blonde qui essaiera de corrompre Ericu, l’amour finira-t-il par triompher ou s’il finira édenté ?

Ghislain Taschereau est un artiste que je connais beaucoup comme humoriste, mais je ne l’avais encore jamais lu. J’aimais ses personnages humoristiques, par exemple dans Taquinons la planète, 100 limites et Les bleu Poudre. L’humour présent dans ses sketches me faisait bien rigoler. J’étais donc très curieux de lire ses romans. Dans les dernières années, je me suis procuré plusieurs de ses livres avec l’intention de le découvrir. J’ai choisi celui-ci comme lecture de Saint-Valentin qui me semblait bien prometteur et de circonstance, du moins si on a un peu d’humour. 

Les dents de l’amour est une histoire de vampires, qui se déroule à Bucarest. Le roman parle autant du monde des humains que de celui des vampires. La ville a une politique permettant la cohabitation entre les sous-dentés (les humains) et les vampires. On suit Draculotte, la fille adoptive de Dracula, et le beau Ericu, un humain, le fils du maire de la ville. Le roman raconte leur histoire d’amour, les difficultés qu’ils rencontrent, vu qu’ils ne viennent pas du même milieu. Une histoire classique, mais racontée avec tellement d’humour et de jeux de mots que c’est un vrai plaisir pour le lecteur.

« Sous leurs capes brumeuses, cachant leurs couleurs, mais crachant leur colère, des ombres noctambules virevoltent sous la céleste voûte vers une vengeance d’une violente volonté. Dracula et ses semblables ont été éconduits par Grigore Zidar. Et maintenant, chacun des vampires a une dent, sinon deux, contre la mairie de Bucarest et contre tous les sous-dentés. »

C’est aussi un roman sur l’histoire entre les humains et les vampires, la rébellion entre les deux, les complications à vivre ensemble vu leurs différences. Les histoires de vampires ne m’ont jamais vraiment plu, mais ici c’est très différent vu tout ce que l’auteur apporte au mythe du vampire. C’est beaucoup plus humoristique qu’effrayant. C’est drôle et vraiment agréable à lire.

Ce roman propose des nouveautés et jette un regard différent et amusant sur le monde des vampires. Il reprend les codes classiques, mais il les réinterprète à sa façon. Les noms des personnages sont drôles et en lien avec leurs caractéristiques. L’humour est présent partout. L’intrigue est rocambolesque, absurde et ironique. L’histoire d’amour entre les deux personnages est quand même belle. En lisant le livre, on ne s’imagine pas de quelle façon se terminera le roman. Même s’il s’agit d’une histoire d’amour, ce n’est pas une romance au sens où on l’entend. C’est également une critique humoristique de la société. À souligner le titre de la collection, Hilare coquin, dans laquelle ce titre est paru et qui porte bien son titre.

« Une sirène de police retentit au loin, bousculant l’inerte fréquence du silence, et Draculotte sait qu’elle doit filer sans tarder, car il ne faut surtout pas qu’on puisse l’accuser de tentative de suçage et de délit de fuite sanguine sur une victime de la route. »

L’histoire est captivante et on veut savoir ce qui va se passer. C’est un texte humoristique très riche en trouvailles, tant au niveau des personnages que des situations. On retrouve avec plaisir le style de Ghislain Taschereau. On sent que l’auteur s’amuse avec les mots et les situations de ses personnages.

J’ai adoré cette lecture. Ça se lit vraiment bien, c’est drôle et on passe un vrai bon moment. Si on cherche une lecture un peu décalée et hilarante, c’est parfait! Ça été une excellente lecture de Saint-Valentin.

Les dents de l’amour, Ghislain Taschereau, éditions de l’Individu, 166 pages, 2020