Sous la glace – 12 petits meurtres à lire au coin du feu

Qui a dit qu’hiver rimait avec plaid, vin chaud et feu de cheminée ? Certainement pas les fins limiers de ce recueil, pour qui l’art de passer un hiver paisible implique une méfiance absolue envers les possibles congères mortelles, repas empoisonnés, cadeaux malintentionnés et autres joyeusetés qui accompagnent les rigueurs de la saison froide.

Sous la glace est un recueil de douze nouvelles se déroulant toutes en hiver ou à l’approche de Noël. Cette thématique est un fil conducteur qui relie les histoires entre elles, à différents degrés. On a certaines histoires qui présentent une atmosphère hivernale plus marquée que d’autres.

Au fil des histoires, on retrouve différents enquêteurs chers à Agatha Christie: Hercule Poirot, Miss Marple, Parker Pyne, Tommy et Tuppence Beresford ou Harley Quinn. Les histoires se déroulent dans de somptueux manoirs, pendant les vacances ou lors de séjours, dans des maisons de campagne isolées. Certaines se déroulent lors de préparatifs de Noël, au Nouvel an ou lors de réceptions mondaines. D’autres pendant qu’il neige ou qu’il fait très froid. On retrouve Hercule Poirot qui raconte l’histoire de son seul échec, des histoires de fantômes, des secrets, des récits de  disparition, des voyages en train, des vols, des histoires d’héritage et même de crimes parfaits!

« Ce n’est pas parce qu’un problème n’a pas été résolu qu’il est impossible à résoudre. »

J’ai beaucoup aimé ma lecture. C’était le genre de recueil que j’avais très envie de lire. Le choix des nouvelles est plutôt constant et, même si certaines se démarquent un peu plus, elles sont de qualité égale. Le choix des histoires m’a plu. J’en ai lu une ou deux par jour et ce recueil m’a doucement accompagnée en début d’année.

Les nouvelles sont extraites de différents recueils d’Agatha Christie. J’ai aimé le concept, même si l’atmosphère hivernale ou de Noël n’est pas au cœur de l’histoire, c’est tout de même ce qui relie les nouvelles entre elles. Il existe d’autres recueils de ce genre: autour d’histoires d’été, de séduction ou de spiritisme, mais c’est vraiment celui-ci, autour du thème de l’hiver, qui m’intéressait le plus. On y retrouve ce qui fait le charme des histoires d’Agatha Christie et je les ai toutes bien aimées. C’était une parfaite lecture pour débuter l’année.

Sous la glace – 12 petits meurtres à lire au coin du feu, Agatha Christie, éditions du Masque, 324 pages, 2021

Frankenstein

En 1817, en pleine expédition vers le pôle Nord, Robert Walton rencontre un individu mystérieux à la dérive sur un morceau de banquise. Cet homme n’est autre que Victor Frankenstein, un savant au destin tragique qui est parvenu à insuffler la vie à une créature constituée de morceaux de cadavres. Junji Ito revisite l’œuvre emblématique de Mary Shelley dans cette adaptation fidèle et horrifique d’un texte fondateur du roman gothique.Retrouvez également dix nouvelles du maître de l’horreur, dont six récits d’Oshikiri, un jeune lycéen taciturne habitant une immense demeure devenue le théâtre de phénomènes paranormaux de plus en plus terrifiants.

J’adore le roman de Mary Shelley, Frankenstein, et j’étais impatiente de découvrir la vision du mangaka d’horreur Junji Ito sur cette histoire. Il s’agit en fait d’un manga qui regroupe plusieurs histoires, en plus de l’adaptation de Frankenstein. 

J’ai lu et relu plusieurs fois le livre de Mary Shelley, vu des adaptations et j’étais très contente de lire celle-ci. Junji Ito se rapproche beaucoup de la trame d’origine et sa version du monstre donne le frisson. Il se concentre sur l’aspect monstrueux et macabre de la créature, pour délaisser le côté plus philosophique et « poétique » du texte, ce qui ne m’a pas du tout dérangée, au contraire. J’ai beaucoup aimé! Son dessin est détaillé, ce qui ajoute encore plus à l’horreur de cette histoire. Je trouve que c’est une très bonne adaptation. 

Le reste du manga propose quelques histoires des aventures d’Oshikiri. C’est un adolescent petit pour sa taille, laissé seul par ses parents en déplacement, dans une grande maison lugubre. Malheur pour lui, celle-ci cache un portail et sert d’accès à des mondes parallèles où il se passe des choses terribles. Ces histoires sont intrigantes et fascinantes. Elles m’ont beaucoup plu.

Les autres histoires du recueil sont moins importantes. Elles sont très courtes, certaines sont intéressantes, d’autres beaucoup moins. Les deux dernières semblent plus personnelles puisqu’elles parlent du chien de l’auteur. 

On lit ce manga essentiellement pour la vision sombre et fantastique de Frankenstein sous le crayon de Junji Ito et pour les incroyables (et horrifiantes) aventures d’Oshikiri. Une très bonne lecture que je vous conseille!

À noter la belle facture de ce volume, avec couverture cartonnée et jaquette. La préface est signée Johann Sfar et un intéressant dossier de Morolian complète l’ouvrage. 

Frankenstein, Junji Ito, éditions Mangetsu, 416 pages, 2022

Les oiseaux

Au cœur de la nuit, le vent d’est cingle la falaise. Entre deux rafales, des nuées d’oiseaux cognent aux vitres. Mais ce n’est pas la peur qui les précipite avec une telle force vers le monde des hommes… On retrouvera ici – et pas moins terrifiant – le récit qui inspira son chef-d’œuvre au maître de l’angoisse, Alfred Hitchcock. Dans les autres nouvelles de ce recueil, l’horreur se fait plus insidieuse, le fantastique à peine étranger au réel. Il suffit d’un pommier à forme étrangement humaine, ou d’une ouvreuse de cinéma qu’un jeune mécanicien a envie de suivre après la séance… Et la grande romancière anglaise, auteur de Rebecca et L’Auberge de la Jamaïque, nous entraîne vers le mystère à petits pas, à petites touches, au gré d’une écriture subtile, singulièrement moderne.

J’ai acheté ce livre en 2007 dans une vente de bibliothèque. Il n’avait jamais été emprunté et de mon côté, j’aurai mis des années à le lire, alors que j’aurais dû le lire bien avant! Je voulais revoir le film pour le défi Octobre Halloweenesque et c’est ce qui m’a donné envie de me plonger dans le livre.

Il s’agit en fait d’un recueil de sept nouvelles dont la première, Les oiseaux, a inspiré à Alfred Hitchcock le film du même nom. Daphné du Maurier excelle dans l’art de créer de petits mondes qui se suffisent en eux-mêmes. Je crois que ceux qui disent ne pas aimer les nouvelles parce qu’elles ont un goût d’inachevé, pourraient très bien apprécier les histoires de Daphné du Maurier. 

Ce sont d’excellentes nouvelles, très prenantes, que j’avais du mal à lâcher. Elle a le talent de créer des atmosphères un peu mystérieuses, des événements intrigants qui nous pousse à tourner les pages. J’ai lu ce recueil de 446 pages en quelques heures à peine. On est facilement happé par les univers qu’elle nous présente. 

Toutes les nouvelles sont fabuleuses, parfois teintées d’un peu de fantastique. En fait, les éléments mystérieux sont plutôt des événements qui surviennent et se fondent dans le quotidien, mais qui, accumulés deviennent inquiétants ou étonnants.

J’ai adoré les sept histoires, qui sont pourtant très différentes, mais qui sont excellentes. Que Daphné du Maurier nous parle d’attaques d’oiseaux, de pommier inquiétant, d’une étrange rencontre dans un cinéma, d’une famille bizarre ou d’un suicide inexpliqué, tout est bon, notre curiosité est piquée rapidement. La qualité est au rendez-vous.

Si vous aimez les histoires un peu mystérieuses, mais sans tomber dans le glauque, ou que vous êtes sensibles aux atmosphères, ce recueil est pour vous. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi bon. Je me suis d’ailleurs demandée pourquoi ce livre n’était pas plus souvent lu. Ces histoires méritent d’être découvertes, tout comme le travail de l’auteure. Rebecca par exemple ou L’auberge de la Jamaïque sont de très bons romans!

Une excellente lecture que j’ai vraiment eu du mal à lâcher!

Les oiseaux, Daphné du Maurier, éditions Le livre de poche, 448 pages, 1995

Nécro

Michael Anderson, journaliste de son métier, découvre avec effarement, mais également attrait, qu’il possède le pouvoir de tuer des gens en rédigeant simplement leurs notices nécrologiques… Et s’il faisait usage de ce pouvoir hors du commun pour débarrasser le monde des pires individus ?

Le résumé est intrigant non? Cette novella, publiée en collection jeunesse, est tirée du recueil Le Bazar des mauvais rêves. J’attends toujours avec impatience la sortie d’une nouvelle histoire dans cette collection. J’aime beaucoup le format de ces livres.

Michael est journaliste. Du moins, il essaie. Mais pour le moment, ses aspirations ne sont pas vraiment comblées. Il écrit des notices nécrologiques. Quand il réalise que ce qu’il écrit a le pouvoir de tuer réellement les gens qui ne sont pas encore morts, ce pouvoir le trouble beaucoup. Et s’il décidait d’en faire usage pour débarrasser le monde des pires individus?

Cette histoire est intéressante et intrigante. J’aime bien le personnage de Michael qui se retrouve coincé avec un pouvoir étrange qu’il n’a pas demandé. Jusqu’à quel point peut-on user d’un droit de vie ou de mort sur les gens? Doit-on se faire justice soi-même? Jusqu’où ce terrible (mais grisant) pouvoir peut-il aller? Et si Michael finissait finalement par en perdre le contrôle?

Voilà un thème qui amène son lot d’interrogations. J’aime bien ces histoires hypothétiques qui questionnent le Bien et le Mal, ainsi que la morale qui y est associée. J’aime quand les auteurs placent le lecteur dans une position inconfortable. Jusqu’où irions-nous si nous avions accès au même pouvoir que Michael?

Une courte nouvelle que j’ai bien aimé, qui se lit rapidement et dont le contexte est très intéressant.

Nécro, Stephen King, éditions Albin Michel, 128 pages, 2023

La nuit ne dort pas

Dès sa parution en 1954, le recueil de nouvelles La nuit ne dort pas est considéré comme un événement marquant dans le milieu littéraire de l’époque et les critiques accorderont à la femme de lettres une place auprès des grands nouvellistes : Anne Hébert, Jacques Ferron, Yves Thériault… Trois rééditions plus tard, le recueil aura traversé l’épreuve du temps par son apport important à l’évolution du genre de la nouvelle au Québec. Avant-gardiste et toujours aussi actuelle, l’écriture inédite d’Adrienne Choquette explore l’intériorité humaine par des analyses psychologiques délicates qui composent autant de tableaux sociaux incisifs.

Ce livre d’Adrienne Choquette est une découverte pour moi. Je connaissais l’auteure parce qu’un prix littéraire porte son nom, mais je ne l’avais encore jamais lue.

Il s’agit d’un recueil de sept nouvelles, qui ont toutes pour toile de fond le Québec des années 40 et 50. C’est l’époque de l’après-guerre, avant la Révolution tranquille.

Les thèmes varient, d’un petit garçon qui rêve de voyages, à un meurtrier après son crime, en passant par des femmes coincées dans leurs rôles d’épouses et de mère. C’est un univers où le père et le mari règnent en maître. C’est souvent à une atmosphère feutrée et légèrement inquiétante que nous convie Adrienne Choquette.

« Les souvenirs sont des tombes ouvertes. Si l’on n’y prend garde, une nuit venteuse nous jette parmi les morts. »

Ces textes sont étonnants pour l’époque car l’auteure ne s’inscrit pas dans un courant littéraire convenu. Les notes à la fin du livre sont très éclairantes d’ailleurs et elles accompagnent très bien l’œuvre. Elles permettent de mieux cerner l’époque et l’écriture d’Adrienne Choquette. Des histoires où la toute-puissance de la famille et les rôles sociaux définis par ce qu’on attend de chacun, sont au cœur des thèmes abordés. L’auteure a le sens de la nouvelle et nous garde captivés jusqu’à la fin.

« …il s’agit d’explorer et de transmettre le sentiment de détresse d’individus particuliers, isolés, aux prises avec un destin qui ne s’explique plus entièrement par la religion. »

J’ai maintenant très très envie de découvrir une autre de ses œuvres, Laure Clouet, afin de faire le comparatif de l’évolution entre deux époques, comme suggéré à la fin du recueil. Je pense qu’Adrienne Choquette devrait être lue et (re)découverte aujourd’hui. Ce recueil était une excellente lecture.

La nuit ne dort pas, Adrienne Choquette, éditions Bibliothèque québécoise, 100 pages, 2023

Frétillant et agile

Avec Frétillant et Agile, Jocelyn Sioui redonne vie à Auhaïtsic, un improbable héros wendat. Comment cet illustre inconnu, qui inspire la méfiance parmi les siens, parvient-il à sauver sa nation de l’extinction et à changer le cours de l’Histoire ? Marionnettiste aguerri et fabuleux conteur, Jocelyn Sioui s’amuse à sortir de l’ombre des personnages colorés, plus grands que nature. Auteur de Mononk Jules, qu’il a adapté pour la scène, Sioui sait qu’il faut se méfier de l’eau qui dort.

Dans cette petite plaquette, Jocelyn Sioui nous fait rencontrer Auhaïtsic, un héros wendat, dont rien ne le prédisposait à sauver ses compatriotes. Maladroit, malhabile, il détonne parmi les siens. Sans doute « le seul Wendat à ne pas savoir marcher dans le bois ». Nous sommes en 1649 alors que les ancêtres Sioui de l’auteur fuient la Baie Géorgienne.

Frétillant et agile est le second titre de la collection Solstice que je lis et j’en sors à nouveau ravie. J’ai évidemment envie de lire Mononk Jules du même auteur, tellement je suis tombée sous le charme des mots de Jocelyn Sioui. C’est agréable à lire, vivant et l’auteur possède un vrai talent pour raconter l’histoire et des histoires. C’est un conteur, comme on aime tant en lire. On a envie d’en avoir encore et encore.

J’ai passé un excellent moment avec cette courte histoire. Une jolie collection qui permet de découvrir des auteurs et des plumes différentes et qui nous donne envie d’aller plus loin!

Frétillant et agile, Jocelyn Sioui, éditions Hannenorak, 36 pages, 2022