La Méduse géante de l’Arctique

Dr Morley, passionnée par les méduses depuis toujours, s’apprête à embarquer pour une mission à l’extrémité la plus septentrionale de la planète : la recherche d’une créature dont tout le monde parle, mais que personne n’a jamais vue… la méduse géante de l’Arctique. Parviendra-t-elle à croiser son chemin et à enfin percer son mystère ?

La méduse géante de l’Arctique de Chloe Savage a été une belle lecture. Le genre d’album qu’on ouvre avec fébrilité, confiant qu’on va aimer. Et effectivement, ce fut mon cas. Il s’agit d’un très bel album que j’ai eu beaucoup de plaisir à découvrir.

Dr Morley est passionnée par les méduses depuis toujours. Quand elle a l’occasion de partir en mission en Arctique, elle y va avec beaucoup d’enthousiasme. Elle espère pouvoir observer la légendaire méduse géante. Existe-t-elle réellement ou s’agit-il seulement d’un mythe?

J’ai adoré cet album! Le dessin est magnifique, un peu naïf, avec de très beaux contrastes de couleurs entre le bleu et le rouge. Les étendues glacées et sauvages sont superbes. J’ai aimé le petit clin d’œil amusant que l’on retrouve à chaque page avec la méduse. On croise les doigts pour que l’équipe scientifique puisse l’observer, puisque c’est le grand rêve de la Dr Morley. 

J’ai apprécié également que l’auteure présente une équipe de scientifiques en plein travail. C’est intéressant dans un album jeunesse et assez peu fréquent. L’univers glacé et bleuté, avec sa faune, son ciel étoilé et ses aurores boréales, est visuellement très attractif. Les narvals, ours polaires, orques, bélugas, sont naturellement au rendez-vous. C’est le genre d’album qu’on aime conserver dans sa bibliothèque et vers lequel on prend plaisir à revenir. 

À conseiller à partir de 5 ans pour les petits lecteurs, mais c’est un livre qui devrait plaire tout autant aux grands qui aiment les univers de froid et de glace, ainsi que les animaux polaires et les expéditions dans le Grand Nord. De mon côté, j’ai adoré.

Un très bel album, autant du point de vue du texte qui met en scène une exploration scientifique, que des dessins qui sont jolis, doux et colorés. Une bien belle découverte!

La Méduse géante de l’Arctique, Chloe Savage, éditions Albin Michel Jeunesse, 32 pages, 2023

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Dent de dinosaure

1875. Dandy désoeuvré, le jeune William Johnson, après avoir perdu un pari, doit partir pour le Far West. Quittant son univers privilégié, l’étudiant de Yale rejoint une expédition à la recherche de fossiles préhistoriques dans les territoires reculés et hostiles du Wyoming. Mais la plus sanglante des guerres indiennes vient d’éclater. Et avec elle un autre conflit, opposant deux célèbres paléontologues prêts à tout pour déterrer d’inestimables vestiges de dinosaures et accéder à la gloire. Pactes secrets, trahisons et meurtres rythmeront l’épopée de Johnson, peuplée de figures mythiques de l’Ouest : chasseurs de bisons et chasseurs de primes, généraux en déroute et Sioux sanguinaires, as de la gâchette et danseuses de saloon.

Avec une amie, on a décidé de lire les romans de la saga du Parc Jurassique. Le premier était excellent et le second aussi. Ils sont d’ailleurs à découvrir. Ils sont remplis de détails, parlent de science et abordent toutes sortes de thèmes en lien avec les dinosaures: la paléontologie, les théories scientifiques, l’extinction, en plus d’être de vrais bons romans d’aventure. C’est donc avec beaucoup d’attentes que j’ai commencé Dent de dinosaure.

« Tous se sentirent ragaillardis, surtout quand, après avoir gravi une colline en pente douce, ils découvrirent une des scènes les plus inoubliables de l’Ouest. Aussi loin que portait le regard, un troupeau de bisons. Des formes sombres et touffues amassées sur l’herbe jaunie des plaines. Les bêtes paraissaient paisibles, avec quelques beuglements et mugissements çà et là. Cope estimait leur nombre à deux millions, peut-être davantage. »

Ce roman western nous plonge en 1875. William Johnson est un riche étudiant qui ne fait rien de sa vie. Après avoir perdu un pari il se retrouve à prendre part à une expédition commandée par un professeur. Dans un monde où les guerres entre Blancs et Indiens font rage (c’est l’époque de Fort Laramie et de Wyatt Earp), William et son expédition cherchent des fossiles dans un monde très dangereux… Même si l’histoire du roman a fait de William Johnson le personnage principal, il a pour toile de fond la célèbre rivalité entre les paléontologues Edward Drinker Cope et Othniel Charles Marsh. Le fond historique a donc tout pour être captivant.

« J’ai trente-six ans, reprit Cope, mais quand je suis né l’existence des dinosaures était inconnue. Toutes les générations de l’humanité, de leur naissance à leur mort, ont vécu sur cette planète sans que personne ne soupçonne que longtemps, très longtemps avant, la Terre était dominée par une race de reptiles géants dont le règne a duré des millions et des millions d’années. »

Dent de dinosaure a été écrit en 1974, mais publié en anglais seulement 43 ans plus tard. Ce roman a été retrouvé dans les archives de l’auteur après son décès. On dit que c’est ce livre qui lui aurait inspiré Le Parc Jurassique. Autant j’ai adoré les deux premiers livres de la série, autant celui-ci n’a pas été la rencontre que j’espérais. C’est toujours un peu triste quand on adore le travail d’un auteur et qu’un de ses livres ne nous rejoint pas. La première question que je me suis posée en terminant le livre c’est: à quel point ce livre était déjà écrit par Crichton (ou si ce n’était que des notes?) et à quel point il a été « remanié » pour publication? Parce que j’ai eu une drôle d’impression tout au long de ma lecture… comme si ce roman ressemblait plus à un collage de notes de recherche. L’histoire, même si elle historiquement documentée, reste continuellement en surface. Les événements s’enchaînent, mais chacun de façon assez brève. Des extraits de journaux sont ajoutés ici et là, sans que ce soit très fluide.

Je m’attendais à beaucoup plus. Surtout que l’auteur nous a habitué à des textes très riches, offrant une foule d’informations entourant la science. Je m’attendais donc à découvrir un peu la même chose, mais avec les connaissances de la fin des années 1800, ce qui aurait pu être très intéressant. Mais le début est très lent et on doit attendre plus de la moitié du livre avant d’avoir un peu d’action. Certaines scènes sont aussi assez bâclées, je pense aux moments où Johnson fait la rencontre de certaines personnes. On passe rapidement à autre chose, sans que ça semble vraiment utile à l’intrigue. Ce n’est pas un mauvais livre, mais je ne sais pas quoi en penser. Il m’a donné l’impression de lire un autre auteur que Crichton.

Une déception donc, pour un livre dont j’attendais beaucoup. Et je cherche encore le suspense mentionné en page couverture…

Dent de dinosaure, Michael Crichton, éditions de l’Archipel, 350 pages, 2021

La glace

Anna Aune, ancien membre des forces spéciales norvégiennes, a accepté d’accompagner le professeur Daniel Zakariassen au pôle Nord. Leur mission : observer et décrire les effets du réchauffement climatique sur la banquise. Le jour de la Toussaint, la nuit arctique est déchirée par la lueur d’une fusée de détresse tirée d’une base chinoise voisine. Anna et Daniel sont les seuls à pouvoir venir en aide à celui qui a lancé ce signal. C’est un terrible spectacle qui les attend : dans les locaux, ils découvrent plusieurs hommes morts, complètement gelés. De toute évidence, les scientifiques chinois ont été assassinés. Au même moment, une tempête se lève, les isolant du reste du monde. Anna n’a pas le choix : elle doit retrouver le meurtrier et comprendre ce qui s’est passé. Son enquête va la mener au cœur de la lutte sans merci que se livrent les pays qui convoitent les ressources enfouies dans les profondeurs de ces terres hostiles…

La lecture commune du mois de février pour le Défi Un hiver au chalet était La glace. Ça me semblait être un livre prometteur, surtout parce que j’aime les histoires d’expéditions scientifiques en lien avec les changements climatiques. Mais cette lecture a été décevante et, je l’avoue, je m’attendais vraiment à autre chose…

Anna faisait partie des forces spéciales norvégiennes. Mais elle a démissionné. La voilà donc embarquée pour une mission sur la banquise: observer et décrire les effets des changements climatiques. Un soir elle et son collègue aperçoivent une fusée de détresse qu’ils suivent. Ils découvrent alors une base chinoise où tous les scientifiques sont morts assassinés. Isolés du monde Anna et Daniel doivent découvrir le meurtrier pour espérer survivre à leur tour.

J’ai voulu abandonner ce roman plusieurs fois. Après un début intrigant, j’en suis venue à avoir hâte de le terminer. Tant qu’à avoir lu une partie du roman, je voulais au moins savoir comment ça se terminait et ce qui était arrivé aux scientifiques, mais j’ai trouvé cette lecture beaucoup trop longue. Je ne sais pas s’il s’agit de la traduction, mais la lecture était plutôt désagréable. Les échanges entre les personnages sont peu intéressants et ponctués de « putain » à chaque fois qu’Anna ouvre la bouche.

« Faut les attirer dans un guet-apens. Je suis l’appât… toi tu les flingues. »

Je me suis vraiment demandée d’où sortaient ces mauvais dialogues. J’avais l’impression, non pas d’être dans un polar norvégien glacial, mais plutôt dans un western des années 40 poussiéreux. Anna parle à son coéquipier (qui pourrait être son père) comme à un vieil incapable. Pendant ma lecture je me suis fais la drôle de réflexion que l’histoire n’est pas si mal… tant que les personnages n’ouvrent pas la bouche.

Je n’ai ni aimé la dynamique entre eux, ni la façon dont les souvenirs d’Anna sur la guerre en Syrie s’imbriquent dans l’histoire. Anna est froide, on ne s’attache pas à elle. Elle aurait pu mourir à la guerre ou sur la glace, que ça m’aurait laissée de marbre, ce qui est en général assez mauvais signe pour un personnage principal.  L’intrigue autour de la course pour la possession de la banquise par les différents pays et la quête des ressources sont intéressants mais ne vont pas assez loin. C’est à peine survolé. On ne parle pas vraiment du changement climatique. Cette thématique, que je croyais retrouver dans le livre, est plutôt inexistante, même si une partie des découvertes que font les bases scientifiques sont en ligne directe avec cette problématique, le sujet n’est pas vraiment abordé.

J’ai aussi eu l’impression étrange de relire plusieurs fois les mêmes scènes. Anna qui contourne pour une énième fois les baraquements, sur le qui-vive, avec son fusil… Plusieurs scènes se répètent, surtout celles se déroulant sur la banquise. Ça donne l’impression de stagner. C’est très étrange pour un thriller. Bref, cette lecture ne m’a pas vraiment emballée, comme vous l’avez compris. 

J’attendais beaucoup plus de ce livre, qui n’a pas fonctionné avec moi. Dommage!

La glace, John Kåre Raake, éditions J’ai lu, 480 pages, 2021

Widjigo

En 1793, Jean Verdier, un jeune lieutenant de la République, est envoyé avec son régiment sur les côtes de la Basse-Bretagne pour capturer un noble, Justinien de Salers, qui se cache dans une vieille forteresse en bord de mer. Alors que la troupe tente de rejoindre le donjon en ruines ceint par les eaux, un coup de feu retentit et une voix intime à Jean d’entrer. A l’intérieur, le vieux noble passe un marché avec le jeune officier : il acceptera de le suivre quand il lui aura conté son histoire. Celle d’un naufrage sur l’île de Terre-Neuve, quarante ans plus tôt. Celle d’une lutte pour la survie dans une nature hostile et froide, où la solitude et la faim peuvent engendrer des monstres… 

Widjigo est un roman prenant qui nous amène dans un monde de légendes. L’atmosphère est tout de suite intéressante dès les premières pages et j’ai aimé le contexte historique, assez rare il me semble en littérature de l’imaginaire. 

Nous sommes en 1793. Jean Verdier est un jeune lieutenant sommé de capturer un noble, Justinien de Salers, qui a trouvé refuge dans une vieille tour de pierres. Contre toute attente, le vieil homme accepte de le suivre à une seule condition: que Verdier écoute son histoire. D’abord méfiant, il accepte finalement. Autour d’une tasse de café, le noble lui parle de ce qu’il a vécu quarante ans plus tôt. Son histoire est celle d’un naufrage et de la survie en pleine nature, où l’horreur, la peur, la solitude, le froid et les monstres ne sont jamais loin…

« Ma mort traverse l’océan. Elle vient des glaces et des neiges. Il y a un Ankou, tu sais, là-bas… À Terre-Neuve. Ce sont les pêcheurs de Bretagne qui l’ont amené. Et d’autres créatures encore, qui étaient là bien avant nous. Qui naissent de la faim, et de la solitude… »

L’histoire racontée par Justinien de Salers se déroule en 1753, dix ans avant que la Nouvelle-France ne devienne une colonie britannique. Nous sommes aussi à l’aube de la déportation des Acadiens qui commencera deux ans plus tard, mais dont on perçoit déjà les prémisses dans ce roman. Le contexte historique est en filigrane, mais contribue beaucoup à l’ambiance du livre. J’ai adoré!

« En tous lieux les histoires se mêlent à ce que nous sommes, cette Terre même que nous arpentons, ces océans au travers desquels nous lançons nos courses. Les histoires nous relient à ceux qui nous ont précédés, également, tout au long des siècles. Ceux qui ont vécu bien avant notre ère, mais aussi ceux que nous avons croisés, ceux que nous avons aimés, ou haïs, et qui sont partis avant nous. »

Un mécène regroupe des personnages variés qui n’ont rien en commun. Ils sont mandatés pour une expédition à la recherche d’une autre expédition disparue, qui n’est jamais revenue. Ce roman, autant dans sa forme que dans le fond, est intrigant. On suit les personnages, qui se retrouvent malgré eux rescapés du naufrage de leur bateau, avec d’autres rescapés. C’est alors que le petit groupe tente de s’organiser et de survivre.

« Comment es-tu certain de n’être pas déjà mort? »

Les lieux sont isolés, la température est hostile. La nature est dangereuse. C’est alors que surviennent des événements troublants et on est rapidement happé par l’histoire. Le roman puise dans les légendes, les mythes autochtones et les histoires de marins, pour nous offrir une expédition étonnante et terrifiante.

Une histoire fantastique qui nous amène en Acadie, avec une atmosphère particulièrement inquiétante et efficace. J’ai beaucoup aimé l’époque du roman et la rencontre improbable des personnages. Si j’avais deviné une petite partie de l’intrigue, d’autre révélations se sont avérées plutôt surprenantes et je ne m’y attendais pas. Le livre est assez court, ce qui nous garde plutôt sur le qui-vive.

Une bonne lecture qui a su me surprendre!

Widjigo, Estelle Faye, éditions Albin Michel, 256 pages, 2021

Le coureur de froid

Médecin venu du Sud, Julien soigne les gens du Nord avec compassion, « à l’ancienne », en ayant autant à cœur la personne que le traitement de la maladie qui l’affecte. Mais il lui manque quelque chose, dans ce Nord : sa fille, restée au Sud. Sur un coup de tête, il entreprend d’aller la retrouver en motoneige, de traverser l’implacable désert blanc, qui, soudain, brise l’élan de son rêve fou. Incapable de poursuivre son voyage à cause d’un bris mécanique, il apprend à survivre seul dans ce froid immense, mais à quel prix ? Se nourrir, se réchauffer, croire en soi afin que l’impossible printemps arrive et permette de terminer son périple.

Les écrits de Jean Désy m’interpellent beaucoup et j’ai quelques uns de ses livres qui m’attendent dans ma bibliothèque. Celui-ci est donc ma première lecture d’un livre de cet auteur. Avec l’hiver, j’avais envie de lire celui-ci. La jolie couverture n’est pas étrangère à mon choix.

Julien est médecin. Il s’est exilé dans le Nord pour fuir le chaos des urgences du sud. Si les grands espaces et l’hiver l’apaisent, les souffrances des gens, les soûleries, les viols et la violence qu’il côtoie au quotidien finissent par l’user. Quand son amoureuse veut un enfant de lui, il repense à sa fille restée au Sud et décide d’entreprendre un voyage complètement fou pour la retrouver: partir en motoneige et traverser les étendues blanches à perte de vue. C’est un voyage au centre de lui-même qu’il entreprend et dans une nature hostile. Un voyage de survie.

« Brave pays de glace qui rend éternels en les ensevelissant les nomades déboussolés. »

Ce court roman est empreint de délicatesse, de poésie, de réflexions sur la vie et d’humanité. C’est aussi une histoire qui met en lumière un homme du Sud, parti vivre au Nord avec les autochtones. C’est une confrontation de deux mondes, du moins dans le cœur du narrateur, qui réalise qu’il ne peut plus vivre au Sud, dans les banlieues, mais qui voyage tout de même pour y retourner, pour sa fille.

« Ce pays recèle un trésor qui n’existe plus dans le Sud: la liberté. »

L’écriture est belle, prenante et la nature est au centre de l’histoire. Ce fut une belle rencontre. C’est vraiment très agréable à lire. La nature racontée dans son roman est sauvage et magnifique, impitoyable et parfois meurtrière.

« Je me comportais en suicidaire tout en n’ayant absolument pas envie de mourir. »

Pendant son voyage où les choses ne se déroulent naturellement pas comme prévu, Julien fera la rencontre d’un renard et d’une autre âme qui l’aidera à cheminer. Il vivra des blizzards interminables, des incidents qui pourraient être mortels et il se confrontera à lui-même pour trouver des réponses à ses questions sur la vie et sur la mort.

Le coureur de froid est un roman à l’atmosphère glaciale et enneigée, plein de dangers, de questionnements mais aussi de grands moments de félicité. J’ai beaucoup aimé la plume de Jean Désy et je le relirai assurément!

Le coureur de froid, Jean Désy, éditions Bibliothèque québécoise, 120 pages, 2018