Car l’adieu, c’est la nuit

«Celle qui a tant écrit sur l’adieu a dit adieu au monde il y a cent vingt ans, léguant à d’hypothétiques lecteurs, tandis qu’une mouche venue de ses propres poèmes cognait contre la vitre de sa chambre, « la part d’elle transmissible » : une longue lettre sans signature, composée de centaines de feuillets déposés dans un coffret au fond d’un tiroir de commode. Un tendre et solennel héritage à partager. Une énigme à résoudre par les générations à venir. Ce mode de transmission suffit à lui seul à distinguer Emily Dickinson des autres poètes, et même d’un Pessoa qui a laissé la plus grande partie de ses œuvres à la postérité dans des circonstances un peu analogues. Le poète portugais jouissait de son vivant d’une certaine notoriété. Emily Dickinson, tout entière réfugiée dans ses écrits, n’en avait pour ainsi dire aucune. Elle livrait avec une rare confiance ce qu’elle avait de plus cher aux mains « aveugles » des générations futures.» Claire Malroux.

C’est à l’adolescence que j’ai découvert la poésie d’Emily Dickinson. J’avais lu plusieurs poèmes choisis. Elle est toujours demeurée dans un coin de ma tête. Puis j’ai découvert Les villes de papier et Les ombres blanches de Dominique Fortier, j’ai lu La dame blanche de Christian Bobin, de nombreuses lettres, articles et textes autour d’Emily et de sa poésie. J’ai feuilleté avec plaisir son herbier et regardé la série Dickinson de Alena Smith. Il me reste encore beaucoup de choses à lire et à découvrir encore, mais entre toutes ces belles découvertes, un recueil d’Emily Dickinson m’a accompagné pendant de longues semaines: Car l’adieu, c’est la nuit. Après avoir lu des poèmes épars pendant des années, il était grand temps que je me plonge réellement dans ses poèmes, d’une façon un peu plus structurée.

Mon premier constat: Dickinson est toujours étonnante. Sa poésie devait vraiment détonner à son époque. Elle innove assurément dans le conservatisme littéraire de la société dans laquelle elle évoluait. La poésie est toujours un genre très subjectif et j’adore certains poèmes, alors que d’autres un peu moins. La beauté de cet ouvrage c’est que de nombreuses notes de la traductrice accompagnent la poésie d’Emily. Elles sont très utiles, mais surtout, elles éclairent énormément le contexte d’écriture des poèmes. C’est vraiment intéressant. 

L’ouvrage est divisé en quatre grandes périodes qui regroupent chacune de nombreux poèmes: les cahiers, les liasses, les poèmes épars et les poèmes non datés. Lire Dickinson aujourd’hui c’est plonger dans une poésie particulière, dont un tiers des poèmes, quand même, parlent de la mort. Il y est aussi question de relation amoureuse et énormément de la nature. La religion n’est jamais loin non plus. Elle est présente dans les poèmes, mais on la sent encore plus si on s’intéresse à sa correspondance.

« L’Eau, s’apprend par la soif.
La Terre – par les Mers franchies.
L’Extase – par les affres – 
La Paix, par le récit de ses combats – 
L’Amour, par l’effigie –
L’Oiseau, par la neige.

Dickinson était une auteure très particulière dont les poèmes le sont aussi. Certains véhiculent des images très fortes, d’autres sont un peu plus le reflet de son époque. Certains poèmes sont de vrais petits bijoux tellement bien trouvés qu’ils coupent un peu le souffle, alors que d’autres sont beaucoup plus hermétiques, voire ne m’ont pas intéressée du tout. Sa production est, à mon avis de lectrice, assez inégale. Intéressante, assurément, mais les poèmes n’ont pas tous la même portée. Il faut aussi les remettre dans leur contexte et pour cela, les notes aident énormément.

J’ai appris une foule de choses sur la poésie d’Emily Dickinson. Par exemple, son premier poème connu a été écrit pour la Saint-Valentin, en 1850. Elle a écrit de nombreux poèmes qui ont été remaniés. Certains ont été envoyés à ses proches avec des changements par rapport aux versions originales. Elle a aussi écrit un poème assez surprenant où elle met en scène… sa propre mort! 

Pour quelqu’un qui a envie de comprendre un peu plus les textes et l’univers de Dickinson, ce recueil est très riche puisqu’il permet d’aller bien au-delà de la poésie. Il permet d’appréhender le travail de Dickinson dans son contexte d’écriture et il permet aussi de comprendre le milieu de vie d’Emily, le monde littéraire et les premières publications de ses poèmes. Les notes sont donc un ajout passionnant. À noter aussi que cette édition est bilingue. La page de gauche est en anglais et celle de droite, en français.

Une lecture assurément intéressante pour tenter de saisir un peu plus Emily, qui me donne envie de poursuivre mon exploration de son œuvre, de sa vie, à travers les livres, films, romans et séries qui s’en sont inspirés ou qui ont tenté d’adapter sa vie et ses écrits. Encore de beaux moments à venir! 

Car l’adieu, c’est la nuit, Emily Dickinson, éditions Gallimard, 448 pages, 2007

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Devenir quelqu’un

À vingt et un ans, Horace Hopper ne connaît du monde et de la vie que le ranch du Nevada où il travaille pour les Reese, un couple âgé devenu une famille de substitution pour lui. Abandonné très tôt par ses parents, il se sent écartelé entre ses origines indiennes et blanches. Secrètement passionné de boxe, Horace se rêve en champion, sous le nom d’Hector Hidalgo, puisque tout le monde le prend pour un Mexicain… Du jour au lendemain, il largue les amarres et prend la direction du sud, vers sa terre promise. Saura-t-il faire face à la solitude du ring et au cynisme de ceux qu’il croisera en chemin ? Peut-on à ce point croire en sa bonne étoile, au risque de tout perdre ?

J’avais adoré La route sauvage de Willy Vlautin et j’avais très hâte de découvrir Devenir quelqu’un. Ce roman a d’ailleurs été une fabuleuse lecture. L’auteur raconte bien, ses personnages sont touchants et on s’attache énormément à ce qu’ils vivent. L’histoire vient nous chercher, encore plus vers la fin, tant le destin d’Horace est poignant. Vlautin a un talent certain pour raconter les quêtes de jeunes adultes ou d’adolescents. Le personnage d’Horace ne fait pas exception.

Horace a eu une enfance difficile. Son père est parti, sa mère l’a abandonné chez sa grand-mère avant de refaire sa vie. Les Reese, Eldon et Louise, l’ont pris sous leur aile et le considèrent comme leur fils. Horace a donc pu terminer ses études et travailler sur leur ranch. À moitié blanc et à moitié autochtone, Horace passe bien souvent pour un mexicain. Il est passionné de boxe et aimerait bien combattre et devenir professionnel. Il quitte donc le ranch, à la grande tristesse des Reese et décide de partir pour la ville, en espérant se faire un nom sur le ring.

Parallèlement à la vie que tente de mener Horace en ville, on suit également les déboires d’Eldon et Louise sur leur ranch. Ils se font vieux et n’ont pas de relève. Eldon et Horace ont un point en commun: il cherchent tous les deux un sens à ce qu’ils font, à différents stades de leur vie. L’auteur parle de la solitude des grandes villes, de la vie à la campagne, de la difficulté pour Eldon d’avoir de l’aide et une succession qui prendra en charge la ferme. Il aborde également l’attachement que peut lier deux inconnus. Eldon est un peu le grand-père de substitution d’Horace et agit comme un père avec lui. Il le considère d’ailleurs comme le fils qu’il n’a jamais eu.

« Mr Reese lui avait expliqué que la vie, en elle-même, est un fardeau bien cruel car nous savons tous que nous venons au monde pour mourir. »

Ce roman est magnifique. J’aime énormément la plume de Vlautin et sa manière de raconter ses histoires. Ses personnages sont touchants et attachants. La relation entre Eldon et Horace est vraiment très belle. Horace idéalise ce qu’il veut devenir et fait l’expérience d’un monde très dur, sans doute bien loin de celui qu’il est en réalité, loin de ses valeurs. C’est une grande quête pour Horace dont la vie a toujours été difficile. En quittant le ranch, il part à la recherche de lui-même, tente de comprendre ses racines, sa place dans le monde et fait la dure expérience des combats de boxe. Il doit travailler sur le ring autant que dans sa vie personnelle pour mieux trouver un sens à ce qu’il fait et aux choix qui se présentent à lui.

J’aime la boxe. J’ai vraiment aimé ces passages qui parlent de ce qu’Horace tente de faire sur le ring. J’ai aussi beaucoup apprécié tout ce qui parle du ranch: le travail de berger et les chevaux. J’ai adoré Horace, ce personnage qui ne peut que nous toucher. Eldon est aussi une figure paternelle intéressante. Lui et Horace sont proches, et on sent une très grande affection entre les deux. Mais chacun doit vivre sa vie, Eldon l’a fait à un plus jeune âge et, même s’il n’en a pas envie, il laisse partir Horace qui tente de se trouver.

« C’est à toi de choisir. Être soi-même demande d’avoir du cran. »

Devenir quelqu’un est un très bon roman! J’ai passé un excellent moment avec ce livre, je n’ai pas vu le temps passer. Je dois vraiment lire les premiers livres de Willy Vlautin que je n’ai pas encore lus: Motel life, Plein nord et Ballade pour Leroy.

Un auteur à découvrir, assurément!

Devenir quelqu’un, Willy Vlautin, éditions Albin Michel, 304 pages, 2021

Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers

Ari, quinze ans, est un adolescent en colère, silencieux, dont le frère est en prison. Dante, lui, est un garçon expansif, drôle, sûr de lui. Ils n’ont a priori rien en commun. Pourtant ils nouent une profonde amitié, une de ces relations qui changent la vie à jamais… C’est donc l’un avec l’autre, et l’un pour l’autre, que les deux garçons vont partir en quête de leur identité et découvrir les secrets de l’univers.

J’ai lu Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers pour la première fois en 2015. J’avais adoré ce livre qui m’avait énormément touchée. Depuis, j’ai lu aussi L’insaisissable logique de ma vie toujours de Benjamin Alire Sáenz. Cet auteur est l’un de mes écrivains pour la jeunesse préféré. Il réussit à aborder des sujets graves avec une certaine tendresse et ses personnages sont attachants. Mais surtout, il écrit de façon intelligente. J’avoue que j’ai parfois un peu de mal avec le langage de cour d’école dans les romans pour ados. Benjamin Alire Sáenz s’adresse aux jeunes (et aux moins jeunes) avec un discours intelligent tout en restant ancré dans le quotidien de ce que ces adolescents peuvent vivre. Avec la sortie du second tome d’Aristote et Dante, et le film qui est en post-production, c’était le moment parfait pour le relire.

Aristote et Dante débute en 1987. C’est un vrai roman d’été, même s’il se déroule sur une plus longue période. C’est un livre plein de souvenirs pour moi, du temps où l’on passait nos vacances dehors (ou à la piscine). Ces moments d’insouciance et de questionnement, entre les amis, les petits emplois saisonniers, les jeux et la quête de soi-même. J’adore ce roman et je sais que je le relirai encore éventuellement.

Aristote rencontre Dante à la piscine, par une chaude journée d’été. Ari s’ennuie et il n’a pas d’amis. Dante lui apprendra à nager. Ils deviennent rapidement très proches. Aristote est un garçon en colère, qui parle peu, comme son père revenu de la guerre marqué par ce qu’il a vu.

« Le problème, c’est que ma vie était l’idée de quelqu’un d’autre. »

Leur relation n’est pas facile et Ari se pose énormément de questions. Surtout qu’il est le plus jeune de sa fratrie, avec un bon écart entre son frère et ses sœurs. Ari a d’ailleurs un frère en prison dont on ne parle pas. C’est un fantôme qui n’existe plus, il a été effacé de l’histoire familiale. Ari vit cette absence de relation de façon très pénible. C’est lui-même qui nous raconte son quotidien et son histoire. Il a quinze ans à l’été où il rencontre Dante.

« J’étais donc le fils d’un homme qui portait tout le Vietnam en lui. J’avais de quoi m’apitoyer sur mon sort. Et avoir quinze ans n’aidait pas. Parfois, je me disais qu’avois quinze ans était la pire tragédie qui soit. »

Dante est le fils d’un prof de littérature. C’est un garçon étrange, qui porte aussi un prénom particulier, comme Aristote. Il parle avec des mots qu’Ari ne comprend pas toujours et lit plein de classiques, qu’il finit par partager avec son ami, qui lui les partage avec son père. C’est leur façon de se parler, par livres interposés. Dante adore ses parents. Il partage une belle complicité avec son père. C’est un garçon sensible, qui pleure facilement, qui aime les oiseaux et les animaux (et veut les sauver).

Pendant l’année qui suivra, Aristote et Dante vont essayer de grandir tout en restant amis. Il y aura beaucoup d’événements et de changements dans leurs vies. Il y a aussi Legs, le chien d’Ari que les deux garçons adorent, et ce camion rouge qu’il apprend à conduire et avec lequel il va dans le désert, dans son endroit préféré, regarder les étoiles. Avec Dante, parfois.

Tous les deux, ils partagent quelque chose de si grand que ça changera toute leur vie. Ensemble, ils vont tenter de comprendre les secrets de l’univers.

J’aime définitivement énormément cet auteur. Cette relecture n’a fait que le confirmer. J’ai lu le livre en trois heures, d’une traite. Retrouver Aristote et Dante était un vrai plaisir. L’auteur a une façon de raconter qui me touche droit au cœur. Ses romans sont beaux, intelligents. Je ne peux que vous les conseiller. Chaque fois c’est un merveilleux moment de lecture!

Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers, Benjamin Alire Sáenz, éditions Pocket Jeunesse, 368 pages, 2015

Sweet tooth t.1

Dix années ce sont écoulées depuis la mystérieuse pandémie qui frappa la Terre et décima la quasi-totalité de la population. De celle-ci, naquit une nouvelle espèce : mi-homme mi-animale. Gus fait partie de ces enfants hybrides dont on ignore tout, livré à lui-même depuis la mort de son père. Au cours de son voyage à travers une Amérique dévastée, Gus croisera la route de Jepperd, homme massif et taciturne avec qui il se met en quête d’un refuge spécialisé. Mais sur leur route, les chasseurs sont nombreux.

J’aime beaucoup l’auteur Jeff Lemire. Je trouve son travail très intéressant et tout ce que j’ai lu de lui jusqu’à maintenant m’a plu. Quand on a annoncé l’adaptation de Sweet tooth en série, j’ai voulu laisser retomber la poussière un peu avant de lire les comics. Après une panne de lecture, c’était une histoire parfaite pour reprendre le rythme. J’ai vraiment beaucoup aimé!

Sweet tooth regroupe les comics en 4 volumes. Celui-ci est le premier. Chaque tome compte entre 160 et près de 400 pages selon le livre. Ce sont donc de grosses bd. Comme l’histoire est très prenante et qu’on veut en savoir plus, on plonge totalement dans les aventures de Gus, Jepperd et les autres. 

Gus est un enfant-animal né avec des bois de cerf, juste avant une pandémie qui a ravagé notre monde. Il n’a pas vraiment connu sa mère et vivait avec son père dans une cabane dans les bois. Gus doit respecter une règle sur laquelle son père ne fait pas de compromis: il ne doit jamais au grand jamais sortir des bois. Quand son père meurt, Gus désobéit. Il fait la rencontre de Jepperd, un homme sombre et baraqué qui promet de l’amener dans la Réserve, un endroit qui, selon la rumeur, protège et aide les gens. Mais Gus va constater bien vite que le monde en dehors de la forêt est plein de dangers…

« Avant que mon papa tombe malade et meure, il disait qu’il n’y avait que des méchancetés en dehors des bois. Du feu et des démons, et des choses qui font peur. Il disait que je devais rester ici, où je suis en sécurité. »

Ce premier tome suit le périple de Gus et Jepperd dans un monde post-apocalyptique. Alors qu’ils cheminent ensemble, ils rencontrent toutes sortes de gens et vont vivre différentes situations qui nous font comprendre peu à peu le monde terrifiant dans lequel ils vivent désormais. On apprend également le contexte de vie de Gus, avant la mort de son père, et les règles auxquelles il devait obéir. Sa découverte du monde en dehors des bois est assez marquante pour lui. Par ses yeux, et par le récit qu’en font d’autres personnages, on découvre également ce qui s’est passé en dehors des bois protégés où vivait Gus et son père, alors que le reste du monde était décimé par une pandémie devenue rapidement hors de contrôle. 

J’ai également aimé découvrir peu à peu l’histoire de Jepperd. On sait qu’il a vécu certaines choses, qui expliquent d’ailleurs peut-être un peu le genre d’homme qu’il est devenu, mais on ne sait pas tout et on ne comprend pas forcément son comportement. Ce qui viendra sûrement dans les autres tomes. J’ai quand même bien aimé sa rencontre avec Gus et leur improbable relation. On découvre au fil des pages de quelle façon les gens se sont organisés, comment ils ont pris le contrôle des villes et des lieux qui pouvaient fournir des ressources de base, afin de survivre. L’apocalypse est rarement une partie de plaisir. 

J’ai beaucoup aimé ce premier tome, qui donne forcément envie d’en savoir plus. L’histoire de Gus, cet enfant-animal particulier, est intrigante et on veut comprendre ses origines. J’apprécie vraiment le travail de Jeff Lemire, son coup de crayon reconnaissable, le rythme de ses histoires qui sont souvent très originales. Sweet Tooth ne fait pas exception! J’ai lu beaucoup de ses livres mais pas tous et ça me donne bien envie de découvrir d’autres de ses séries.

On m’a beaucoup parlé de l’adaptation en série, que je n’ai pas encore vu. J’attends d’avoir terminé les livres. Elle est, semble-t-il, beaucoup pour « douce » que les bd. Souvent, le passage à l’écran se fait pour un plus grand public, alors que les livres sont plus sombres. Mais j’ai quand même envie de regarder, ce que je ferai éventuellement. En tout cas, je vous suggère fortement cette bd qui est vraiment intéressante en plus d’être un bel objet, avec les pages de chapitres à carreaux et la reliure rigide. 

Je suis vraiment contente d’être plongée dans cette histoire! Je vous parle de la suite très bientôt.

Sweet tooth t.1, Jeff Lemire, éditions Urban Comics, 296 pages, 2015

Le cerveau et la musique

Un son, une note, une mélodie et voilà… le cerveau en effervescence. Mais pourquoi certains airs arrivent-ils à nous tirer des larmes, à nous donner la chair de poule, à nous enthousiasmer ou à nous faire danser ? Pourquoi sommes-nous touchés par les symphonies de Beethoven, par les performances vocales de Céline Dion, par les reels endiablés de Ti-Jean Carignan ou encore par les concerts d’Arcade Fire ? Bien sûr, tout commence par l’oreille. Les ondes sonores produites par un piano, une flûte ou un violon s’y engouffrent et sont transformées en influx nerveux pour rejoindre diverses régions du cerveau. Journaliste scientifique aguerri, Michel Rochon nous entraîne dans une exploration fascinante du cerveau musical. 

La musique a toujours été importante pour moi. J’achète autant de musique que j’achète de livres et je peux difficilement passer une journée sans en écouter. J’ai une photo de moi toute petite avec un énorme casque d’écoute sur la tête et Mozart qui jouait sur la table tournante. Ma passion pour les notes remonte à très loin. J’ai aussi joué de la clarinette et du violon, mais je préfère quand même écouter la musique que la jouer. J’aime aussi beaucoup la science et naturellement, ce livre de Michel Rochon s’imposait de lui-même puisqu’il mêle les deux domaines et répond à plusieurs questions. 

Cet essai est vraiment intéressant car il nous plonge dans l’étonnante odyssée des effets de la musique sur le cerveau. Le sujet est vaste, mais l’auteur aborde différents aspects totalement fascinants. Michel Rochon est journaliste scientifique et médical, très bon vulgarisateur, mais c’est aussi un musicien. Comme, d’ailleurs, un très grand nombre de médecins et de chercheurs, comme le démontre plusieurs orchestres de médecins, organisés un peu partout dans le monde. 

« …si certaines maladies nous ont permis de mieux comprendre la musique et vice versa, c’est peut-être parce que la médecine et la musique sont des univers imbriqués. »

Le cerveau est complexe et l’ouvrage nous en explique d’abord les bases en lien avec la musique. De quelle façon le cerveau réagit-il à la musique? Pourquoi les notes ont autant d’effet sur nous? Qu’est-ce qui nous amène à taper du pied lorsqu’on entend un rythme qui nous donne envie de bouger? Comment le cerveau réagit à la musique? On apprend une foule de choses, allant de l’aspect biologique de la musique (par exemple le son entendu par l’oreille et la façon dont le cerveau le transforme) jusqu’aux limites de la science et la richesse que nous apporte la musique en tant qu’humain.

« La musique nous transporte et nous fait réagir souvent de façon inattendue; elle puise dans nos structures de la perception, mais également dans nos souvenirs et nos plus intimes expériences. »

Cet ouvrage nous amène à comprendre ce qui se passe dans notre cerveau, alors que la musique est entendue par notre oreille. J’ai appris une foule de choses sur la linguistique, les mathématiques, l’amusie, les liens étroits entre la musique, la science et la médecine, l’audition, la plasticité du cerveau, l’apprentissage d’un instrument, la musicothérapie, la génétique, le rôle social de la musique, les animaux et la musique, l’intelligence artificielle, les jeux vidéo, pour ne nommer que ceux-là. Plusieurs histoires derrière les chercheurs et les découvertes sont vraiment incroyables. 

« Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que la naissance de notre Univers, d’une complexité sans commune mesure et qui a donné lieu à un extraordinaire déploiement au-delà de l’entendement, s’est faite dans le silence. Pas un son… »

Chaque chapitre est complété par un encadré intitulé « De la nourriture pour le cerveau » avec des liens à visionner en ligne qui complètent le propos: musique, films, documentaires, vidéos et conférences. Il y a beaucoup de ressources à découvrir pour accompagner notre lecture et c’est vraiment très intéressant. À noter que quelques photos en couleurs sont ajoutées au centre de l’ouvrage afin de compléter le texte. 

Un ouvrage accessible, qui nous offre un tableau passionnant des liens entre le cerveau et la musique. J’ai beaucoup aimé cette lecture qui nous fait voir la musique, et ses effets, d’un tout autre œil.

Vraiment, ce livre est une très belle découverte!

Le cerveau et la musique, Michel Rochon, éditions Multimondes, 192 pages, 2018