L’espérance de vie des flocons de neige

L’Antarctique. Il faut être un peu fou pour aller s’y cloîtrer pendant des mois. Pourtant, Tessa Preston y atterrit avec fébrilité. Et quel dépaysement ! Le désert blanc est un véritable terrain de jeu pour la physicienne, et une chance inouïe de prouver sa valeur dans une station de recherche unique au monde. Elle doit seulement faire abstraction de l’astronome en chef, qui lui réserve un accueil glacial. Il semblerait que le pôle Sud ne soit pas assez loin pour empêcher le passé de rattraper la jeune femme, et ce qui se présentait comme un point marquant de sa carrière se transforme rapidement en défi personnel. Tessa devra surmonter ses insécurités et vaincre le froid… sous toutes ses formes.

J’ai beaucoup aimé ce roman, tant l’univers que les personnages. Il est intéressant de plonger dans une romance qui met le côté scientifique à l’honneur. 

Tessa est physicienne. Elle travaille avec le professeur McNeil et ils sont invités à aller poursuivre leurs recherches en Antarctique, à la base Amundsen-Scott. Avec d’autres équipes, ils travaillent tous à l’avancée de la science et leurs recherches les passionnent.

Mais voilà, vivre pendant des mois dans une base, à plusieurs, dans des pièces restreintes et dans une sorte de confinement, ce n’est pas toujours facile. Surtout pour Tessa qui se retrouve à côtoyer Malcolm, l’astronome en chef, bien plus souvent qu’elle ne l’espérait. Le passé qu’elle tentait de mettre derrière elle la rattrape alors au bout du monde.

J’ai beaucoup aimé ce roman! C’est léger sans trop l’être, ce qui en fait un bon roman. Tessa est un personnage sympathique, dynamique, qui manque un peu de filtre et donc, qui se retrouve dans des situations parfois malaisantes. Elle manque aussi de confiance en elle et souffre du syndrome de l’imposteur. Parallèlement, son émerveillement est sans limite. Quand elle se retrouve sur la base, tout l’intéresse et la fait vibrer. C’est un personnage qu’on aime d’emblée. Son passé est plus complexe qu’il n’y parait au premier coup d’œil. Son histoire avec Malcolm nous est livrée peu à peu au fil des pages et on comprend que beaucoup de choses lient ces deux-là.

Les autres personnages autour sont bien intéressants également et l’on découvre la dynamique sur la base ainsi que le travail au quotidien. J’ai adoré les lieux justement car ils sont différents de ce que l’on voit habituellement.

« … je ne peux m’empêcher de réaliser à quel point l’Antarctique a le pouvoir de nous déconnecter de la réalité, mais de nous reconnecter avec nous-mêmes. »

J’aime également que ce soit des scientifiques qui soient mis en avant dans cette romance. Ça apporte quelque chose de plus. Il y a aussi une belle touche d’humour, dans les dialogues et les échanges entre les personnages, qui vient détendre une atmosphère qui aurait pu être glaciale. C’est vraiment agréable!

J’ai passé un très bon moment avec ce roman et je compte bien lire les autres titres de Marie Paquet. Sa plume m’a beaucoup plu!

L’espérance de vie des flocons de neige, Marie Paquet, éditions Goélette, 247 pages, 2022

Guide anachronique de la neige

Il neige ! Il neige ! Depuis l’enfance, nous tombons sous le charme énigmatique de la neige.. Au cours de sa déambulation littéraire – qui n’exclut ni les scientifiques, ni les ethnologues ! – Élisabeth Foch-Eyssette se demande à quoi tient ce ravissement. Est-ce de savoir, grâce aux travaux de W. A. Bentley (1865-1931), que chaque flocon est unique ? Ou est-ce d’apprendre que les Inuits ont dans leur langue bien des nuances pour dire la neige ?. Il neige dans les livres de Mario Rigoni Stern et de Nicolas Bouvier, ou dans la poésie de Novalis ; il neige sur les mythes et légendes, sur les photographies de Bernard Plossu, de Masao Yamamoto. Il neige aussi sur nos souvenirs, sombres ou lumineux. Et pour rien au monde nous ne voudrions renoncer à voir tomber la neige…

Voici un très beau livre qui m’a beaucoup plu, en amoureuse de l’hiver que je suis. C’est un ouvrage original, dont j’ai aimé la forme. Une sorte de guide de la neige.

« Pas question de me lancer dans un travail exhaustif. La neige mérite de la délicatesse plutôt qu’un archivage acharné. Pas question non plus de l’épingler comme une collection de papillons. »

Toujours en quête de flocons, l’auteure nous offre un florilège de cristaux glacés à travers l’art, la science, les voyages, le cinéma, l’histoire. Dans le désordre et suivant des pistes de souvenirs ici et là, elle collectionne les flocons et nous partage toutes sortent de choses autour d’eux: du blanc en tant que couleur jusqu’aux premières photographies de flocons, en passant par la neige lors de ses voyages, la neige attendue qui rend fébrile, la neige meurtrière des avalanches, les anecdotes et les bribes de flocons s’accumulent au fil des pages pour le plus grand plaisir des amoureux de la neige.

« Les flocons peuvent être vus comme des lettres du paradis. »

Il neige entre les pages des livres où l’on croise Thoreau, Stephen King, Rigoni Stern, Gilles Vigneault, Jack London, Ohran Pamuk, Erri de Luca et bien d’autres. Il neige sur les tableaux aussi et sur les pinceaux des artistes. J’ai d’ailleurs pris plaisir à rechercher les noms des œuvres mentionnées pour profiter d’instants enneigés et me plonger dans ces images créés il y a longtemps.

L’auteure nous raconte des histoires issues de tous les temps, des anecdotes, des citations, des photos, des instants où les flocons ont été au cœur même du moment ou d’une tranche de vie. Où ils ont été représentés dans l’art, la culture, où ils ont marqué l’histoire. Les flocons fascinent. Ce livre, c’est un peu un guide qui nous accompagne dans la neige. Qui tente de capter l’émerveillement suscité par les flocons qui tombent.

« Chaque hiver, aux premiers flocons, émerveillé ou inquiet, on éprouve le besoin d’en informer la cantonade. »

J’ai aimé cette belle visite enneigée, qui donne envie de poursuivre le voyage et de collectionner, nous aussi, ces moments où les flocons virevoltent ici et là. Ces instants parfois insaisissables, toujours éphémères, de la beauté de la neige qui tombe.

Guide anachronique de la neige, Élisabeth Foch-Eyssette, éditions Arléa, 168 pages, 2023

Climat

Deux enfants. Deux continents. Une crise climatique. En plein coeur de la rudesse de l’arctique, Yuki et son chien sont poursuivis par un grolaire affamé : un croisement entre un grizzly et un ours polaire, dont les territoires ont fusionné. Son existence est une des conséquences du réchauffement climatique. Et il est très, très dangereux… La maison de Sami a été détruite par un cyclone il y a quelques années. Désormais, son grand-père et lui peinent à pêcher quoi que ce soit lors de leurs sorties en mer. S’il parvient à retrouver le couteau porte-bonheur de sa mère, perdu au fond de l’océan sournois, peut-être pourra-t-il changer leur destin ?

Je suis tombée sur cette bande dessinée un peu par hasard. Je connais Eoin Colfer à cause d’Artémis Fowl, mais je ne savais pas qu’il faisait aussi de la bd. J’ai tout de suite été attirée par celle-ci à cause de l’illustration de la couverture. Elle est splendide!  C’est Giovanni Rigano qui signe les dessins.

Cette histoire, qui porte bien son titre, nous fait suivre le destin de deux enfants qui vivent les effets des changements climatiques. Chacun vit dans un coin du monde totalement à l’opposé, dans des climats vraiment différents. Ce que l’histoire tente de démontrer c’est que peu importe où l’on vit, les changements climatiques ont des impacts un peu partout à travers la planète. Impacts qui peuvent prendre des formes différentes, mais dont les conséquences ne sont pas négligeables.

« Tout ce que je sais, c’est que, malgré l’immensité du monde, le nôtre rétrécit de jour en jour. »

Nous sommes dans le Golfe du Bengale, dans l’océan indien. Sami vit avec son grand-père depuis qu’un cyclone a décimé sa maison et tué ses parents. Ils pêchent pour survivre, dans un monde où les conflits pour la pêche et le moindre petit bout de mer ou de terre troublent le quotidien des villageois. Le quotidien de Sami est une histoire continuelle de survie. 

« À chaque saison, nous devons travailler plus dur pour pouvoir rester où nous sommes. On se bouge pour ne pas avoir à bouger. »

Yuki elle, vit dans le Nord Canadien, dans le cercle arctique. Les villageois tuent tous les ours qui s’approchent des habitations et représentent le danger. La fillette elle, tente de faire changer les choses en démontrant que les « grolaires », un croisement entre les ours polaires et les ours bruns, existent à cause des changements climatiques. 

« Mon village. Ce qu’il en reste. Désormais, il y a plus de maisons vides que pleines. Je le sais. J’ai compté. Et de plus en plus de gens partent chaque année. »

Les deux enfants affronteront le danger du climat, mais pour des raisons très différentes. De plus, même s’ils vivent dans des lieux totalement différents, l’univers des deux enfants finira par se croiser. C’est amené de façon assez légère et j’aurais aimé une fin plus élaborée, mais c’est intéressant tout de même.

J’ai bien aimé cette lecture qui démontre de façon concrète, à travers la fiction, à quel point les changements climatiques peuvent avoir des conséquences partout et toucher tout le monde. Le dessin est plaisant et l’histoire, en alternance entre le vécu de Sami et celui de Yuki, est intéressante.

Si cette thématique environnementale vous intéresse, c’est une bd pertinente à découvrir. Elle est complétée par un mot des auteurs qui expliquent leur démarche, un cahier de croquis et des informations sur les conséquences des changements climatiques.

J’ai bien aimé!

Climat, Eoin Colfer, Andrew Donkin, Giovanni Rigano, éditions Robinson, 144 pages, 2023

Abécédaire d’hiver

L’hiver nous apporte bancs de neige, glaçons, rafales et tempêtes. Mais il ne faut pas oublier ses plaisirs polaires : flocons doux, patins, raquettes et rêverie ! Abécédaire d’hiver est un album abécédaire, comme son titre le rappelle si bien, et fera parcourir à l’enfant la saison hivernale. Il sera bien au chaud entre le rire et la poésie, pour apprendre, se divertir et rêver. Les personnages humains et les animaux rendent les tableaux drôles, touchants, mais résolument dynamiques et inventifs.

Naturellement, juste à voir le thème et la couverture de cet album, j’ai tout de suite voulu le lire. Il s’agit d’un très joli album, construit comme un abécédaire, mais présentant quelques particularités.

Déjà, ce livre s’attarde sur notre belle saison qu’est l’hiver. Il met en valeur la neige, la saison froide, les activités hivernales que l’on peut faire et les animaux que l’on retrouve dans un univers enneigé. Les mots qui y sont associés sont mis en valeur dans un abécédaire joliment illustré.

C’est doux et vraiment joli pour développer un vocabulaire hivernal. On passe de certains mots très communs à d’autres qui sont plus difficiles. J’ai aimé cette variété. Il y a même des noms d’animaux que je n’avais jamais entendus! Cet aspect est intéressant. On y retrouve des ours qui font du kayak, un gardien sur la glace, des mamies en motoneige et même, pour la lettre « A », l’avalanche qui avale l’automne. C’est une bien belle image du passage des saisons. C’est un album dont les mots sont présentés de façon poétique.

« Nuit nordique
Neuf narvals naviguent
Sous la nappe de neige »

Dans chaque tableau se cache aussi un petit intrus. Un objet, un animal, une plante qui n’a pas sa place dans un décor hivernal. On invite donc le lecteur à le trouver pour chaque lettre alphabétique. Une courte définition est présentée à la fin de l’album.

Une balade hivernale que j’ai bien appréciée et qui permet d’enrichir le vocabulaire hivernal du jeune lecteur (et du moins jeune!), tout en présentant de bien belles illustrations qui vont parfaitement avec la saison.

Une jolie découverte!

Abécédaire d’hiver, Fabienne Gagnon, Fanny Achache, éditions Station T, 32 pages, 2024

L’empire du froid

Le froid est un adversaire redoutable qui met tout le monde au diapason : qui ne s’adapte pas à ses rigueurs risque d’y laisser sa peau. Les bêtes font leur poil d’hiver, les hommes s’emmitouflent, et chacun rêve secrètement d’une hibernation qui ne prendrait fin qu’au retour des beaux jours. Mais au fait, qu’est-ce que le froid et comment délimiter son empire ? Fort de ses voyages dans les régions du monde où le froid est le plus tenace, François Garde se propose de cerner cet adversaire à travers 99 textes surprenants, insolites, drôles, poétiques. Ces variations qui vous feront frissonner sont à savourer bien au chaud.

J’aime l’hiver et j’aime le froid, bien plus que la chaleur. Bien habillé, on peut en profiter pleinement. Ce livre m’attirait donc beaucoup. C’est avec plaisir que j’ai donc commencé L’empire du froid de François Garde avec mon club de lecture. Sous-titré De l’importance de bien connaître son adversaire ce livre entreprend, en 99 courts textes, de nous parler du froid. 

Anecdotes, faits historiques ou insolites, expéditions, poésie, réflexions, humour, ces textes abordent le froid sous toutes ses formes. L’ouvrage est construit un peu comme un abécédaire pour les grands. Presque toutes les lettres de l’alphabet sont représentées, à raison d’un ou de plusieurs textes par lettre. C’est un livre qui se prête très bien à une « lecture calendrier » ou à une « lecture alphabétique », en choisissant de lire une lettre par jour ou par semaine par exemple. C’est le genre de livre à conserver sur la table de chevet et en lire quelques chapitres à la fois, pour avoir quelque chose de nouveau à découvrir chaque jour. C’est un peu ce que j’ai fait. 

« Le froid n’est pas un perturbateur, mais un conservateur. Un gage de paix. Son déclin ouvre les portes du temple de la guerre. »

Dans cet essai, l’auteur aborde toutes les facettes du froid. De celles qui sont évidentes, comme la Sibérie ou les pôles, à celles qui sont tellement ancrées dans notre quotidien qu’on n’y pense même plus. Il y est question de blizzard, de températures, de territoires, de mots, de culture, d’art, de garde-manger, de sports, de la banquise, des cornets de crème glacée, de cryogénisation, de glacière, de pemmican, des ours, des flocons, des engelures, des légendes, pour ne nommer que ceux-là.

« L’engelure est un petit dragon qu’il ne faut pas réveiller. »

C’est un livre très intéressant qui se lit avec plaisir. On peut grappiller ici et là quelques textes chaque jour et découvrir le froid dans sa globalité, d’un tout autre œil. Les chapitres sont courts, remplis d’anecdotes et on apprend plusieurs petites choses. Le texte est souvent poétique et l’écriture est très jolie.

« À leur façon, les sculpteurs sur glace, funambules du froid, méditent sur l’éphémère du monde. »

C’est une belle façon d’aborder la thématique du froid. Une très bonne lecture!

L’empire du froid, François Garde, éditions Paulsen, 240 pages, 2023

Qimmik

Entre la taïga et la toundra, un jeune couple inuit du Nunavik se découvre et apprend à s’aimer. Accompagnés de leurs chiens, les qimmiit, Saullu et Ulaajuk parcourent un continent encore sauvage, tous libres et solidaires. Quelques décennies plus tard, une avocate est dépêchée sur la Côte-Nord pour défendre un meurtrier inuk dont les victimes sont d’anciens policiers de la Sécurité du Québec. Sa quête de justice l’emmènera au-delà de ce qu’elle avait imaginé.Roman vérité, Qimmik raconte l’histoire d’un territoire majestueux que les gouvernements ont voulu soumettre, lui et ceux qui l’habitent. Quel qu’en soit le prix.

Qimmik est un roman que j’ai trouvé très intéressant. Il aborde un pan peu glorieux de notre histoire, qui est également assez peu connu.

Dans ce roman, on suit Ève, une jeune avocate à qui son cabinet confie la défense d’un meurtrier inuk dont les victimes sont d’anciens policiers. Son client ne lui parle pas et avec l’aide de son assistante, elle doit creuser pour réussir à comprendre celui dont elle doit assumer la défense. Elle découvrira des choses, tant sur elle-même que sur notre histoire, qui iront au-delà de ce à quoi elle s’attendait…

Parallèlement, on suit un jeune couple inuit qui commence une vie à deux. Entre leur culture et leurs traditions, on sent tout de suite que de grands et dévastateurs changements sont en train de survenir dans leur région. Étant toujours nomades, leur retour temporaire au village est un véritable choc.

Cette histoire est celle de tout un peuple que les gouvernements ont voulu faire plier et empêcher de vivre la vie qu’ils avaient toujours vécu. Une vie rude et parfois cruelle, mais authentique et magnifique. Le meilleur moyen de leur enlever leur liberté: s’attaquer à leurs chiens. Une façon terrible de les forcer à rester en place et à renoncer à leur mode de vie ancestral.

 » Sans chiens, beaucoup de choses deviennent impossibles: se déplacer dans la tempête, juger de l’épaisseur et de la sécurité de la glace, trouver les trous d’air du phoque et bien d’autres choses du quotidien. En vérité, malgré tout notre savoir, disait mon père, sans son chien l’Inuk marche aveugle et sourd. « 

Un roman poignant, dont l’écriture est très belle. J’ai beaucoup aimé ce livre. L’alternance des personnages à chaque chapitre m’a plu également. Ça nous permet d’aborder une histoire difficile, avec différents points de vue. À la fin, tout converge finalement vers une seule et même histoire.

Une très bonne lecture!

Qimmik, Michel Jean, éditions Libre expression, 224 pages, 2023