Le chemin du beau

chemin du beauDes milliers de personnes à travers le monde ont trouvé l’inspiration dans les paroles de Cheryl Strayed, l’auteur du magnifique Wild, qui partage dans ses écrits les coups de théâtre, les bonheurs et les difficultés rencontrés au cours de sa vie. Son honnêteté, son esprit et sa persévérance ont permis à beaucoup, même dans les heures les plus sombres, de mettre un pied devant l’autre – et de trouver le courage d’avancer. Ce livre rassemble plus d’une centaine de citations et pensées inoubliables – un « mini-guide à l’usage de nos âmes » qui nous pousse à croire au pouvoir incroyable des mots, de l’amour et du pardon.

J’étais tombée sous le charme de Wild de Cheryl Strayed à sa parution. Ce livre, je l’ai même racheté pour l’avoir chez moi, tellement il m’avait plu. J’étais donc curieuse de voir de quoi parlerait cette nouvelle publication, Le chemin du beau. Mini-guide à l’usage de nos âmes. Je l’ai pris en librairie quelques fois avant de le reposer. Je le trouvais cher pour le contenu, soit 120 pages et une pensée par page. Certaines ne font qu’une ligne, voire deux, d’autres un petit paragraphe. La police d’écriture est assez grosse alors la lecture se fait rapidement. J’ai finalement décidé de l’emprunter. Le livre est resté deux jours sur ma table de chevet. Je l’ai lu en deux fois. La moitié une journée, l’autre moitié le lendemain.

« Enfoncez-vous sans bâton de marche dans les forêts les plus sombres. »

Le livre débute par quelques mots de l’auteure. J’étais contente de la retrouver. Je m’étais attachée à elle dans Wild. Elle nous explique comment elle en est venue à collectionner les citations. Et pourquoi le livre s’appelle Le chemin du beau.

« Voyagez à pied. On rate tellement de choses quand on va trop vite. »

J’ai bien aimé cette lecture. C’est agréable et reposant. Certaines citations de l’auteure sont très belles, très justes. D’autres m’ont moins parlées même si elles s’appliquent sûrement à certaines personnes. Ce sont des citations dont on connaît tous un peu la teneur, le genre de mots qu’on entend régulièrement, sur le bonheur, la vie, les choix, mais qui sont toujours un bon rappel à lire.

« Ne sacrifiez pas votre bonheur à une image de vous-même qui ne vous correspond plus. »

J’ai trouvé de beaux mots sur le pardon, la souffrance, la mort, le bonheur. Il y a aussi de belles métaphores et quelques pensées un peu plus rigolotes. Une sur la confiance en soi, que j’ai bien aimé:

« Avoir confiance en soi signifie vivre au grand jour ce qu’on sait déjà être vrai. »

Un recueil de pensées et citations qui n’est pas transcendant, mais qui a été une jolie lecture, agréable.

Le chemin du beau. Mini-guide à l’usage de nos âmes, Cheryl Strayed, éditions 10/18, 120 pages, 2017

Volt

voltKrafton, petite ville imaginaire de l’Amérique profonde aux allures bibliques, où abondent secrets inavouables, crimes anciens et chagrins enfouis est le décor des nouvelles d’Alan Heathcock. L’écriture puissante et lyrique, le suspense sombre qui imprègne ce paysage, et la poésie avec laquelle l’auteur évoque la violence inhérente à l’Amérique marquent la naissance d’un écrivain au talent singulier, salué par le New York Times et Publishers Weekly comme l’auteur d’un des meilleurs livres de l’année.

Krafton est le centre des huit nouvelles qui constituent toute l’essence de Volt, un recueil qui se lit presque comme un roman, tant chaque histoire est reliée aux autres par les lieux ou les personnages. On retrouve par exemple régulièrement Helen, une ancienne employée d’épicerie devenue, par vote populaire, chérif de la région. Ce qui était à la base une blague est devenue une mission pour cette femme qui n’hésite pas à faire quelques entorses à la justice quand les lois ne sont pas du bon côté.

Chacune des nouvelles de Heathcock sont des petits mondes en soi. Les personnages ont tellement de substance qu’ils prennent littéralement vie. Les écorchés, les repris de justice, les marginaux sont légion dans ce village rural où la vie est dure, où l’on survit sur des fermes qui demandent beaucoup de travail et où la pauvreté et le manque d’éducation est un véritable fléau. La violence est latente jusqu’à ce qu’un beau jour elle explose. On imagine très bien la petite communauté engluée dans ses vieilles habitudes. Entre ceux qui sont condamnés à errer (ou à fuir) Krafton et les autres, qui tentent simplement d’y survivre, Heathcock nous dresse un portrait sombre de cette petite ville à l’écart, menée par la religion, même quand on n’est pas vraiment croyant.

« J’ai juste besoin d’un peu de repos, se dit-elle. De quelques minutes pour me ressaisir. Puis elle imagina Dieu au paradis tout aussi las, avachi sur son trône doré, optant pour une ou deux inondations plus modestes pour voir si les hommes pourraient se sauver tout seuls et lui épargner cet effort. »

Dans La fille, la nouvelle la plus percutante à mon avis, une femme tente de s’isoler dans un labyrinthe créé dans ses champs de maïs, pour survivre au deuil de sa mère. Elle perçoit comme une menace les enfants venus jouer sur ses terres. Le train de marchandises est une errance dans la nature qui a pour point de départ la perte d’un enfant. La perte et le deuil est bien souvent au centre des histoires, mais on ne le réalise qu’en tournant la dernière page. Le thème central reste la communauté rurale de Krafton. Et le souvenir des dégâts causés par une grave inondation. On imagine un monde boueux, pas tout à fait remit des vestiges laissés par l’eau.

« Les choses disparaissaient. Les gens disparaissaient. Les nuages laissaient la place au soleil qui laissait la place à la nuit. Seuls les sentiments, comme les esprits, perduraient, gravés à l’arrière de nos yeux, mêlés à notre moelle. »

Volt est un recueil de nouvelles très maîtrisé, ce qui est en soi plutôt étonnant vu qu’il s’agit d’une première publication. La qualité de l’écriture, rude et poétique, les histoires à la fois dures et sensibles, et les personnages qui hantent les pages sont du genre qu’on n’oublie pas. On peut espérer que l’auteur ne s’arrêtera pas de si bon chemin!

C’est avec Volt que je termine ma participation à l’excellente initiative d’Electra et de Marie-Claude de lire des recueils de nouvelles en ce beau mois de mai. Ce livre a donc été lu dans le cadre de l’événement Mai en nouvelles.

Volt, Alan Heathcock, éditions Albin Michel, collection Terres d’Amérique, 320 pages, 2013

Indian Creek

indian creek« Le garde commença à parler de bois à brûler. Je hochais la tête sans arrêt, comme si j’avais abattu des forêts entières avant de le rencontrer.
— Il te faudra sans doute sept cordes de bois, m’expliqua-t-il. Fais attention à ça. Tu dois t’en constituer toute une réserve avant que la neige n’immobilise ton camion.
Je ne voulais pas poser cette question, mais comme cela semblait important, je me lançai:— Heu… C’est quoi, une corde de bois ?
Ainsi débute le long hiver que Pete Fromm s’apprête à vivre seul au cœur des montagnes Rocheuses, et dont il nous livre ici un témoignage drôle et sincère, véritable hymne aux grands espaces sauvages. Indian Creek est un captivant récit d’aventures et d’apprentissage, un Walden des temps modernes.

 

J’ai relu Indian Creek cet hiver, un de mes livres préférés! J’aime tellement cette histoire. C’est le premier livre des éditions Gallmeister que j’ai lu et je me souviens qu’à l’époque, j’avais eu beaucoup de difficulté à mettre la main dessus. Maintenant, j’en ai un exemplaire dans la belle collection Totem et je suis libre de le relire quand j’en ai envie. Je voulais partager ce billet maintenant car je vais bientôt lire Le nom des étoiles, une sorte de « suite » à Indian Creek.

Indian Creek est un récit étonnant et passionnant. Le parcours de Pete Fromm lors de cette expérience hors du commun de s’éloigner du monde, est honnête, lucide et va le changer pour toujours par la suite. Comme être humain, il est confronté à la nature, la vraie, pour la première fois de sa vie et doit le peu qu’il connaît pour se débrouiller, aux livres qu’il a lu. Il parle beaucoup de Bradford Angier, un auteur qu’il faut d’ailleurs lire si on s’intéresse à la survie en forêt et en pleine nature. C’est un des meilleurs livres que j’ai pu lire sur le sujet.

J’aime ce récit parce que ça nous fait voir la survie d’un autre œil. Pete est loin d’être un connaisseur. Mais il est entêté, émerveillé et il nous fait découvrir son nouvel univers le temps d’un hiver à Indian Creek où il doit surveiller un bassin de saumons. Il apprend à vivre seul dans une tente, avec les rigueurs de l’hiver et en passant en mode survie. Il va chasser, essayer de se débrouiller.

Ce qui est le plus intéressant avec ce récit de nature writing, c’est de découvrir l’évolution de l’auteur. S’il part à Indian Creek, c’est d’abord en ayant en tête les histoires de trappeurs et de survie, du genre de celles de A.B. Guthrie. Des histoires mythiques. À quelques jours de prendre son poste à Indian Creek il se demande dans quoi il a bien pu s’embarquer. Puis vient son aménagement dans une tente humide, la solitude et les journées qui passent, avec peu de distractions pour s’occuper. Les chasseurs du coin le divertissent un moment, puis ils s’en vont tous à tour de rôle. Pete Fromm est maintenant seul.

C’est là que les choses changent. Il s’émerveille de petites choses. Embrasse à pleins bras la solitude, les beautés de la nature. Il comprends qu’il aurait raté beaucoup de choses s’il ne serait pas venu à Indian Creek. Puis, même la solitude lui plaît. Parfois, il s’offusque de retrouver les chasseurs qui débarquent « chez lui » avec leurs gros sabots.

Pete est un narrateur attachant, émouvant, parce que très honnête, très transparent. Il nous raconte d’une façon touchante sa découverte d’un monde totalement inconnu pour lui: la survie dans les grands espaces, quand l’hiver vient.

C’est un vrai plaisir que de lire ce livre et un gros coup de cœur qui m’emballe toujours autant, même après quelques relectures. Un incontournable si la nature vous intéresse.

Indian Creek, Pete Fromm, éditions Gallmeister, collection Totem, 256 pages, 2017

America n°1

America1Quand la revue America a été annoncée, j’étais vraiment très emballée. Enfin une revue qui touchait de près à un thème qui me parle beaucoup: la littérature américaine. Et plus largement, la culture et la politique américaine. J’ai un peu sursauté quand j’ai vu le prix de vente au Québec (27$ le premier numéro, 35$ par numéro par la suite), mais j’ai décidé d’acheter le premier numéro et depuis, je n’ai pas cessé. Cette revue me plaît, me parle, comme aucune autre ne l’a fait jusqu’à maintenant.

Je parle de « revue » mais on pourrait pratiquement qualifier cette publication de « livre ». Le papier est épais, il n’y a aucune publicité, le contenu est diversifié et il y a beaucoup de choses à lire. En général, j’étire ma lecture jusqu’au prochain numéro. Il y a quatre publications par année, pour toute la durée du mandat de Trump. Pourquoi? Parce que le but de cette revue est de démontrer que l’Amérique, est aussi autre chose que son Président. Leur slogan en dit long: L’amérique comme vous ne l’avez jamais lue. En tout, il devrait y avoir 16 numéros. Par la suite, la publication tirera sa révérence.

Dans chaque publication, il y a des chroniques qui reviennent: la chronologie, la chronique du poisson rouge, le grand entretien avec un auteur reconnu, une nouvelle inédite, un extrait exclusif, une chronique voyage, un reportage photo, une chronique cinéma et séries télé, ainsi que Le grand roman américain qui fait le tour d’une oeuvre classique ou culte américaine.

Le premier numéro nous amène un peu partout aux États-Unis (une carte au début de la revue nous montre d’un coup d’œil là où les auteurs nous font voyager). J’avais été particulièrement touchée par la Lettre à un jeune écrivain de Colum McCann qui parle de l’écriture au temps de Trump, plus que jamais essentielle. Le grand entretien dans ce numéro est avec Toni Morrison, Prix Nobel de littérature en 1993. Une auteure que je n’ai jamais lu, mais dont l’entretien m’a fait acheter dans la foulée trois de ses romans. Le dossier sur Barack Obama et l’entrevue sur Ce que peut la littérature m’a touchée. Il présente une autre facette de l’homme. Cette fois, j’ai acheté Les rêves de mon père pour continuer à découvrir l’Homme qui se cache derrière l’ancien président.

Étant photographe amateure, je suis toujours intéressée par les reportages photos présentés dans America. Cette fois, c’est le photographe Vincent Mercier et ses images Un regard sur l’Amérique que l’on peut découvrir dans ce numéro.

L’extrait de Les jours enfuis de Jay McInerney m’a donné envie de découvrir ce livre. J’attends d’ailleurs sa sortie en format poche, prévue quelque part à la fin juin au Québec.

Finalement, America m’aurait fait acheter un autre livre, soit Moby Dick, après avoir lu la chronique du Grand roman américain qui en était question. Je connais assez bien Melville, j’ai plusieurs de ses livres à la maison, mais cette chronique me donne vraiment envie de découvrir enfin le chef-d’oeuvre de Melville.

Un premier numéro qui a lancé avec brio la revue America que je continue à suivre et à me procurer maintenant à chaque parution. C’est une publication incontournable pour quiconque s’intéresse à la question américaine: littéraire, sociale, politique, etc.

Vous pourrez retrouver un compte-rendu de chaque publication sur le blogue, sur ce qui m’a particulièrement plu de chacun des numéros. Étant donné qu’il s’agit d’une publication vraiment différente avec du contenu en quantité, je la considère comme un livre. Chaque numéro compte presque 200 pages.

Au Québec, on peut trouver la revue sur le site Leslibraires.ca ou commander chaque numéro chez son libraire indépendant. Ils sont pour le moment toujours en vente.

Le site web d’America.

America n°1, Les éditions América, 194 pages, printemps 2017

Brasser le varech

brasser le varechIl imaginait pour toi des encyclopédies, t’initiait à la langue sylvestre. Au cœur des déracinements de l’adolescence, tu grandissais en épinette noire. Ta ligne de vie suivait les stries du roc, les vagues du bois que parcourait ton père ingénieur forestier, celui qu’il a pris brutalement une dernière fois, traçant pour la suite un sillon de douleur, te plantant une branche en travers du tronc.
Brasser le varech saisit la vulnérabilité et l’étendue des territoires nord-côtiers, refait le chemin des années longues, remuées par le ressac du chagrin et du deuil. Contemplatif et personnel, il se présente comme un nid de nature et de références botaniques. Le code, c’est la flore laurentienne. La clé pour ouvrir la voûte, pour construire son quai, pour réapprendre à parler la langue paternelle.

Brasser le varech, c’est la nature toute en poésie, à travers le cheminement du deuil. C’est un recueil d’une grande beauté, dédié au père de l’auteure.

Cette poésie écrite de façon imagée nous fait voyager en pleine nature à travers une plume remplie de couleurs, qui nous offre une vue sur un univers rafraîchissant qui fascine l’imaginaire. Elle décrit la flore d’une manière tellement magique et vivante qu’on la voit défiler devant nos yeux.

Elle nous amène dans son univers poétique, nous racontant à travers la forêt des segments de sa vie, le chagrin douloureux suite à la mort de son père, les émotions ressenties. La famille est très présente dans ses poèmes et la nature prend beaucoup de place. Le deuil est constamment évoqué à travers la nature.

L’auteure a une façon bien personnelle de transmettre l’émotion du moment, avec des images reliées à la nature. Elle crée, à travers ses mots, des images très puissantes qui déferlent pendant notre lecture.

« tu tiens droite ta tête de pissenlit
sur tes épaules de roc

ta robe de clintonie boréale
n’éloigne pas les moustiques

tes pieds de tussilage
ne font pas de traces
dans la mousse

tu marques à peine de mica
l’argile en place »

 

En terminant le recueil, j’ai eu envie d’aller vérifier si l’auteure avait d’autres titres à son actif. D’après mes recherches, ça semble être une première publication. C’est une agréable surprise car le texte est très beau, maîtrisé, l’auteure a une très belle plume. Sa façon d’écrire est impressionnante. Une auteure dont je surveillerai assurément le travail!

Brasser le varech, Noémie Pomerleau-Cloutier, éditions La Peuplade, 114 pages, 2017

L’indien malcommode

L'indien Malcommode‘ L’Indien malcommode est à la fois un ouvrage d’histoire et une subversion de l’histoire officielle. En somme, c’est le résultat de la réflexion personnelle et critique que Thomas King a menée depuis un demi-siècle sur ce que cela signifie d’être Indien aujourd’hui en Amérique du Nord. Ce livre n’est pas tant une condamnation du comportement des uns ou des autres qu’une analyse suprêmement intelligente des liens complexes qu’entretiennent les Blancs et les Indiens.  »

J’ai toujours été captivé par la culture Amérindienne, depuis tout petit. Je suis né près d’une réserve ce qui a peut-être contribué à mon intérêt, mais c’est principalement en faisant de la généalogie que j’ai découvert que certains de mes ancêtres étaient Amérindiens. Le plus triste, puisqu’il s’agissait de femmes, elles apparaissent dans ma lignée comme des « inconnues » (sauvagesses) puisque l’homme Blanc considérait les Amérindiens comme des « sans âmes ».

Avec ce livre l’auteur souhaitait relater l’histoire des Autochtones d’Amérique du Nord sur quelques centaines d’années, du tout début de l’arrivée des Blancs jusqu’à aujourd’hui. La façon dont l’homme blanc a voulu sortir l’Amérindien de l’homme mais sauver l’homme en l’assimilant à sa propre culture. L’essai est très vaste, il couvre une grande période et s’attarde autant sur les massacres de tout un peuple, que sur la création des réserves et des pensionnats indiens.

Au début de ma lecture, les deux premiers chapitres m’ont semblés difficiles. Ces chapitres m’ont parus comme étant une sorte de glossaire, l’auteur relatant beaucoup de noms afin de n’oublier personne. Par la suite, le livre prend une autre forme et l’histoire est captivante puisqu’on apprend énormément de choses sur ce qui a pu se passer entre l’homme blanc et l’Amérindien.

Le chapitre des pensionnats indiens m’a beaucoup touché. Le taux de mortalité étant épouvantablement élevé, un parent qui était forcé d’y envoyer son enfant n’était pas sûr de le revoir un jour. Et quand il le revoyait, l’enfant avait tellement été coupé de sa langue et de sa culture, qu’il ne le reconnaissait plus.

« Pour la plupart, les pensionnats dans les deux pays étaient surpeuplés. La maladie y régnait. Les abus sexuels et les sévices physiques étaient monnaie courante. Les élèves étaient mal nourris et mal habillés. En 1907, le docteur Peter Bryce envoya son rapport à Duncan Campbel Scott, le surintendant du ministère des Affaires indiennes, où il était dit que le taux de mortalité des élèves autochtones dans les pensionnats de Colombie-Britannique atteignait les 30%. En Alberta, ce taux était de 50%. J’ignore comment Scott a réagi au rapport, mais, en 1910, il écarta le problème du revers de la main en disant que le taux élevé de mortalité dans les pensionnats « ne saurait motiver, à lui seul, une inflexion de la politique du ministère, qui vise à trouver une solution finale au problème indien. » « 

La transmission de la culture Autochtone, à cause des lois, des traités et des gouvernements, est tellement difficile que peu à peu de grands aspects de leurs langues et de leurs coutumes s’éteignent tranquillement. Il est encore tellement complexe de rester un Amérindien en règle pour les lois gouvernementales qu’il s’agit encore une fois d’une façon de limiter la culture Autochtone et d’empêcher sa transmission de générations en générations.

La culture blanche a apporté beaucoup de limites, que ce soit au niveau des terres, des lieux de vie et des règles, au mépris de la culture des Autochtones. Trop souvent, les Blancs auront relocalisé les Amérindiens pour pouvoir exploiter leurs terres jusqu’à saturation.

Encore aujourd’hui, l’Amérindien dérange. Les gouvernements voudraient faire disparaître le « problème amérindien » au lieu de reconnaître ce qu’ils sont, leurs droits et de reconnaître leur culture. La justice est bien trop injuste et inégale entre les blancs et les Amérindiens.

L’auteur aborde énormément d’aspects de l’histoire amérindienne: les différentes tribus, le fonctionnement de chacune d’entre elles, les relations avec le gouvernement, la présence des amérindiens au cinéma, les différents traités signés au fil du temps, la relation avec la terre, etc. Chacun des chapitres débute avec une citation en fonction de l’histoire qui va suivre.

L’auteur termine son livre sur une note positive. Le but de l’essai n’est pas simplement de démontrer du négatif mais, aussi, de montrer ce qui a été fait au fil des années et ce qui peut être encourageant dans les relations entre les deux peuples.

« Mais je dois admettre que, en dépit de ces obstacles, les Autochtones de la fin du XXe siècle et des débuts du XXIe siècle ont commencé à remporter des victoires devant les tribunaux d’Amérique du Nord. Peut-être que, après tout ce temps, la loi du pays va enfin nous favoriser; et alors, nous vivrons heureux jusqu’à la fin des temps. »

La lecture de cet essai de Thomas King m’a donné envie de lire encore plus de choses sur le sujet et d’aller découvrir de plus près la culture amérindienne en participant à certains événements. Je crois que cette lecture est essentielle, parce que plusieurs choses que l’homme Blanc sait des peuples amérindiens est à la fois faussée par des mythes ou des images, à la fois totalement incomplète. Les gens auraient intérêt à lire ce livre pour connaître l’autre côté de la médaille, au-delà des préjugés et des idées préconçues.

Un livre que je recommande fortement. L’auteur, amérindien, s’est documenté pendant des années avant de se mettre à l’écriture de L’indien malcommode. Il vaut la peine qu’on s’attarde à son travail. C’est un livre à lire.

L’indien malcommode, Thomas King, éditions du Boréal, 320 pages, 2017