Grandeur nature

Grandeur nature 1000 voyages au coeur du monde sauvageIllustré de photographies renversantes, ce beau livre vous entraîne à travers les paysages les plus grandioses, où la nature s’exprime à l’état sauvage. Qu’il s’agisse d’aller à la rencontre des okapis dans le parc national des Virunga, de savourer la paix dans une forêt de séquoias géants en Californie, d’observer lynx et loups en Slovaquie ou de faire une randonnée entre les villages des Cinque Terre, Grandeur nature est le guide ultime de l’authentique globe-trotteur. 1000 lieux pour partir à la découverte de notre magnifique planète et saisir l’importance de préserver la biodiversité. 1000 idées de voyages pour admirer dans leur habitat naturel les animaux, les arbres et les plantes les plus spectaculaires.

Grandeur nature est un ouvrage en couleurs, sur papier glacé, construit sous forme de « bucket list ». C’est d’ailleurs son titre en anglais: The Bucket List: nature. Je dois avouer qu’au départ, le format m’a un peu déstabilisée. Je trouvais qu’il manquait d’informations, que les entrées pour chaque chiffre de la liste sur 1000 étaient trop courtes. Puis, après quelques pages, je me suis littéralement prise au jeu et j’ai beaucoup aimé ce très beau livre, qui donne envie de découvrir la nature sauvage d’ici et d’ailleurs.

Il faut dire tout d’abord que les photos de cet ouvrage sont époustouflantes. De quoi nous transporter et nous faire rêver. C’est d’ailleurs à un voyage à travers le monde que nous invite Kath Stathers. Le livre est divisé en cinq grands chapitres couvrant le monde entier:

  1. L’Amérique du Nord
  2. Le Mexique, l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud
  3. L’Europe
  4. L’Afrique et le Moyen-Orient
  5. L’Asie, l’Australie et l’Océan Pacifique

Suivent des indications de lieux (souvent générales) et de moments propices à l’observation. Finalement, l’ouvrage est conçu avec un code de couleurs pour faciliter le repérage de ce qui peut vous intéresser: mammifères, monde marin, oiseaux, reptiles, amphibiens, préservation de la nature, insectes et araignées, crustacés et mollusques, plantes et paysages. J’ai aimé que l’auteur prenne en compte la préservation de la nature dans le choix des voyages présentés. Elle invite d’ailleurs les gens à se renseigner à l’Union internationale pour la conservation de la nature avant d’entreprendre une aventure.

J’ai particulièrement aimé le choix éclectique des expériences présentées dans cet ouvrage. Il y a des choses que j’ai pu voir, même près de chez moi, alors que les lieux mentionnés étaient ailleurs. Beaucoup de parcs nationaux sont proposés comme lieux d’aventure ainsi que de nombreux endroits en lien avec la conservation des espèces.

Les expériences sont aussi variées que de repérer un ours polaire sous le soleil de minuit en Norvège, parcourir une forêt composée d’un seul arbre en Utah, observer des champignons saigner (!) en Oregon, aider à la réintroduction des bisons en Alberta, s’émerveiller devant les tapis lumineux des lucioles dans les Great Smoky Mountains, apprécier les motifs insolites de l’insecte Picasso au Ghana, visiter une grotte éclairée par des vers luisants en Nouvelle-Zélande, découvrir le plus grand papillon de nuit du monde en Malaisie, vivre un safari floral en Afrique du Sud, passer un moment avec les gardiens de rennes en Mongolie, voir le sol d’une forêt devenir violet en Allemagne ou observer des saucisses pousser dans un arbre au Mozambique!

Grandeur nature est vraiment le genre de livre qu’on a envie de garder à portée de main ou de laisser sur une table en évidence, pour que les gens puissent le feuilleter et rêvasser un peu. Il couvre tellement de pays et de sortes d’expériences différentes qu’il y en a forcément pour tout les goûts.

C’est un vrai plaisir pour les yeux!

Grandeur nature: : 1000 voyages au cœur du monde sauvage, Kath Stathers, éditions Hurtubise, 416 pages, 2019

Portages

Portages photoLes portages de Louis-Thomas Plamondon, à pas feutrés dans le brouillard, les plaines et les sentiers de branches, dissimulent des moments de présences au monde aigües et sculpturales. Se porter, c’est s’élever, se tenir éveillé et attentif aux instants de grâce. Portages, ce sont autant d’hymnes finement ciselés qui enregistrent l’existence de situations simples, précises et particulières, toutes en étroite relation avec la nature et l’animalité. Chacun de ces tableaux vivants est une méditation, le fruit d’un rituel de poésie et de conscience. Les mots et les affections se propagent dans tout le corps, innervant jusqu’au bout des doigts, jusqu’au bout des lèvres, à cette frontière lumineuse où se rencontrent le corps et le monde.

Portages de Louis-Thomas Plamondon est un recueil de courts poèmes qui capturent de petits moments de beauté. L’auteur a une belle façon d’entremêler les mots. Il se sert de la nature pour mettre en lumière des instants méditatifs.

Sa poésie se présente, pour moi, comme une multitude d’images qui suscitent réflexion et amène un sentiment de calme et de lenteur. Ce n’est pas une poésie qui est axée sur l’émotion mais plus sur l’instant présent, un peu comme le ferait une photographie. C’est la capture d’un instant, d’une image et d’une réflexion. Chaque poésie est une fenêtre, une vision de la nature, une forme de méditation.

« chapelle au réveil
un soleil étale

esquille la pierre des murs
des débris au sol essaiment le froid
derrière un tas de planches
un chien au poil gommé »

Ce premier recueil de poésie est une belle publication, qui me donne l’impression que l’auteur n’a pas tout dit et qu’il pourrait nous surprendre dans le futur. Son recueil se lit très facilement, les mots sont fluides et les images que les textes provoquent se rapprochent de la méditation. Je n’ai pas senti de thème global du recueil ou d’histoire derrière le texte. C’est plutôt une forme de poésie qui frôle la contemplation et nous force à nous arrêter, des instantanés de ce qui se présentent à l’auteur.

Personnellement, j’aime la beauté de sa plume et les images que l’auteur réussit à provoquer. Par contre, je me sens souvent plus interpellé par une poésie qui vient me chercher dans une émotion précise, avec un thème principal, et qui m’amène à vivre cette émotion. Ici, le recueil nous transporte plutôt dans un monde de beauté et d’instants fugaces, capturés par les mots. C’est une lecture que j’ai trouvé intéressante, car l’expérience était différente de mes lectures habituelles. C’est un recueil qui m’a fait sortir de ma zone de confort. C’est la beauté des mots et des images qui prend toute la place. Je crois que c’est ce que l’auteur a tenté de faire avec Portages. Et de ce point de vue, c’est réussi.

Portages, Louis-Thomas Plamondon, éditions La Peuplade, 112 pages, 2019

Le livre du Lykke

livre du lykkeDe Dubaï à Rio, Meik Wiking explore et collecte tous les facteurs de bonheur pour nous permettre de nous les réapproprier – ou du moins, de nous en inspirer.
De combien d’argent doit-on disposer pour être heureux ? Quel est le rôle de l’éducation ? Et celui de la famille ? Celui du travail, et de l’égalité entre femmes et hommes ? Une étude globale, visionnaire, par le président de l’Institut de recherche sur le bonheur.

J’aime beaucoup l’auteur Meik Wiking, dont j’avais adoré Le livre du hygge, qui m’a apporté beaucoup dans ma façon de voir mon quotidien. C’est grâce à lui que j’ai acheté des bougies, que j’ai appris à ralentir et que je décore ma maison avec beaucoup de choses trouvées dans la nature au fil des saisons. L’esprit du hygge trouve un grand écho chez moi. Je suis aussi Meik Wiking sur les réseaux sociaux. J’aime sa philosophie et lorsque j’ai vu qu’il avait écrit un livre présentant un « tour du monde des gens heureux » j’ai eu envie de le découvrir.

Lykke est le mot danois pour « bonheur ». Avec cet ouvrage, construit de façon similaire au Livre du Hygge, Meik Wiking présente en neuf chapitres ce qui constitue le bonheur aux yeux des gens de partout dans le monde. Comment mesure t-on le bonheur? De quelle façon arrivons-nous à quantifier ce qui est à la fois très personnel et très subjectif? L’auteur tente d’expliquer la façon dont on réussit à mettre en lumière ce qui est récurrent dans la recherche du bonheur. Il aborde plusieurs aspects allant de la bonté à la confiance, de l’argent à la santé et à la liberté et le fait de vivre ensemble.

« Il s’agit de juger nos sociétés non par le succès de ceux qui finissent premiers, mais par notre capacité à relever ceux qui tombent. »

Dans cet ouvrage sur le bonheur, l’auteur retrace plusieurs initiatives qui apportent de la joie dans une communauté. Par exemple, le restaurant Robin des Bois à Madrid qui offre, la nuit venue, des repas gratuits pour les sans-abris. La Colombie qui crée des espaces publics pour que les gens puissent marcher en toute quiétude sur une quantité de voies piétonnes. Certains particuliers ont fondé des mouvements pour aider les gens (The Free Help Guy), partager des moments de bonheur (Fucking Flink) ou inciter les gens à devenir des ambassadeurs de la gentillesse (Random Acts of Kindness Activist). Sans parler de petits gestes qui font du bien à l’âme, comme cette laine et les aiguilles à tricoter trouvées dans un cabinet médical, incitant les gens à avancer l’écharpe pendant leur attente, pour l’offrir à une personne dans le besoin quand elle sera terminée.

À chaque fin de chapitre, l’auteur récapitule de belles initiatives partout dans le monde pour un quotidien plus doux et axé sur l’humain. Je trouve que c’est très inspirant! L’auteur parle aussi de Thoreau, de Tolkien et des bains de forêt nommés plus communément Shinrin-yoku.

On peut aussi offrir et recevoir des moments de bonheur avec de petits gestes simples. Partager un bon repas tous ensemble, prendre le temps de vivre, se déconnecter du monde virtuel et numérique pour vivre plus pleinement, associer des choses et des achats à des expériences, profiter de la nature pour être plus serein.

« La richesse ce n’est pas de posséder beaucoup, mais de désirer peu. »

Avec Le livre du Lykke, même si le propos est différent de son premier ouvrage (quoique pas si éloigné de l’esprit du Hygge) j’y ai retrouvé l’essentiel de ce qui m’avait plu dans le premier livre de Meik Wiking. Sa simplicité et son humour qui fonctionne très bien je trouve.

« Les Danois sont les descendants directs des Vikings, et nous adorons regarder des trucs brûler: des feux de joie, des bougies, des villages. Tout est bon. »

Dans son livre, il aborde un sujet universel chez l’humain: la quête du bonheur et ce qui nous rend heureux. J’ai toujours pensé qu’un monde plus bienveillant et plus gentil était la base du bonheur. Wiking me donne plutôt raison. Le livre du Lykke fait beaucoup de bien. C’est une lecture totalement inspirante!

Le livre du Lykke, Meik Wiking, First édition, 285 pages, 2018

Les filles de Salem

filles de salemUne plongée passionnante et terrifiante dans l’univers étriqué et oppressant de la colonie de Salem, en Nouvelle-Angleterre, au 17e siècle. Un village dont le nom restera tristement célèbre pour l’affaire dite des « Sorcières » qu’Abigail nous raconte, elle qui, à 17 ans, fut une des victimes de l’obscurantisme et du fanatisme religieux à l’oeuvre. Tout commence quand un jeune garçon lui offre un joli petit âne en bois sculpté…

Abigail est une toute jeune fille lorsque les événements de Salem surviennent. Les filles de Salem s’inspire de l’histoire d’un village colonial tristement connu pour sa « chasse aux sorcières ». Ici, l’auteur choisi de nous raconter la vie d’un village sous l’emprise d’un révérend halluciné qui tenait ses villageois par la peur. Arrivées à l’âge où elles deviennent fertiles, les filles doivent ignorer les hommes, baisser la tête et sont contraintes à suivre un certain mode de vie au quotidien en laissant de côté leur liberté. Abigail vit difficilement ce changement dans sa vie. C’est au moment où elle reçoit un petit âne en cadeau de Peter que ses problèmes commencent. Elle n’a pas l’autorisation d’accepter de cadeaux d’un jeune homme, ni de lui parler. On juge alors l’évolution de sa féminité et si elle est à risque d’attirer le regard et d’éventuellement tomber enceinte, on la garde à l’écart.

L’histoire a conservé la traces d’attaques amérindiennes à l’époque, mais la BD présente un beau personnage autochtone qui se liera d’amitié avec Abigail, au mépris de toutes les conventions. Parce qu’à cette époque, parler avec l’un d’eux mène directement en enfer. Les filles de Salem est en fait l’histoire d’une paranoïa reliée à la religion et aux idées lourdes véhiculées par le révérend. Un révérend fou, manipulateur, qui se prend pour Dieu, qui abuse de son pouvoir et des croyances des villageois.

Le village est en proie à des épisodes de famines et à de grandes difficultés. C’est alors une « occasion » pour le révérend de jouer avec la peur des villageois. Il annonce que c’est le diable qui leur tombe dessus. Si le Seigneur ne les aide pas, c’est qu’ils sont fautifs et font des choses qui ne lui plaisent pas.

La paranoïa devient tellement intense que les délations et la peur de tout et de chacun, deviennent des outils pour condamner les gens, principalement les femmes, et les amener sur le bûcher. La religion amène l’hystérie dans la colonie. Le juge qui doit trancher dans les condamnations s’acharne sur les plus vulnérables de la société. Cette BD est émouvante et les images parlent énormément d’elles-mêmes. L’auteur réussit à transmettre énormément d’émotions à travers la narration des horreurs que les filles de Salem ont vécu.

Les filles de Salem est une excellente bande dessinée qui nous apprend une partie de l’histoire de cette époque, même si l’auteur prend quelques libertés avec l’histoire d’origine. C’est une BD abordable, qui pourrait aussi être lue autant par les adultes que les adolescents et qui se concentre essentiellement sur le personnage d’Abigail et de ceux qui évoluent autour d’elle. L’auteur en fait une personne plus sympathique que les traces que l’histoire a gardé d’elle. Le format BD m’a beaucoup plu pour ce type d’histoire.

Le texte et le dessin sont à mon avis parfaits pour transmettre les émotions reliées à ce que cette communauté, à l’époque, a pu vivre. C’est une excellente lecture pour comprendre à quel point l’hystérie collective, le fanatisme religieux et l’ignorance peuvent prendre une ampleur terrifiante.

Les filles de Salem a été pour moi une lecture coup de cœur. Avant d’ouvrir le livre, j’aimais déjà beaucoup le dessin, mais je ne m’attendais pas à l’apprécier autant. C’est donc une très belle découverte que je vous conseille fortement.

Les filles de Salem, Thomas Gilbert, éditions Dargaud, 200 pages, 2018

Terminal Grand Nord

terminal grand nordAvril 2012. Les corps de Natasha et de sa sœur Gina sont retrouvés aux abords d’un sentier de motoneige de Schefferville. L’inspecteur Émile Morin, dépêché sur place par un gouvernement qui craint le scandale, a beau fouiller, personne ne se rappelle avoir croisé les deux jeunes Innues originaires de Maliotenam, quelques centaines de kilomètres plus au sud. Devant une situation où s’entremêlent des réalités culturelles, sociales et politiques complexes, se frayer un chemin vers la vérité n’est pas chose simple. L’inspecteur emmène donc avec lui son bon ami l’écrivain Giovanni Celani, un habitué de la région, pour l’aider à naviguer dans le climat de tension de cet ancien eldorado minier. Leurs théories seront constamment ébranlées par les phrases cryptiques de Sam, un Innu de la réserve voisine, philosophe à ses heures et gardien des secrets de chacun. Alors qu’émergent regrets et demi-vérités, l’inspecteur Morin devra trouver à qui s’allier pour empêcher que l’horreur ne se répète.

Terminal Grand Nord aborde un thème criant d’actualité: les crimes ou les disparitions de femmes autochtones et l’injustice dans les procédures judiciaires ou gouvernementales.

La construction du roman est assez intéressante, passant d’un personnage à un autre, changeant de narrateur au fil des pages. On a également droit à des extraits d’émissions de radio, de courriels et d’échanges divers entre les personnages. Ça m’a rappelé un peu les romans de Jean-Jacques Pelletier. Les chapitres sont courts et l’intrigue avance donc rapidement.

L’histoire se rapporte plutôt au roman noir qu’au roman policier. Même si les enquêteurs se mobilisent pour résoudre la disparition des deux jeunes filles, c’est principalement l’aspect social et politique de ce monde fermé qu’est une ville comme Shefferville qui est abordé.

« En hiver, la nuit dure toute la journée ou presque, c’est surréel. On dirait que le train arrive sur la lune, mais pour être exact, il arrive au beau milieu de nulle part. C’est tellement perdu qu’à moins de voler ou de marcher pendant des jours pour voir ses semblables, on est pris ici. Aucune route ne se rend à Schefferville. Je me suis toujours demandé si c’était parce qu’on n’en valait pas la peine. »

Un détail qui a joué dans mon choix de lecture pour ce livre c’est qu’il se déroule en hiver. Les lieux sont assez rudes et j’ai adoré le contexte décrit dans le roman. Il fait froid, il neige, les descriptions hivernales et la température jouent un rôle dans la difficulté pour les enquêteurs à faire leur travail. La tristesse des parents des deux filles disparues est très poignante et certains chapitres sont aussi très beaux et très humains, ce qui contraste avec l’injustice et la violence latente qui se produit en silence.

« -Vous pensez que ces filles pourraient dénoncer les policiers qui ont abusé de leur pouvoir?
-Êtes-vous fou? Pensez-y deux secondes. On est enfermés ici. Si tu dénonces une police, tu vas aller t’adresser à son chum police. Qu’est-ce qu’il va faire? Il va venir t’intimider. C’est de même que ça fonctionne. Personne fait confiance à personne. Ça fait que les filles, elles endurent pis, pour endurer, ben elles boivent encore plus. Un vrai cercle vicieux. »

Le point négatif que j’ai trouvé à ce roman, c’est le choix d’ajouter les notes et réflexions du personnage de Giovanni. Par moments, c’est lui qui parle et raconte. J’ai été beaucoup moins réceptive à son histoire, qui ne m’intéressait pas vraiment. Parti il y a treize ans en laissant tout derrière lui, il accompagne l’inspecteur Émile Morin sur les lieux de l’enquête, ce dernier espérant faciliter son arrivée dans ce microcosme. Je l’avoue, ce personnage m’a beaucoup moins intéressée que le travail (et le personnage) d’Angelune par exemple ou que d’autres personnages. J’ai préféré l’histoire de Sam que j’ai adoré. C’est d’ailleurs un personnage plutôt marginal et différent, qui lit Machiavel dont on retrouve plusieurs citations au début des chapitres. Sam m’a d’ailleurs beaucoup plu avec sa propension à avoir réponse à tout et à se mêler de ce qui se passe autour de lui.

« -Qu’est-ce que tu fais à Schefferville, Sam?
-J’observe le temps.
-Tu veux dire que tu le perds?
-C’est ton interprétation de la chose. Toi, tu penses que tu perds pas le tien? Depuis hier, tu te démènes comme un bon. L’efficacité des Blancs. Je vous appelle « les grouillants ». « 

Le roman est parfois un peu brut et certains dialogues moins fluides, mais c’est un premier roman qui est plutôt réussit, avec lequel j’ai passé un bon moment de lecture. L’enquête est intrigante et on tient à savoir ce qui a pu se passer avec les deux jeunes filles. Les lieux et le fait que l’histoire se déroule dans une sorte de huis-clos créé par l’effet de « village » m’a beaucoup plu. L’aspect social qui colle beaucoup à l’actualité est sans doute le point fort du roman.

« -Vous sous-entendez que c’est notre système qui a créé ces monstres?
-Non, je dis que les proies sont tombées dans le piège des monstres, comme vous les appelez, parce que tout un système les y ont amenées. »

Avec Terminal Grand Nord, Isabelle Lafortune nous offre une incursion dans un monde refermé sur lui-même, isolé. Une société qui vit à l’écart et où les secrets grandissent dans l’ombre…

Terminal Grand Nord, Isabelle Lafortune, XYZ éditeur, 347 pages, 2019

Un billet pour nulle part

un billet pour nulle partUne fillette quitte son village accompagnée de son alter ego, une petite flamme noire à la personnalité abrasive. Alors qu’elle s’apprête à prendre d’assaut la route, elle se rend compte que l’aventure risque d’être plus périlleuse que prévue: chaque autobus qui s’arrête devant elle transporte des personnages à l’allure singulière, parfois inquiétante, qui la feront craindre le voyage.

Cette bande dessinée est une bien jolie découverte. Le dessin est tout en douceur, en plus d’avoir un petit quelque chose qui rappelle à la fois le manga et la BD plus traditionnelle. C’est délicat tout en étant expressif et ça m’a beaucoup plu.

L’histoire d’Un billet pour nulle part est celle d’une fillette qui part en voyage. Elle va à la gare attendre son bus. La bande dessinée est divisée en trois sections qui correspondent à des heures de passage de différents autobus: 9h00, 13h00 et 16h00. Chaque autobus est une métaphore de notre vie effrénée: l’omniprésence du travail et des écrans; les plaisirs futiles et les abus qui nous amènent à ne plus être nous-même; le manque de couleurs, de saveur et d’originalité de nos vies qui nous poussent à être « tous pareils » et à cultiver cette normalité au détriment de l’imagination.

J’ai trouvé le propos de cette histoire très original à cause de la façon dont l’auteure l’aborde. L’autobus est une métaphore au voyage que représente la vie.

« Si tous les voyages pouvaient être comme celui-là! »

On ne peut s’empêcher de voir dans cette BD un brin enfantine, une métaphore sur la vie et la société. Chaque train nous montre un aspect de notre vie quotidienne, bien souvent inquiétante. La décision finale de la fillette, après être descendue du dernier bus, démontre que la grande richesse et l’aventure se situe bien souvent en nous-même.

Une bande dessinée fantastique et intelligente qui nous pousse à la réflexion sur notre mode de vie. Une bien belle publication!

Un billet pour nulle part, Nunumi, éditions Front Froid, 92 pages, 2019