
L’éternité n’empêche pas l’impatience : Noam cherche fougueusement celle qu’il aime, enlevée dans de mystérieuses conditions. L’enquête le mène au Pays des Eaux douces — la Mésopotamie — où se produisent des événements inouïs, rien de moins que la domestication des fleuves, l’irrigation des terres, la création des premières villes, l’invention de l’écriture, de l’astronomie. Noam débarque à Babel où le tyran Nemrod, en recourant à l’esclavage, construit la plus haute tour jamais conçue. Tout en symbolisant la grandeur de la cité, cette Tour permettra de découvrir les astres et d’accéder aux Dieux, offrant une véritable « porte du ciel ». Grâce à sa fonction de guérisseur, Noam s’introduit dans tous les milieux, auprès des ouvriers, chez la reine Kubaba, le roi Nemrod et son architecte, son astrologue, jusqu’aux pasteurs nomades qui dénoncent et fuient ce monde en train de s’édifier. Que choisira Noam ? Son bonheur personnel ou les conquêtes de la civilisation ?
Après avoir lu et beaucoup aimé Paradis perdus, j’avais bien hâte de me plonger dans La porte du ciel. Ce livre est le second tome de l’imposante saga en cours d’écriture d’Éric-Emmanuel Schmitt, un auteur que j’adore. La série peut paraître impressionnante, puisqu’elle comportera huit tomes, mais la lecture est vraiment intéressante et on lit ces pavés sans réaliser le nombre de pages, tellement le projet est captivant. Réaliser un portrait de l’histoire de l’humanité sous forme de roman est colossal.
« Le monde n’avait pas trouvé qu’un miroir dans l’écriture, il y avait gagné des portes, des fenêtres, des trappes, et des pistes d’envol. »
Avec ce livre nous retrouvons Noam, doté d’immortalité, qui est à nouveau séparé de son amoureuse Noura. Parti à sa recherche et voyageant dans le temps, il découvre cette fois encore une nouvelle période de l’humanité et il doit s’y adapter puisqu’il ne provient pas de cette époque. En lien avec l’histoire de la tour de Babel, ce roman raconte le début de certaines civilisations, la confrontation avec l’esclavage, les débuts de l’écriture, les langues.
« Hélas, je passais le reste du temps en enfer. Aurais-je résisté privé de félicité domestique? J’affrontais des jours noirs chez les esclaves. Jamais je n’avais rencontré pareille misère, sans doute parce qu’elle faisait irruption dans l’histoire du monde… »
Noam devient un guérisseur, il y est donc question de botanique et de médecine également. Axé sur le savoir, la botanique, les plantes et l’apprentissage, le roman parle beaucoup d’histoire. C’est le début des grandes maladies comme le choléra et Noam se questionne en tant que guérisseur, pour réussir à comprendre et à trouver des remèdes. C’est intéressant car on découvre les époques et les découvertes qui ont été faites dans plusieurs domaines. Certaines notes de bas de pages offrent aussi un complément historique à ce qui se déroule dans le roman. C’est l’évolution de l’humanité que raconte l’auteur, celle des premières découvertes, de l’élaboration des villes et des premières grandes innovations qui ont changé la face du monde.
« Je parvins ainsi à sauver de plus en plus de vies. Roko, qui m’accompagnait, m’imitait et s’approchait avec compassion des égrotants. Il les regardait, il gémissait, donnant l’impression d’aspirer leur douleur. Il léchait certaines plaies. Les premières fois, il intervint sans que j’y prêtasse attention tant que je démenais, donc je ne l’en empêchai pas. Bien m’en prit! On me rapporta peu après que mon chien me concurrençait: des blessures avaient accéléré leur cicatrisation, des infections de peau avaient diminué, le bruit courut même qu’un enfant famélique dont il avait effleuré les paupières s’était remis à voir. On l’appela le « chien guérisseur ». »
Si le premier tome comportait peut-être un peu plus de rebondissements, j’ai pour ma part adoré celui-ci puisque l’histoire, les connaissances, l’apprentissage en général, les nouvelles technologies de l’époque et le développement du savoir humain sont beaucoup plus détaillés dans ce roman. On y apprend une foule de choses, on suit avec intérêt les découvertes de Noam et on apprend, tout comme lui, comment l’humanité s’est développée. Dans ce second volume, Noam va en apprendre plus sur les raisons de son immortalité. Sa position devient dangereuse et il doit se protéger pour sauver sa vie.
Comme dans le premier tome, les liens bibliques me semblent présents surtout pour faire une liaison entre les époques et marquer l’histoire de l’humanité. On retrouvait l’histoire du déluge dans le premier tome et ici, la construction de la tour de Babel. Toutefois, il s’agit vraiment d’une réécriture sous forme de roman. L’auteur puise son inspiration dans les textes sacrés, l’histoire et la science. Le résultat est vraiment intéressant. On reste avec un même noyau de personnages, mais comme on change d’époque, on suit l’évolution de l’humanité et on découvre de nouveaux personnages.
« Il y a deux sortes d’humains: les arbres et les cailloux. Les arbres existent par leurs racines, les cailloux roulent d’eux-mêmes. L’arbre pousse dans la forêt, entouré des autres, et s’étiole sitôt qu’il quitte sa terre. Le caillou dévale les chemins selon sa propre dynamique; si un obstacle l’arrête, il repart et ne s’immobilise qu’au plus bas. J’appartenais aux cailloux, Saul aux arbres. Je voyageais, il se perdait. Je cherchais, il regrettait. »
Un deuxième tome réussi qui me donne assurément envie de poursuivre la saga et de lire bientôt le troisième tome. Il m’attend d’ailleurs dans ma pile et cette fois il aborde la civilisation Égyptienne. Ça semble très prometteur! Schmitt est un auteur que j’adore et on sent que son travail de recherche est soigné. Sa plume est toujours agréable à lire, ses mots sont choisis avec soin. Ne vous laissez pas rebuter par ces pavés qui semblent imposants. L’histoire en vaut le détour.
Une très bonne lecture pour ma part et une série originale et documentée que je ne peux que vous conseiller.
La Traversée des temps t.2: La Porte du ciel, Eric-Emmanuel Schmitt, éditions Albin Michel, 576 pages, 2021