Le grand livre des dinosaures

grand livre des dinosauresDisparus d’une manière aussi soudaine que fracassante, les dinosaures comptent parmi les animaux les plus incroyables ayant jamais existé. Découvrez tout sur les dinosaures à travers les âges: leurs différents habitats, leurs régimes alimentaires, leurs moyens de défense et tant d’autres choses, depuis les premières créatures préhistoriques jusqu’à l’essor des mammifères. Réunissant des centaines de données fascinantes et plus de 1000 images d’un réalisme époustouflant, Le grand livre des dinosaures propose un voyage unique et captivant dans l’environnement des débuts de la vie sur Terre.

J’ai toujours été une grande fan de dinosaures. Lorsque j’étais petite, je prenais plaisir à dessiner et reproduire les différents dinosaures à partir des livres que je pouvais trouver à la bibliothèque. En 1993 il y a eu la sortie du Parc Jurassique au cinéma et ce fut une révélation. Ma passion des dinosaures ne s’est jamais démentie et aujourd’hui encore je prend plaisir à lire et découvrir ce qui se publie sur le sujet.

Le grand livre des dinosaures m’a accompagnée pendant plusieurs semaines. Je lisais un chapitre de temps en temps et j’y retournais régulièrement. Le livre est ainsi divisé qu’il peut permettre une lecture sur le long terme tout autant qu’une lecture plus soutenue. Pour ma part, je découvrais un chapitre de temps en temps et j’ai aimé que ce livre m’accompagne pendant un petit moment.

Le livre est très complet et offre un large survol de toutes les espèces de dinosaures au fil des découvertes et des différentes périodes de l’histoire. Les premières pages se consacrent à l’explication de la chronologie de la vie, son origine, la découverte des fossiles, l’évolution et les grandes périodes d’extinction, ainsi que le dinosaure, son squelette, sa constitution et ce qu’il est réellement.

L’ouvrage est ensuite séparé par périodes, puis par genres de dinosaures. Ce qu’il y avait avant l’arrivée des dinosaures, jusqu’à leur apparition sur Terre. Le livre consacre une large portion à l’âge des dinosaures avec de nombreux chapitres consacrés aux différentes espèces ainsi qu’à leurs particularités: leurs crêtes colorées, les empreintes, les queues, les piquants, les bras, etc. Viennent ensuite les chapitres abordant l’évolution des dinosaure et l’essor de nouveaux animaux: l’envol des dinosaures, les ptérosaures, le monde marin, l’essor des mammifères. Un glossaire complète l’ouvrage ainsi qu’un index.

Tout au long du livre, on retrouve des encadrés explicatifs mettant en relief par exemple, une échelle de grandeur du dinosaure à l’humain. Même chose pour des détails entourant les squelettes ou les comparaisons entre deux espèces. Ces encadrés permettent de mieux visualiser les informations et de replacer dans le contexte les différentes espèces et leurs caractéristiques. Des échelles chronologiques explicatives ainsi que des cartes et des graphiques donnant des détails image par image (par exemple sur la formation des fossiles) aident à mieux comprendre le contexte de l’évolution des espèces et leurs trouvailles archéologiques.

Si le livre s’adresse d’abord aux jeunes, les adultes y trouverons leur compte. L’ouvrage est complet, coloré et invitant. Les illustrations sont magnifiques. Le livre nous explique avec simplicité l’évolution du monde jusqu’à nous et la grande place des dinosaures dans l’histoire de la terre. Le monde était alors aussi riche et varié qu’il l’est aujourd’hui, quoique totalement différent et c’est ce qui est intéressant de découvrir.

De mon côté j’ai appris énormément d’informations dont j’ignorais l’existence. Par exemple, plusieurs des premiers oiseaux avaient des dents, ainsi que des griffes en haut des plumes. Les oiseaux ont d’ailleurs été les seuls à survivre à l’extinction massive et ils ont évolué pour devenir les oiseaux d’aujourd’hui. Saviez-vous que l’Hadrosaurus est le premier dinosaure à avoir été trouvé en Amérique du Nord? Que l’Edmontosaurus avait plus de 1000 dents? Que le Patagogitan avait un poids équivalent à celui de douze éléphants? Que le panache du Megaloceros, un cerf géant, faisait deux fois la taille de celui d’un orignal? Et que les plus vieux animaux connus piégés dans de l’ambre sont morts il y a 230 millions d’années!

Le grand livre des dinosaures est un vrai plaisir de lecture, puisqu’on y découvre une quantité d’informations inconnues sur ceux qui ont vécu sur terre avant nous et qui sont les ancêtres dans l’évolution, de la faune qui vit aujourd’hui. C’est un beau livre passionnant, que je ne peux que vous conseillez, tant son contenu aussi intéressant que visuellement très attrayant!

Le grand livre des dinosaures, John Woodward, éditions Hurtubise, 208 pages, 2019

Le site archéologique du palais de l’intendant à Québec

Site archéologique du palais de l'intendant à QuébecL’îlot des Palais est un site archéologique complexe qui a connu de nombreuses occupations contemporaines et successives. Il est considéré comme un haut lieu de l’histoire de la Nouvelle-France, plus particulièrement à cause de la présence des vestiges de la brasserie de l’intendant Jean Talon et du palais de l’intendant. Entre 1982 et 2016, l’Université Laval a tenu 25 chantiers-écoles à l’îlot des Palais, et la Ville de Québec y a réalisé deux campagnes de fouilles intensives. Ce livre s’appuie sur un ensemble inestimable de données et une vaste collection archéologique, parmi les plus riches en Amérique du Nord pour l’histoire de la Nouvelle-France. Il fait revivre le lieu par l’entremise de vestiges, d’objets, et de restes animaux et végétaux, à la lumière des contextes archéologiques et historiques. Il dévoile ainsi le vaste réseau de relations que ses occupants entretenaient avec l’environnement naturel, la ville et le reste du monde.

Quel ouvrage magnifique! Ce très beau livre regorge de photos qui parlent d’elles-mêmes et racontent notre histoire au même titre que le texte qui accompagne les images. C’est un vrai plaisir pour le lecteur que de visiter le site archéologique, de comprendre l’évolution du mode de vie des gens, de l’aspect économique et social, de la géographie des lieux. Passionné par l’histoire du Québec, cet ouvrage m’a fortement plu puisqu’il nous plonge dans le quotidien des gens qui ont vécu avant nous.

Ces fouilles ont permis à l’équipe d’archéologues de découvrir plein de choses sur la vie quotidienne, de reculer dans l’histoire et de comprendre la façon dont les gens vivaient au palais de l’intendant et dans la région. L’ouvrage raconte le détail des fouilles archéologiques réalisées, la découvertes des objets et les recherches autour de cette époque qui permettent également de comprendre les matériaux utilisés et de reconstruire la vie autour du Palais de l’Intendant. On comprend beaucoup mieux l’évolution de cette région jusqu’à nos jours.

L’ouvrage nous parle également du passage des différents intendants qui ont habité au Palais. Par exemple, l’un d’entre eux avait un faible pour tout ce qui venait d’Égypte. Des recherches archéologiques démontrent son goût pour ces amulettes. On y aborde, en plus des trouvailles et de l’aspect historique, de nombreux détails entourant le travail archéologique, les chantiers, la préservation et la gestion des artéfacts.

C’est un livre qui ne s’arrête pas qu’aux découvertes archéologiques. Les auteurs construisent autour de ces découvertes, l’histoire entourant les gens, les lieux, les objets.  On revit entre autres, la dualité entre les anglais et les français de l’époque. On voit l’évolution des objets, par exemple des pipes en argile ou des dominos creusés dans l’os, les boutons, la monnaie, l’armement, la vaisselle. À partir de ces objets, on peut découvrir leur lieu de fabrication et en comprendre plus sur les échanges commerciaux de l’époque. Des squelettes d’animaux et d’insectes ont également été découverts, ainsi que les fosses à déchets qui permettent de mieux saisir le quotidien des gens, leur nourriture et leur mode de vie.

« Le botaniste finlandais Pehr Kalm écrit dans on journal de voyage datant de 1749 que l’on nettoie les maisons avec des balais de fabrication autochtone faits de rameaux de thuya ou de cèdre blanc, à l’exclusion de tout autre arbre. Il ajoute qu’on lave le plancher en y jetant un peu d’eau, mais qu’il n’a jamais assisté à un vrai lavage du sol. Il remarque de plus l’abondance des punaises de lit, tant en ville qu’à la campagne. »

Le livre présente aussi beaucoup de croquis d’époque, de plans dessinés qui permettent de visualiser cette période de l’histoire et de mieux appréhender les lieux. Il y a également des reproductions d’artistes qui représentent les événements marquants. Une liste de dates concernant les événements majeurs des lieux nous apprennent une foule de choses sur les changements importants pour la communauté.

La fin du volume s’attarde sur les vestiges de l’industrie de la bière à Québec, la brasserie Boswell étant présente sur le terrain de l’îlot des Palais. Elle connaissait à l’époque une forte prospérité. Les avantages sociaux et les activités organisées pour les employés étaient enviables, même si l’ouvrage était très dur. Le contexte social était difficile à l’époque, tant au niveau des soins de santé que des loisirs. La pauvreté et la mortalité infantiles étaient monnaie courante. La brasserie offrait des avantages que l’on ne retrouvait pas ailleurs. Des images et des objets retrouvés sur le site démontrent que même les enfants étaient aussi employés dans certaines usines, comme celles de chaussures par exemple. Ces découvertes sont importantes et vraiment passionnantes.

Revisiter notre histoire à travers ce bel ouvrage permet de mieux comprendre le mode de vie de nos ancêtres. Connaître son histoire permet de mieux appréhender le futur. Tout l’aspect archéologique de ce livre est vraiment fascinant et passionnant. En couleurs, avec de nombreuses photos et reproductions, le livre est un fabuleux cadeau à offrir ou à s’offrir, pour les passionnés d’histoire ou d’archéologie.

Une fabuleuse lecture!

Le site archéologique du palais de l’intendant à Québec, Camille Lapointe, Allison Bain et Réginald Auger, éditions du Septentrion, 186 pages, 2019

Moving Forward t.2

moving forward 217 janvier 1995, Kobé. Kuko n’est encore qu’un nourrisson. Ce matin-là, alors que son père quitte le foyer pour se rendre au travail, l’irrémédiable se produit. Un terrible séisme se produit, qui marquera à jamais l’histoire du Japon. Mais aussi, et surtout, la vie de Kuko. Désormais adolescente, la lycéenne doit apprendre à vivre, à grandir, à aimer… Mais comment s’éveiller à tous ces sentiments en l’absence d’une mère ?

Après avoir été plutôt déçu du premier tome de la série Moving Forward, j’hésitais à lire le deuxième. Je l’avais déjà sous la main et j’ai eu envie de lui donner une chance. J’espérais vraiment que ce second tome soit mieux que le premier.

L’histoire débutait de façon fort différente du premier livre. L’auteure nous offre une scène assez difficile à travers une image passée. Nous sommes en 1995. C’est le grand tremblement de terre de Kobe. La scène est frappante. C’est ainsi que l’on apprend, dans les toutes premières pages, la façon dont Kuko a perdu sa mère.

Dès la première partie, je trouvais le texte beaucoup plus fluide que dans le tome 1. L’histoire me semblait plus claire, plus définie. Je me suis sentie plus proche des personnages. Puis le langage adolescent un peu fouillis est revenu, les cases pas très claires et cette histoire de sourire qui revient comme un leitmotiv, tout cela m’a ramenée à tout ce qui ne m’a pas plu dans le tome 1. En fait, les personnages sont agaçants et les dialogues, dont je ne comprend pas réellement l’utilité, sont plus lassants qu’autre chose.

Si ce second tome commençait bien, avec l’enfance de Kuko et le deuil auquel elle a dû faire face, j’ai rapidement eu l’impression de ne rien comprendre de ce qui se passait vraiment. Kuko semble amoureuse, mais ce n’est jamais très clair. Les personnages interagissent entre eux d’une drôle de façon, entre non-dits et éclats. Ils peuvent être timides une page avant et se crier des bêtises la page suivante. Je n’en comprends pas l’intérêt. Kuko est un personnage insupportable, qui s’aime, le scande haut et fort, tout en souffrant intérieurement. Le genre de personnage qui m’exaspère.

J’arrête ici cette série qui aurait eu du potentiel, si elle aurait été bien exploitée. L’art dans le premier tome et ici, le séisme de Kobe, auraient pu être des bases intéressantes à développer une histoire plus poétique, plus axée sur l’adolescence. Ici, avec Moving Forward, j’ai plutôt l’impression d’un mélange assez étrange qui n’apporte pas grand chose…

Dommage!

Mon avis sur le tome 1.

Moving Forward t.2, Nagamu Nanaji, éditions Akata, 190 pages, 2017

Là où les lumières se perdent

Là où les lumières se perdentCaroline du Nord. Dans cette région perdue des Appalaches, McNeely est un nom qui ne laisse pas indifférent, un nom qui fait peur, qui fait baisser les yeux. Plus qu’un nom, c’est une malédiction pour Jacob, dix-huit ans, fils de Charles McNeely, baron de la drogue local, narcissique, violent et impitoyable. Amoureux de son amie d’enfance, Maggie, Jacob n’a guère l’occasion de se montrer romantique. Il est le dauphin, il doit se faire craindre et respecter. Après un passage à tabac qui tourne mal, Jacob se trouve face à un dilemme : doit-il prendre ses responsabilités et payer afin d’aller vers la lumière, ou bien s’enfoncer dans les ténèbres en suivant la voie paternelle ?

J’avais très envie de découvrir David Joy depuis un bon moment et je voulais commencer par son premier roman, Là où les lumières se perdent. Le titre est sublime. Je m’attendais à un roman noir, ce que ce livre est bien sûr, mais pas à une aussi forte réflexion sur le poids du destin.

« J’étais un McNeely et, dans cette partie des Appalaches, ça voulait dire quelque chose. Enfreindre la loi était aussi génétique que la couleur des cheveux et la taille. »

« J’avais laissé l’environnement dans lequel j’étais né contrôler ce que j’étais devenu. »

Jacob est le fils d’un dealer de drogue qui camoufle ses magouilles sous toutes sortes de supercheries. Ils vivent ensemble, père et fils, alors que la mère de Jacob vit dans une cabane à l’écart, est accro à la cristal meth et divague la plupart du temps. Le père utilise son garage pour blanchir de l’argent et n’hésite pas une seconde à faire appel à son fils, tout juste sorti de l’adolescence, pour régler leur compte à ceux qui le trahissent. Jacob est un jeune homme auquel on s’attache rapidement. Il ne cadre pas avec la vie que mène son père, même si des années de joug paternel ont encore du pouvoir sur lui. Il rêve de l’ailleurs. Il veut autre chose dans la vie. Il aimerait partir avec Maggie, qu’il aime depuis l’enfance, recommencer une meilleure vie.

« Pendant un moment j’avais été pris dans un rêve, et rêver est génial quand on n’est pas forcé de se réveiller. Mais regarder la lumière derrière moi pour simplement m’enfoncer encore plus avant dans l’obscurité faisait plus mal que ne jamais rêver du tout. »

Quand les choses tournent mal pour Jacob, il questionne la fatalité du destin. Il se noie peu à peu en tentant de garder la tête hors de l’eau. Son père est un personnage terrifiant, terrible, dur et mauvais. Jacob n’a devant lui que le chemin tracé par cet homme qu’il déteste, qui l’effraie, mais qu’il aime quand même un peu, surtout quand il se remémore certains souvenirs où son père n’était alors qu’un homme comme les autres.

« J’ai retourné la bible sur la table de chevet et me suis demandé comment je pouvais être le fils de mon père. Quelqu’un d’aussi mauvais avait ça dans le sang et s’il avait ça dans le sang alors moi aussi. »

La noirceur dans laquelle baigne Jacob est parfois illuminée par le personnage lui-même. Jacob est à peine majeur qu’il doit déjà se battre pour fuir l’ombre. Fuir la violence ou tenter à tout le moins de la supporter. Il a un énorme poids sur les épaules, parce que son rôle est déjà défini, même s’il n’en veut pas. Il observe son père, traiter les autres comme des chiens, tuer ceux qui le dérangent, manquer de respect aux femmes avec qui il s’envoie en l’air. Jacob est différent. Il a encore de la lumière au fond des yeux.

David Joy signe ici un roman noir, cruel et déchirant, tout en offrant à son texte un éclat de lumière. Il y a quelque chose de profondément touchant dans les mots qu’utilise Jacob pour parler de la noirceur, de la lumière, de ce qui rend un homme humain et le différencie de la bête cruelle qu’il peut être. Sa vie cependant, ne va pas dans le sens qu’il le voudrait. Le destin est tragique, il est peut-être tout tracé d’avance et on n’y peut rien. Jacob devra faire avec, même si ses rêves sont à des lieues de ce que lui offre son père. Est-on prisonnier de nos gênes? Du destin? C’est la question que pose en filigrane l’auteur et le personnage de Jacob, plus lucide sur sa réalité que quiconque.

« En cet instant, j’ai compris que ce qui était en train d’arriver était le genre de chose qui ne quittait jamais un homme, le genre de chose qui l’empêchait de rêver pour le restant de sa vie. »

J’ai été émue par ce roman, qui m’a bouleversée, tant la noirceur qui s’en dégage est tout autant éclairée par la lumière qui provient de Jacob, de l’espoir qui l’anime, mais aussi de son sentiment d’impuissance face à la vie. C’est touchant et sombre, avec une petite lumière, au loin. Inatteignable, cette lumière? Peut-être. Il faut lire le roman pour le savoir. Jacob est l’un de ces personnages que l’on n’oublie pas.

Un jeune auteur à découvrir assurément. Je me réjouis d’avoir sous la main son second roman, Le poids du monde. Je le lirai très bientôt!

Là où les lumières se perdent, David Joy, éditions 10-18, 288 pages, 2017

Etta et Otto (et Russell et James)

Etta et OttoEtta, 83 ans, a toujours voulu voir la mer. Un matin, elle enfile ses bottes, emporte un fusil et du chocolat, met le cap à l’est et entame les 3 232 kilomètres qui séparent l’océan de sa ferme en Saskatchewan. Otto, son mari, connaît bien la mer. Il l’a traversée il y a bien des années pour prendre part à une guerre lointaine. Il découvre à son réveil la note que lui a laissée sa femme : J’essaierai de ne pas oublier de rentrer. Il se résigne à accepter la décision de son épouse. Russell, voisin et ami d’enfance d’Otto, ne peut abandonner Etta et part à la recherche de celle qu’il a toujours aimée à distance.

J’avais adoré Les chants du large, le second roman de Emma Hooper. C’est donc avec beaucoup de plaisir que j’ai découvert son premier livre, Etta et Otto (et Russell et James). J’étais aussi curieuse de découvrir qui étaient les personnages du titre et les liens entre eux.

Le roman a pour point de départ Etta qui quitte tout et décide d’aller voir la mer qu’elle n’a jamais vu. Son conjoint demeure à la maison pendant son périple et suit Etta sur une carte et dans les journaux. Elle est suivie par Russell, leur voisin et ami, qui ne peut concevoir qu’elle parte « comme ça ». Il a toujours été secrètement amoureux d’elle. Et il y a James. Ma surprise (et mon sourire) quand j’ai découvert qui il était!

Le roman alterne entre l’instant présent, la façon dont Etta voyage, la façon dont Otto passe le temps (il apprend à cuisiner et bricole) pendant l’absence d’Etta et la façon dont Russell gère toutes ces nouveautés. Puis, l’histoire nous transporte dans le passé, afin qu’on puisse suivre Otto et toute la marmaille que constitue sa grande famille; l’arrivée de Russell, un genre de fils adoptif, dans les parages; et la rencontre avec Etta.

« Quelques mois auparavant, elle avait commencé à se sentir entraînée dans les rêves d’Otto à la place des siens, la nuit. (…) Elle essayait de dormir sans qu’aucune partie de son corps ne touche celui d’Otto afin que ses souvenirs à lui ne trouvent aucun point de contact pour se glisser dans les siens. »

Il y a aussi la guerre, qui mobilise tout et tout le monde, les fermes désertées par les hommes, les femmes en deuil, la peur, les lettres qu’Otto envoi à Etta, les premières amours. C’est le portrait d’une époque, qui a vu grandir Otto, Russell et Etta. C’est aussi le présent, la vieillesse et toutes ces choses que l’on ne contrôle pas forcément.

« Je devrais peut-être partir, répondit Etta. Dans un endroit pour les gens qui s’oublient eux-mêmes.
Mais je me souviens, dit Otto. Si je me souviens et que tu oublies, on peut sûrement s’équilibrer. »

Il y a quelque chose de magnifique et de très humain dans le texte d’Emma Hooper, quelque chose de lumineux qui en fait un beau moment de lecture. Les personnages sont attachants dans leur façon unique d’être imparfaits. C’est ce qui fait chaud au cœur.

C’est seulement la fin qui m’a laissée un peu incertaine. J’ai eu l’impression de pouvoir expliquer certaines choses, mais pas tout. Il faudrait que je relise les derniers chapitres. Cependant, même si ma préférence va au roman Les chants du large, j’ai beaucoup apprécié ma lecture et j’ai aimé les connexions entre les personnages. On retrouve les prémisses de ce qui m’avait tant plu dans Les chants du large, cette étrangeté tant dans les événements que dans la relation des personnages entre eux, leurs réflexions et la présence d’animaux un peu inattendue. Il y a aussi un brin d’humour discret. C’est un peu la même chose que l’on retrouve dans Etta et Otto (et Russell et James).

« Les lettres d’Otto arrivèrent avec des fenêtres. De petits rectangles découpés à travers lesquels Etta pouvait passer le doigt. Des gens, des noms de lieux et des chiffres surtout, avaient été extraits du feuillet soigneusement découpés et gardés quelque part. Etta imagina un bureau en Angleterre, bourré à craquer de ces gens, de ces villes, de ces chiffres dans leurs petits rectangles de papier originaux. »

Je crois sincèrement que Emma Hooper est une auteure à part, différente, qui puise dans l’humain et ses petites différences pour en faire des personnages magnifiquement simples et attachants. Elle crée avec de petits instants, un moment d’émerveillement. C’est sans doute là, avec des dialogues qui vont à l’essence même des choses, que réside le talent de l’auteure.

Une belle lecture!

Etta et Otto (et Russell et James), Emma Hooper, éditions Alto, 408 pages, 2019

Le mari de mon frère t.4

Le mari de mon frère 4C’est avec une idée bien précise en tête que Mike s’est rendu au Japon, où il y a rencontré Yaichi et la petite Kana. Pour tenir la promesse qu’il avait fait, avec son défunt mari… Et tandis qu’à l’école de sa nièce, sa venue semble devoir faire des remous, les choses se concrétisent et… Peu à peu, le jour fatidique de son retour pour le Canada semble s’approcher.

Le quatrième tome de la série Le mari de mon frère est sans doute mon préféré, même si toute la série est excellente et trône sans doute au sommet de mes mangas favoris. L’auteur avec cette série tente de déconstruire les préjugés entourant l’homosexualité, dans un pays où la culture n’est pas forcément très ouverte sur le sujet. C’est aussi l’occasion pour l’auteur de permettre une certaine réflexion sur la place de chacun au sein de la famille, de ce qu’est une famille même si elle n’est pas forcément traditionnelle au sens où on l’entend.

Dans ce quatrième tome, Kana amène des amis à la maison et cette rencontre avec Mike est l’occasion pour Yaichi de réfléchir encore plus à l’acceptation et la bienveillance des autres qui sont différents de nous. On constate également de grands changements chez lui, alors qu’il est confronté à la direction de l’école de Kana qui s’inquiète des propos que la fillette peut avoir sur cet oncle du Canada marié à un autre homme.

« Si à l’avenir elle devait montrer des aspects hors de la norme… À mes yeux, lui demander de changer sous prétexte qu’elle serait différente des autres n’aurait aucun sens. »

Sa relation avec Mike a aussi beaucoup évoluée et c’est très touchant de les voir ensemble, partager des photos de Ryôji. Ces moments sont très beaux puisque Yaichi constate l’ouverture de la famille de Mike et apprend des choses que Ryôji avait confiées à son mari. Yaichi réalise que son jumeau était heureux dans sa nouvelle vie, assumant pleinement son amour pour Mike. Ce moment est très fort pour Yaichi qui constate que beaucoup de choses l’avaient éloigné de son jumeau.

« Moi, aujourd’hui, j’ai beaucoup de regrets. Mais le fait de savoir qu’il était heureux ça m’enlève vraiment un poids. »

Ce tome lève aussi le voile sur la promesse faite par Mike à son défunt mari et sa présence au Japon. J’ai apprécié que l’auteur donne cette fin à sa série: sans promesses impossibles à tenir et complètement ancrée dans la réalité, tout en étant très belle. Je trouve que ce dernier tome complète merveilleusement bien la série, de façon très cohérente.

Ce manga est vraiment très beau et le tome 4 encore plus, il m’a beaucoup émue et énormément touchée. Il n’est pas question que d’homosexualité dans cette série, mais avant tout, de l’humain. De l’envie universelle d’aimer et d’être aimé, d’avoir une famille, d’être entouré. L’auteur parle aussi du deuil, de la façon de le vivre, des regrets. C’est un thème plus approfondi dans ce dernier tome. C’est poignant, beau et touchant. Les propos de l’auteur sont à la fois réalistes et positifs. C’est ce que j’ai particulièrement apprécié. Cette forme de bienveillance latente qui fait du bien est présente tout le long de la série.

Cette série a été un beau coup de cœur pour moi. Une série à découvrir, si vous ne l’avez pas encore lue. Une série nécessaire pour combattre les préjugés et les idées reçues. Une série à mettre entre toutes les mains.

Mon avis sur les autres tomes de la série:

Le mari de mon frère t.4, Gengoroh Tagame, éditions Akata, 176 pages, 2017