
La vie n’est pas de tout repos pour Thumps DreadfulWater. Alors qu’il peine à accepter tant son diabète que le cancer de Claire, voilà que la productrice d’une populaire émission d’affaires criminelles, Nina Maslow, débarque à Chinook et insiste pour que Thumps l’aide à réactiver un vieux dossier. De fait, il y a bien des années, Trudy Samuels, une jeune fille de bonne famille, avait été trouvée morte au pied d’une falaise. À l’époque, les penchants de Trudy pour l’alcool et la drogue étant bien connus, toute la population de Chinook, shérif en tête, avait adhéré à la thèse de l’accident… sauf la mère de Trudy, qui a tout de suite accusé le petit ami de sa fille, « un vaurien d’Autochtone ! », de l’avoir tuée. Or, si la productrice tient tant à déterrer ce triste épisode, c’est qu’elle y a flairé tous les ingrédients gagnants de son émission : sexe, racisme et célébrité entachée, car ledit « vaurien », Tobias Rattler, est aujourd’hui un écrivain de grande renommée. Thumps, qui ne comprend pourquoi la productrice tient tant à son aide – il ne résidait même pas à Chinook au moment des faits –, sent toutefois sa fibre policière s’éveiller quand on découvre Nina Maslow – morte ! – au même endroit et dans les mêmes circonstances que la jeune Trudy…
J’adore la série des enquêtes de Thumps DreadfulWater, cet ancien policier Cherokee, devenu photographe. Meurtres avec malveillance est le quatrième de la série, mais les tomes peuvent aussi se lire séparément. Toutefois, c’est toujours intéressant de suivre l’évolution du personnage d’un livre à l’autre. Celui-ci se déroule à l’automne, toujours dans la petite ville de Chinook. Cette fois, la Chambre de commerce a un nouveau programme appelé « Howdy », soit l’accueil des clients et des touristes à la sauce western. C’est totalement loufoque et ça allège un peu les déboires que vit Thumps.
Les choses ne vont pas très bien pour lui: son amoureuse Claire, toujours très indépendante, se bat contre un cancer. Lui-même a été diagnostiqué comme diabétique et il vit dans le déni. Il a aussi prêté sa voiture qui a été emboutie. Elle ne sera sans doute pas réparable et il doit chercher un autre moyen de transport. Finalement, sa chatte Freeway est introuvable. Même si leur relation est particulière, la bête manque à Thumps. C’est alors que la production d’une émission d’affaires criminelles débarque à Chinook et qu’elle veut à tout prix rouvrir un vieux dossier. Le shérif et la production font appel à Thumps qui, comme toujours, ne demande qu’à avoir la paix. Mais quand plane en filigrane les « meurtres d’obsidienne », l’affaire qui hante Thumps et qui l’a poussé à abandonner le métier, il commence à s’y intéresser un peu plus. Lorsqu’un nouveau cadavre est découvert, en lien avec l’émission de télévision, Thumps n’a d’autre choix que d’accepter de se joindre à l’équipe. Il faut dire qu’on lui force un peu la main.
« Thumps s’était toujours représenté les crimes comme des casse-tête qu’on achète dans une boutique d’occasion: rien ne garantit que tous les morceaux se trouvent dans la boîte. »
Je crois que de toutes les histoires jusqu’à maintenant, celle-ci est ma préférée des enquêtes de DreadfulWater. L’intrigue est intéressante et comme toujours les dialogues sont savoureux. On retrouve d’anciens personnages comme Al et Archie qui me font toujours rire, mais aussi le mécanicien russe Stas que je trouve hilarant, ainsi que le Shérif et son café légendaire. Il y a toujours le casse-croûte qui ne paie pas de mine où Thumps adore déjeuner (ce qui est problématique maintenant qu’il est diabétique et se questionne sur sa nourriture) et la morgue de Beth qui lui donne la frousse. Les dialogues sont excellents et plein d’humour, on passe un très bon moment! Il me semble qu’il y a un peu plus d’humour dans ce tome et je trouve que ça fonctionne très bien!
« Acte un. Le shérif le tire de force de chez lui.
Acte deux. Le shérif tente de l’empoisonner avec un wrap à la graisse de bacon.
Acte trois. Le shérif l’oblige à trimballer un cadavre jusqu’au sommet d’une montagne.
Acte quatre. Le shérif le contraint à cuisiner l’homme qui a découvert le cadavre.
Bref, il était devenu le Vendredi de Robinson Crusoé. Il lui fallait un meilleur agent. »
Comme dans tous les tomes, il y est question de l’affaire des « meurtres d’obsidienne » qui hante Thumps depuis le tout début de la série. Cette affaire a changé sa vie, lui a même fait arrêter sa carrière et déménager. Elle apparaît toujours en filigrane de toutes les autres enquêtes, mais ici, elle sert en quelque sorte de monnaie d’échange. On sent que bientôt, certaines choses sur cette affaire seront approfondies. La fin du roman et le titre en anglais du prochain tome qui devrait être traduit pour l’automne prochain, nous donnent à penser que les « meurtres d’obsidienne » connaîtront un certain dénouement ou du moins, nous fourniront plus d’informations. Je l’avoue, en terminant ce livre, j’ai déjà hâte de retrouver Thumps. Ce personnage pourtant imparfait, est très attachant!
Une série que je vous conseille, qui parle des autochtones, des réserves, qui offre de bonnes enquêtes et qui est pleine d’humour. Thomas King a décidément un don pour créer des personnages incarnés, présents et profonds, tout en créant des dialogues drôles et amusants même si les sujets traités ne le sont pas toujours.
Une excellente lecture!
Meurtres avec malveillance, Thomas King, éditions Alire, 373 pages, 2022