Les évadés

« Comme je crois l’avoir dit, en prison tout le monde est innocent. Pendant tout le temps que j’ai passé là-bas, j’ai cru à l’innocence de moins de dix hommes. Andy Dufresne était l’un d’eux. »

Condamné à une peine de prison à perpétuité après le meurtre de sa femme et de l’amant de celle-ci, Andy Dufresne, jeune banquier, purge sa peine au pénitencier de Shawshank.

Les évadés de Stephen King a d’abord été publié dans le recueil Différentes saisons sous le titre Rita Hayworth et la rédemption de Shawshank. Cette lecture s’est avérée être un gros coup de cœur. Je garde un très vague souvenir du film, À l’ombre de Shawshank, sorti en 1994. Je me demande si je l’ai vu… je n’en suis pas certaine même si les images me sont familières. Quoiqu’il en soit, j’ai eu un gros coup de cœur pour le livre. Cette histoire est à la fois fascinante, dérangeante et extraordinaire.

L’histoire se déroule à la fin des années 40 et au début des années 50. Elle est racontée par Red, un prisonnier qui est en fait un pourvoyeur. Il s’occupe de trouver aux autres prisonniers ce dont ils ont besoin, n’importe quoi, moyennant de l’argent. Il fait alors la connaissance d’un petit nouveau, Andy, jeune, beau, ancien banquier et géologue amateur condamné pour le meurtre de sa femme et de l’amant de celle-ci. À travers les yeux de Red nous découvrons l’histoire d’Andy.

« Je commençais à apprécier son style sobre et tranquille. Quand on s’est payé dix ans de vacarme infernal, ce qui était mon cas, on en a sacrément marre des gueulards, des vantards et des frimeurs. Oui, je crois qu’on peut honnêtement dire qu’Andy m’a plu dès le premier jour. »

On apprend ce qui s’est passé pour qu’il atterrisse en prison, ce qu’il a vécu lors de son incarcération, sa façon de faire face à la violence et le moment où le vent a tourné pour lui. Sa position en prison a changée. Il a su mettre à profit ses connaissances au service des autres. Il s’occupera même de la bibliothèque de la prison pendant des années. En nous racontant l’histoire d’Andy, Red brosse du même coup un portrait de la vie rude et difficile en cellule, où tout est monnayable et où les agressions sont légion.

Les évadés est un roman qui a su beaucoup me toucher. C’est un livre incroyable et en même temps, c’est l’histoire d’une grande amitié et de la survie dans un milieu hostile et complexe.

« Andy était cette part de moi qu’ils n’ont jamais pu enfermer. »

Je ne veux pas raconter trop de choses sur ce roman car si vous n’en connaissez pas encore l’histoire, il est vraiment intéressant d’en découvrir peu à peu les détails au fil des pages et de ce que nous raconte Red. J’ai trouvé la construction de cette histoire très forte. Je crois que, de tous les livres du King dans la collection Wiz, celui-ci est mon préféré. La narration fait toute la différence dans ce livre, vu que l’histoire nous est racontée par une autre personne. On veut découvrir ce que Red sait, ce qu’il a entendu et ce qui s’est vraiment déroulé. On veut savoir ce qu’il adviendra d’Andy et parallèlement, ce qu’il adviendra de Red.

« Je me demande que faire. Mais en fait la question ne se pose pas. Il n’y a jamais que deux choix. S’occuper à vivre ou s’occuper à mourir. »

Bien au-delà d’une histoire sur la prison et sur les violences qui s’y déroulent, Les évadés est une histoire d’amitié, de justice (et d’injustice), de courage, d’espoir et du choix de continuer à vivre malgré tout.

J’ai adoré! 

Les évadés, Stephen King, éditions Albin Michel, 192 pages, 2021

Plunge

Au lendemain d’un tsunami, on détecte au large du détroit de Béring le signal de détresse du Derleth, un navire d’exploration scientifique… disparu depuis 40 ans. Le biologiste marin Moriah Lamb rejoint l’équipe de remorqueurs d’épaves missionnée par Rococo International, un groupe privé très intéressé par la cargaison du Derleth. De même qu’il est heureux que les mystères de l’univers soient inaccessibles à l’entendement humain, certains secrets devraient quant à eux rester immergés dans les abysses du cercle arctique.

Cette bande dessinée est un hommage à l’univers si particulier de Lovecraft. On en retrouve d’ailleurs de très nombreux points communs. J’étais contente de découvrir Joe Hill dans un genre un peu différent et en duo avec le dessinateur Stuart Immonen.

L’histoire de Plunge est reliée à la mer et au monde des naufrages. Elle débute au lendemain d’un tsunami. Sur les radars, on détecte le signal de détresse d’un navire d’exploration scientifique… qui s’avère être disparu depuis quarante ans! Tout de suite, c’est vraiment intrigant et on suit avec curiosité les événements qui suivront cette découverte. Le bateau des frères Carpentier, spécialisé dans le remorquage de bateaux qui ont fait naufrage, est mandaté pour aller voir ce qu’il en est et récupérer ce qui doit rester du navire et de l’équipage. Une biologiste marine se joint à eux ainsi qu’un scientifique. Leur arrivée sur les lieux du drame leur réserve bien des surprises, surtout quand l’équipage débarque pour une nuit, afin de passer un moment dans l’un des tout dernier endroit sauvage de la planète…

« -Qu’espérez-vous y trouver?
-Les corps, la boîte noire, évidemment, du point de vue des relations publiques, les documents de recherches pourraient avoir une grande valeur. »

Cette bande dessinée d’horreur nous amène dans l’univers des naufrages et au plus profond de l’océan, là où se cachent les plus grands mystères. L’histoire joue beaucoup sur nos peurs reliées à l’inconnu et sur ce qu’on imagine qui se retrouve dans les fonds marins inexplorés et les lieux reculés. Ce qu’on ne connaît pas titille forcément l’imagination. La bande dessinée joue beaucoup sur l’atmosphère: découvertes macabres, incendies, température glaciale, chiffres étranges gravés dans la pierre.

On y retrouve le style de Joe Hill qui nous est familier, mais avec quelque chose de l’univers de Lovecraft. J’ai beaucoup aimé le scénario et les dessins collent parfaitement à l’univers. Je trouve aussi que la couverture est vraiment belle, elle donne tout de suite le ton. C’est un beau duo que celui de Hill et Immonen. La bande dessinée est complétée par un cahier de couvertures alternatives, la genèse de l’histoire inventée par Hill et des entrevues avec les deux auteurs.

Si vous aimez les univers sombres, les histoires de naufrages et toutes les légendes qui y sont reliées, vous pourriez bien apprécier cette lecture!

Plunge, Joe Hill, Stuart Immonen, éditions Urban Comics, 168 pages, 2021

Curieuses histoires de plantes du Canada, tome 1: 1000-1670

Le Vinland que les Vikings visitent vers l’an 1000 pourrait-il se situer dans la région de Québec? En 1534, Jacques Cartier décrit l’usage du maïs, du tabac et d’une mystérieuse plante, l’annedda, qui guérirait du scorbut et de la syphilis. Mais quel est donc ce miraculeux conifère? Quel usage fait-on de la gomme de sapin dans les églises en Europe? Quelle sorte de chapelet mangeaient donc les Amérindiens? Il est stimulant de constater que plusieurs questions concernant les premières observations des plantes canadiennes demeurent sans réponse et requièrent encore des efforts de recherche. Cette histoire détaillée, palpitante et pleine de rebondissements, est aussi riche en informations scientifiques, culturelles et historiques souvent méconnues.

Curieuses histoires de plantes du Canada est une série de quatre ouvrages qui abordent la flore de chez nous à différentes époques de l’histoire. Ce premier tome se penche principalement sur les années 1000 à 1670 et reconstitue une histoire détaillée des plantes, des premières traces des Vikings jusqu’aux explorateurs européens, en passant par les débuts de la Nouvelle-France. 

« Le savoir sur les plantes fait partie du patrimoine à la fois historique, culturel et scientifique des civilisations. L’histoire de leur connaissance et de leur influence est encore peu connue dans ses fins détails. C’est le cas en particulier pour les plantes dans l’histoire des Amériques. »

L’histoire est très dense, je n’ai donc pas lu ce livre d’un seul trait. J’aime les plantes et la botanique, mais je ne suis pas une experte en la matière. C’est donc un ouvrage que je trouve plaisant à lire sur une longue durée, puisque chaque chapitre aborde un sujet particulier, raconte des anecdotes intéressantes ou trace le portrait d’un botaniste ou d’un personnage ayant œuvré dans le monde des plantes: médecin, chercheur, herboriste, apothicaire, explorateur, et bien d’autres. J’avançais ma lecture un chapitre à la fois, sur plusieurs semaines. J’ai trouvé cette façon d’aborder cet ouvrage plus facile pour ma part, puisque ça nous laisse le temps d’assimiler ce que l’on découvre. Je suis d’ailleurs en pleine lecture du tome 2 et je fais sensiblement la même chose. 

L’ouvrage nous permet de découvrir une quantité d’anecdotes, parfois amusantes, parfois étranges, parfois intrigantes, en lien avec les plantes. Saviez-vous qu’au XVIe siècle, on croyait que le saule rendait les hommes stériles? Qu’on a longtemps soupçonné la pomme de terre d’être toxique? Que certains botanistes préconisaient un élixir à base de momie (on extrayait une sorte de jus de momie) pour soigner les maux de tête? Je suis ravie de ne pas vivre à cette époque!

L’étude des plantes et de la botanique est forcément très liée à la médecine. Il est intéressant de découvrir à quel point la compréhension des plantes a été à la base du système médical de l’époque et de quelles façons elles étaient utilisées d’un point de vue médical. Plusieurs théories, comme la théorie des humeurs, ont longuement perdurées et l’on puisait dans les caractéristiques des plantes pour équilibrer tout cela. 

Les plantes ont longtemps été une affaire très sérieuse dans les différents cercles. À la base de la médecine, permettant la guérison ou la mort, étant utilisées commercialement, certaines plantes ont même été marquées d’opprobre. Je pense à l’indigo exotique qui menaçait le commerce du pastel. Quiconque l’utilisait sur le marché noir était passible de la peine de mort. On ne rigolait pas avec les plantes et leurs utilisations!

L’utilisation des mots dans les écrits botaniques a aussi son importance. On y apprend de nombreux noms latins et la façon dont étaient nommées les plantes par ceux qui les découvraient. Les erreurs d’identification sont nombreuses à l’époque, souvent par méconnaissance de la flore que l’on retrouve en Amérique. Par exemple, personne ne se doutait à quel point le maïs deviendrait la plante populaire que l’on connaît aujourd’hui. De nombreux préjugés sont aussi très présents: les Européens se méfient grandement de ce qui ne poussent pas chez eux. 

« Pour un grand nombre d’observateurs européens, les connaissances amérindiennes des plantes demeurent futiles et sans mérite. Les premiers colons et les coureurs des bois sont cependant beaucoup plus ouverts au savoir botanique amérindien. Il en va de leur survie. Malheureusement, ils laissent peu d’écrits à ce sujet. »

Le livre parle de la botanique en abordant de nombreux thèmes: l’histoire botanique de manière générale, la découverte et les usages de plantes du Canada, ainsi que plusieurs appendices. Il y est question autant de botanique, d’histoire, de voyages, d’arts visuels, des herbiers, de la médecine, de l’économie, de l’alimentation, de l’écologie, de jardinage et de plusieurs autres sujets. L’ouvrage est complété par une liste de « premières fois » en matière de botanique et de recherches, 

L’ouvrage est à la fois étonnant, passionnant et complexe. Il mérite qu’on y passe du temps. Comme il traite des années 1000 à 1670, il est beaucoup plus axé sur les botanistes d’ailleurs, principalement d’Europe, et de leur vision de ce qu’ils découvraient (ou croyaient découvrir) ici. On suit l’influence que certains botanistes ont pu avoir sur la connaissance des plantes. Plus on avance dans la série, plus ça va se rapprocher de nous. J’entame d’ailleurs le second tome qui aborde les années 1670 à 1760. 

Un livre magnifiquement illustré, avec des planches, des dessins et des reproductions qui sont sublimes. Visuellement, ce livre est tout simplement époustouflant, surtout si on s’intéresse à l’histoire de la botanique. C’est un livre qu’on lit par petites doses, en prenant son temps. 

À noter que le livre a remporté le Prix Marcel-Couture 2015 remis à un ouvrage illustré de grande qualité dans le cadre du Salon du livre de Montréal. Prix entièrement mérité!

Curieuses histoires de plantes du Canada, tome 1: 1000-1670, Alain Asselin, Jacques Cayouette, Jacques Mathieu, éditions du Septentrion, 288 pages, 2014

Sapiens: la naissance de l’humanité

Animal insignifiant parmi les animaux et humain parmi d’autres humains, Sapiens a acquis il y a 70 000 ans des capacités extraordinaires qui l’ont transformé en maître du monde. Harari, Vandermeulen et Casanave racontent avec humour la naissance de l’humanité de l’apparition de Homo sapiens à la Révolution agricole. Une bande dessinée pour repenser tout ce que nous croyions savoir sur l’histoire de l’humanité.

Yuval Noah Harari a fait paraître il y a quelques années le livre Sapiens. Voici cet ouvrage en bande dessinée, créé avec David Vandermeulen et Daniel Casanave. Et quelle bd! 

Le narrateur et le personnage principal de la bd est nul autre que l’auteur, Yuval Noah Harari, qui va à la rencontre d’experts, d’anthropologues, de biologistes et de scientifiques afin de mieux comprendre le développement de l’humain et son évolution au fil des siècles. Je dois l’avouer, c’est une bande dessinée que j’avais bien hâte de découvrir et qui m’attirait plus que l’essai d’origine. J’ai eu énormément de plaisir à lire cette bd, qui est le premier volet de Sapiens. La suite est à paraître très bientôt.

Voilà un ouvrage véritablement passionnant, qui peut se lire facilement d’une traite. Le texte est très abordable et accessible. L’auteur utilise l’humour pour captiver et faire rire le lecteur, sans toutefois mettre de côté tout l’aspect documentaire. On y apprend une foule de choses. C’est amusant de suivre Yuval dans son parcours et ses rencontres avec des spécialistes. Le ton est très agréable.

Le livre commence au tout début de l’humanité et parle d’au moins six types d’humains. À partir des portraits de ces six races d’hommes, qui se sont parfois croisées, la bande dessinée explique l’évolution qui a conduit l’Homo sapiens jusqu’à nous. On comprend alors les raisons pour lesquelles les autres races d’humains se sont éteintes, laissant la place à celui qui deviendra l’humain d’aujourd’hui. On y découvre énormément de choses, allant de notre développement à notre évolution, ainsi qu’à notre rapport à la nature. L’histoire de l’homme étant étroitement liée à son environnement, on y découvre à quel point Sapiens a eu de l’influence sur ce qui l’entourait. 

Cette bande dessinée est tellement bien construite qu’elle nous permet d’aborder beaucoup de sujets variés en lien avec l’évolution humaine. Par exemple, le développement du cerveau. J’ai appris avec étonnement que notre cerveau est plus petit qu’avant. Au fil du temps, l’humain s’est spécialisé, notre savoir est beaucoup plus concentré sous forme de niches et donc on en demande un peu moins à nos neurones. Nous sommes en quelque sorte moins diversifiés puisque notre survie n’est plus vraiment un enjeu quotidien. On en apprend plus sur le développement de nos sociétés. Il y a également tout un chapitre sur la fiction, soit ce que l’homme a créé, comme les gouvernements, la religion, les obligations en société, les lois, qui n’existaient pas avant mais qui régissent le quotidien et qui ont un effet rassembleur. Ce qui donne la puissance nécessaire à l’humain pour dominer en quelque sorte la planète et son environnement.

On apprend également la façon dont Sapiens voyageait d’une région à l’autre, sa manière de se nourrir, le développement de ses techniques de chasse, de conservation des aliments, bref, tout ce qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui, après des années d’évolution. On parle beaucoup du Sapiens comme du fourrageur. Le fourrageur est en fait le chasseur-cueilleur avant la révolution agricole. Il est intéressant de comprendre l’histoire de notre évolution mais aussi, ce qui a mené à la place que nous occupons aujourd’hui sur Terre. L’ouvrage s’intéresse aussi aux tribus qui n’ont pas eu beaucoup de contacts avec les sociétés d’aujourd’hui, afin d’essayer de comprendre leur fonctionnement et par ricochet, de mieux comprendre nos ancêtres. On y découvre que Sapiens avait une grande capacité d’adaptation. 

Un aspect très intéressant et amusant de cet ouvrage, c’est la façon qu’ont les auteurs de changer la narration. Ils passent par plusieurs formes de narration: enquêtes, entretiens, rencontres avec un super-héros, fausses publicités, comics comme ceux que l’on retrouve dans les journaux et épisodes de séries. Par exemple, vu la façon cavalière qu’a l’Homo sapiens de traiter le monde autour de lui, on en fait son procès dans la bande dessinée. Le ton est humoristique et très convivial. Ce choix apporte une touche de légèreté et de rires, c’est une approche amusante pour mieux comprendre l’histoire de l’homme. Cette façon d’appréhender notre humanité permet d’assimiler encore plus les propos des auteurs. Une excellente façon pour capter l’attention et se renouveler. On ne s’ennuie jamais. Visuellement, j’aime énormément le dessin. Les couleurs de cet album sont rayonnantes et c’est un aspect que j’ai beaucoup apprécié tout au long de ma lecture. Le coup de crayon est très beau. On y retrouve plusieurs cartes également.  

Sapiens: la naissance de l’humanité est un véritable petit chef-d’œuvre. Tout à fait le genre de livre à offrir (ou à garder précieusement pour soi!) C’est un ouvrage accessible aux jeunes qui sont de bons lecteurs et aux adultes. Le sujet est extrêmement bien documenté. C’est vraiment passionnant! Elle nous permet de mieux définir le monde qui nous entoure et son évolution. J’ai adoré cette lecture qui m’a appris énormément de choses sur nous, sur le développement de notre intelligence, de notre position sur la Terre, sur le développement de nos sociétés. On comprend bien le parcours de Sapiens et le livre offre des réponses intéressantes sur notre évolution. J’ai tellement aimé cette bd que je suis impatient de découvrir la suite. Je vous conseille fortement cette excellente lecture!

Sapiens t.1: la naissance de l’humanité, Yuval Noah Harari, Daniel Casanave, David Vandermeulen, éditions Albin Michel, 248 pages, 2020

Le garçon sorcière

Dans la culture du jeune Aster, treize ans, toutes les filles sont élevées pour devenir des sorcières et les garçons, des métamorphes. Toute personne qui ose contrevenir à cette tradition est exclue. Malheureusement pour Aster, il demeure incapable de se métamorphoser… et il est toujours aussi fasciné par la sorcellerie, bien qu’elle lui soit formellement interdite. Lorsqu’un danger mystérieux menace les autres garçons, Aster sait qu’il peut aider… avec la sorcellerie. Avec les encouragements d’une nouvelle amie excentrique, Charlie, Aster se laisse enfin convaincre d’exercer ses talents de sorcière. Mais il aura besoin d’encore plus de courage pour sauver sa famille… et en réalité, se sauver lui-même.

Cette bande dessinée est géniale, à tous points de vue. Elle met en scène un monde magique, qui vit un peu à l’écart du nôtre. Dans le monde d’Aster, les rôles sont déjà définis à l’avance. Les filles apprennent la sorcellerie et les garçosn doivent défendre le territoire. Ils peuvent donc se métamorphoser, ce que Aster est bien incapable de faire.

« D’aussi loin qu’on se souvienne, les esprits des animaux avec qui nous partageons le monde ont offert un don aux hommes de notre famille. »

Par contre, il est bon en magie. Il se passionne pour les cours de sorcellerie qu’il écoute en cachette des filles. Il se fait souvent réprimander, car il n’a pas le droit d’être au courant des secrets des sorcières. Dans la famille plane l’ombre du frère de la grand-mère d’Aster qui avait tenté de faire de la magie et qui a très mal tourné. Il a été expulsé du groupe. C’est une histoire tabou dont on ne parle pas trop.

On ne dévie pas de la voix qui nous est tracée, c’est ce que tout le monde tente de faire comprendre à Aster, même s’il est triste et se sent vraiment à l’écart du groupe. Il est incapable de se joindre aux autres garçons qui se moquent de lui vu qu’il ne se métamorphose pas. Et sa place n’est pas auprès des filles alors que c’est là qu’il se sent bien.

Un jour, il fait la rencontre de Charlie, une fille un peu casse-cou qui adore le sport, mais qui est limitée à cause d’une jambe dans le plâtre. C’est une humaine, une fille sans pouvoir. Et Aster lui raconte tout. Il a besoin de parler à quelqu’un. Il réalise bien vite que Charlie est une amie géniale, une grande alliée. Surtout quand les cousins d’Aster commencent à disparaître et qu’Aster a quelques idées quant à la façon de les sauver… en utilisant la magie.

« Ma famille est comme ça aussi. Je ne comprends pas. Si tu es bon dans quelque chose, tu devrais avoir le droit de le faire! »

Cette première aventure de l’histoire d’Aster écrite par Molly Knox Ostertag est vraiment bien écrite. Les dessins sont jolis, l’univers magique est intéressant avec quelques belles trouvailles quant au fonctionnement des sorcières et des métamorphes. Plusieurs personnages sont issus de la communauté LGBT+. Aster, quant à lui, se débat entre la tradition imposée par sa famille et son identité propre. Il est bien représentatif des diktats imposés par la société, consciemment ou non, qui sont difficiles à vivre quand on se sent différents des autres, quand on a l’impression de ne pas entrer dans le moule convenu. Aster apprendra à prendre sa place et à faire respecter qui il est réellement.

Une très bonne bande dessinée, tant dans le message qu’elle véhicule que pour le plaisir de découvrir cet univers magique très différent! J’ai beaucoup aimé cette lecture. J’ai déjà lu les deux autres tomes. Je publierai les billets bientôt.

Le garçon sorcière, Molly Knox Ostertag, éditions Scholastic, 224 pages, 2018

Les Langoliers

À bord d’un vol vers Boston, dix personnes se réveillent, seules dans l’avion. Le reste des passagers s’est volatilisé. L’avion se tient sur un tarmac désert du Maine. Attentat, complot, faille temporelle ? Chacun a une théorie, mais c’est sans doute Dinah, une petite fille aveugle, qui en sait le plus long. Et c’est elle qui, la première, entendra ce bruit sourd, qui se rapproche…

Les Langoliers de Stephen King est un roman « court » paru il y a quelques années dans le recueil Minuit 2 avec un autre titre. L’éditeur le réédite cette fois dans la très belle collection jeunesse, créée pour faire redécouvrir les nouvelles et romans du King. Toutefois, il fait tout de même 500 pages dans cette nouvelle édition. On m’a beaucoup parlé de ce livre, surtout en rapport à l’adaptation sortie il y a quelques années. Adaptation que je n’ai pas vue cependant. Je vais donc me concentrer sur le livre: un roman que j’ai trouvé terrifiant! 

Il faut savoir que je ne prend pas l’avion. Je suis très malade en avion. J’ai peur des avions. Je n’aime pas la sensation du décollage et de l’atterrissage qui m’a fait faire des cauchemars pendant des années, ni celle d’être dans les airs. Ce livre était donc tout trouvé pour me donner une bonne frousse. Paradoxalement, j’adore avoir peur dans mes lectures et j’étais impatiente de me plonger dans cette histoire. Je n’ai vraiment pas été déçue!

Nous voilà donc dans un avion en plein ciel. Dix personnes qui dormaient se réveillent soudain. Tous les autres passagers qui ne dormaient pas ont disparu, incluant le pilote. Toutes les théories, des plus crédibles aux plus farfelues, sont évoquées par les passagers qui restent. Qu’est-ce qui a bien pu se passer? Qu’est-ce qu’on peut faire pour tenter de retrouver un semblant de normalité et mettre fin à ce cauchemar? Car c’en est un! Le temps presse car un avion ne peut voler éternellement sans ravitaillement. Et il y a ce bruit sourd qui semble s’approcher de plus en plus…

« Il faut que nous partions d’ici. Vite. Parce qu’il y a quelque chose qui vient. Une chose mauvaise, qui fait un bruit de crépitement. »

Ce livre est terriblement efficace puisqu’il nous place en face d’une de nos plus grande peur: la perte de contrôle total de notre environnement. Ici, coincés dans les airs, les passagers essaient de comprendre ce qui a bien pu arriver à leur vol. Au sol, tout semble avoir disparu. Les villes, les lumières. Les repères familiers sont maintenant inexistants. Comment réagiriez-vous face à une pareille situation? C’est terrifiant de se poser la question.

« -Si vous voulez des montres, vous n’avez qu’à vous servir, fit une voix dans leur dos. Il y en a des tonnes, là-bas derrière. […]
-Vous parlez sérieusement? demanda Nick, qui, pour la première fois, parut un peu désarçonné.
-Des montres, des bijoux, des lunettes. Et aussi des sacs à main. Mais le plus délirant c’est qu’il y a… des trucs qui semblent provenir de l’intérieur des gens. Comme des broches chirurgicales et des pacemakers. »

L’auteur aborde aussi, comme souvent dans ses romans, la réaction des gens face à une catastrophe ou à une coupure totale entre une situation qui nous échappe et le quotidien auquel nous sommes habitués. L’humain étant ce qu’il est, quand vient le moment dans un groupe de faire des choix pour le bien de tous, il y a toujours quelqu’un qui décide de faire cavalier seul et qui met les autres en danger. Tout cela, ainsi que le personnage de Dinah, une fillette aveugle qui semble « voir des choses » donnent le frisson.

« Comment connais-tu la manière dont je te vois, alors que tu es aveugle?
-Vous seriez étonné, répondit Dinah. »

On découvre au fil des pages les caractéristiques des personnages qui sont restés dans l’avion et leurs capacités. On s’attache à la plupart d’entre eux, tout en découvrant les raisons pour lesquelles ils étaient dans l’avion. C’est une chose que j’aime particulièrement chez King: ses personnages. Ils sont toujours très complexes, les bons comme les méchants. D’apprendre à mieux les connaître nous permet de mieux les comprendre, ce qui demeure fort inquiétant quand ils s’agit de personnages très problématiques.

Dès qu’on commence la lecture de ce roman, les pages défilent bien vite. Il est difficile de le mettre de côté. J’aurais par contre aimé en savoir un peu plus sur le « après » vers la fin du roman, mais Les Langoliers est une histoire qui laisse une grande place à l’imagination… ce qui contribue encore plus à ce sentiment de peur qui accompagne le lecteur. J’ai vraiment adoré cette lecture que j’ai littéralement dévorée!

Les Langoliers, Stephen King, éditions Albin Michel, 512 pages, 2021