Les Quatre mousquetaires de Québec

Nous connaissons bien Maurice Duplessis et ses opposants. Nous connaissons moins ceux qui l’ont soutenu avant de devenir ses détracteurs. L’Union nationale triomphe du Parti libéral en 1936 avec l’aide de quatre candidats vedettes qui deviendront ses adversaires acharnés. Ce sont René Chaloult, père du drapeau québécois; Oscar Drouin, grand défenseur des ouvriers; Ernest Grégoire, maire de Québec qui tente de libérer la politique municipale de toute influence occulte; et Philippe Hamel, promoteur de la nationalisation de l’électricité. Ces quatre mousquetaires, ainsi nommés par leurs contem­porains, contribuent à la première victoire de Duplessis, convaincus de sa volonté d’opérer une révolution sociale et nationale au Québec. Son abandon de leur programme électoral les conduit à former le Parti national en 1937 et à faire la lutte aux deux grandes formations politiques. Alexandre Dumas présente dans ce livre leur parcours politique et s’intéresse aux causes de leur échec.

Cet ouvrage présente un magnifique travail de recherche de la part de l’auteur qui nous fait découvrir la carrière de quatre hommes politiques méconnus aujourd’hui. J’ai un certain intérêt pour la politique. Je trouve important que les connaissances et les enjeux, tant actuels que passés, soient connus et partagés, afin de favoriser les échanges et de faire un choix éclairé comme électeur lors d’élections provinciales ou fédérales. Toutefois, comme plusieurs, je ne connaissais pas les personnages politiques dont il est question dans cet ouvrage. Mais cette lecture s’est avérée vraiment bien ciblée et elle a été des plus enrichissantes.

Nos connaissances au Québec sont très pauvres en matière de députés qui n’ont pas été des ministres populaires. On ne s’y intéresse pas forcément. Alors que pourtant, comme c’est le cas des Quatre mousquetaires, des personnalités moins connues aujourd’hui ont eu un impact important au Québec, sur notre avenir et sur le développement de notre société. Leur façon d’être et leurs idées innovatrices pour faire avancer le Québec, étaient exceptionnelles. Étonnamment, beaucoup d’éléments de ce livre sont encore toujours d’actualité, même s’ils nous offrent un portrait politique du passé.

« Chaloult ne se déclare pas ouvertement séparatiste, mais avoue que la constitution d’un État français en Amérique du Nord est la finalité de son projet politique. Il croit que le régime fédéral poussera un jour la province de Québec au séparatisme s’il continue à traiter cette dernière comme le « parent pauvre » de la Confédération. »

Le livre nous présente chacun des mousquetaires. Très différents, aux idées et aux convictions parfois opposées, ils sont unis par leur désir de faire avancer le Québec. Ils travaillaient ensemble en ce sens. On découvre donc Oscar Drouin (militant contre la conscription, s’est battu pour les pensions de vieillesse et l’ouverture du Barreau pour les femmes), Philippe Hamel (qui voulait nationaliser l’électricité pour faire baisser les coûts refilés aux citoyens), Ernest Grégoire (ses combats contre la corruption et une juste répartition des subventions aux municipalités), et René Chaloult (qui voulait modifier le code civil pour permette aux femmes mariées de gérer leurs propres biens, prônait le droit de vote des Premières Nations et était un nationaliste convaincu de la fondation d’un état français en Amérique du Nord.)

« Le 18 février 1930, c’est au tour d’Oscar Drouin de tenter de permettre aux femmes d’accéder au Barreau. Selon Le Devoir, le Parlement est alors « envahi par les féministes québécoises » venues « ensorceler nos braves députés ». Drouin doit subir les railleries de ses collègues rouges et bleus. Les députés rigolent entre eux. »

On constate qu’en matière de politique le Québec a longtemps traîné la patte dans la création de ses programmes par rapport à ceux offerts ailleurs au pays. Je pense aux pensions de vieillesse ou à l’ouverture du barreau pour les femmes. Il pouvait s’écouler une trentaine d’années après que ces hommes aient proposé des modifications avant qu’elles ne soient finalement mises en place, alors que c’était déjà le cas depuis longtemps ailleurs. Ces Quatre mousquetaires étaient des précurseurs et ils étaient en avance sur leur temps. Ils avaient une vision à long terme et une vision démocratique de notre société. Ils ont peut-être fait germer des idées pour les révolutions qui auront lieu plus tard.

On en apprend sur les différents partis. Sur la carrière politique de Chaloult, Drouin, Grégoire et Hamel. Sur Taschereau et Duplessis. La corruption qui gangrénait les partis, l’indiscipline, l’injustice, l’arrogance, la méchanceté, le manque de respect, l’intimidation, les fausses promesses. Il y avait des injustices épouvantables en matière d’équité pour les partisans du parti adverse de celui qui était au pouvoir, comme des pertes d’emploi et des pertes de subventions. Les dons aux partis politiques provenaient principalement des industries, des syndicats et des églises. Chacun se ralliait à différents partis et les nouveaux venus n’avaient aucune subvention. Les partis pouvaient aussi compter sur les différents journaux pour les appuyer et donc diffuser leurs paroles, tout en rabaissant les autres partis. La visibilité était donc très variable d’un parti à l’autre et la diffusion également.

« Ce n’est pas un secret que le favoritisme joue un rôle important dans l’administration de la province, mais le comité des comptes publics en révèle l’étendue. On apprend notamment que les chèques de secours directs aux chômeurs sont distribués en fonction de l’allégeance politique des récipiendaires. »

En prenant un peu de recul on constate que plusieurs enjeux de l’époque sont encore actuels aujourd’hui. Je salue le magnifique travail de recherche de la part de l’auteur. Il m’a permis de découvrir des hommes politiques dont je n’avais jamais entendu parler. J’ai apprécié la façon dont l’auteur a écrit son livre, qui se lit pratiquement comme un roman. C’est hyper intéressant et vraiment très abordable. Je pense que c’est un livre qui devrait être lu par tous afin de comprendre un peu mieux notre passé en histoire politique.

J’ai eu un grand coup de cœur pour cet ouvrage qui m’a permis de découvrir l’histoire politique de cette époque que je ne connaissais pas. Je trouve qu’un livre comme celui d’Alexandre Dumas nous permet de voir d’où l’on vient, où nous sommes rendus et vers quoi nous devrions poursuivre pour faire de meilleurs choix comme société. Après avoir lu un livre comme celui-ci notre vision de la politique change beaucoup et alimente d’intéressantes réflexions. Un livre à lire assurément!

Les Quatre mousquetaires de Québec, Alexandre Dumas, éditions du Septentrion, 294 pages, 2021

Publicité

Le Bison d’Amérique

Le bison est l’un des animaux mythiques de la faune nord-américaine. Plus gros des animaux des grandes plaines, il a failli disparaître sous la pression de la chasse. Malgré un vaste territoire, sa population reste encore surveillée. S’appuyant sur une riche iconographie, cet ouvrage guide le lecteur sur les traces de ce grand mammifère, si impressionnant et pourtant inoffensif. Les descriptions anatomiques et comportementales de l’animal donneront satisfaction aussi bien aux naturalistes exigeants qu’aux néophytes amoureux de la nature sauvage.

Le bison d’Amérique du journaliste scientifique et reporter-photographe animalier Jean-Pierre Sylvestre, est un livre très intéressant que je voulais lire depuis longtemps. J’adore les bisons.  C’est un animal impressionnant, imposant, qui fait partie prenante de l’histoire du Canada et des États-Unis et qui est devenu un symbole emblématique. C’est sans doute mon animal sauvage favori. Même si aujourd’hui, il n’est plus si sauvage puisque après avoir été sauvé de justesse de l’extinction, l’animal vit en semi-liberté dans les parcs et réserves.

Ce livre captivant offre un tour d’horizon du bison d’Amérique, à travers différentes facettes: la généalogie du bison, sa classification dans le règne animal (saviez-vous d’ailleurs qu’il était très proche des baleines et des dauphins?), sa biologie, les différentes espèces, les premières descriptions de l’animal dans l’histoire et la préhistoire, la morphologie, l’alimentation, les comportements de l’animal, le bison dans la mythologie, la religion et l’art, les techniques de chasse et l’utilisation de la bête, puis finalement, le grand massacre des bisons par les Blancs qui l’auront mené à la limite de la disparition.

De 70 millions de bêtes avant la conquête de l’Ouest, les hardes de bison ne comptent bientôt plus qu’une poignée d’individus. Le bison est d’ailleurs l’exemple parfait d’un animal qui a survécu de justesse, qui est devenu emblématique de toute une période de l’histoire ainsi que d’une culture et qui, pourtant, était abattu sans discernement par les Blancs. La vitesse à laquelle il a été décimé est hallucinante. Cet animal représente bien à quel point l’homme a un problème de coexistence avec la nature et de quelle façon il peut, en très peu de temps, faire disparaître un animal, un environnement, une biodiversité. 

L’ouvrage est vraiment passionnant à plusieurs niveaux puisqu’il aborde autant la biologie que l’archéologie et la paléontologie, ainsi que l’histoire et la représentation de l’animal dans la société. J’ai appris énormément de choses. Ce fut un excellent moment de lecture.

Si cet animal mythique vous intéresse, c’est un livre à découvrir assurément! 

Le Bison d’Amérique, Jean-Pierre Sylvestre, éditions du Septentrion, 188 pages, 2012

Curieuses histoires de plantes du Canada, tome 2: 1670-1760

Un botaniste itinérant décrit une plante canadienne devenue nuisible à l’échelle mondiale ; une plante grimpante nommée Canada envahit l’Europe ; un poète chirurgien savoure une limonade d’eau d’érable ; des cucurbitacées sauvages canadiennes cultivées en Bavière ; de l’usage et des prix de drogues canadiennes… Des médecins du roi, des chirurgiens, des apothicaires, des agronomes, des botanistes, des militaires, des administrateurs, des entrepreneurs, des missionnaires et des religieuses se familiarisent avec les plantes nord-américaines et leurs usages, souvent médicinaux, inspirés de pratiques amérindiennes. En continuité avec le premier tome, les auteurs couvrent la période du Régime français à travers 29 histoires vulgarisées qui mettent à l’avant-scène savants et autres personnages œuvrant en Nouvelle-France et dans divers pays d’Europe. Une histoire innovatrice et fascinante.

Cet ouvrage fait partie de la très belle collection Curieuses histoires de plantes qui comprend quatre tomes dont un cinquième sortira prochainement. J’avais apprécié le premier tome, dans lequel j’avais appris de nombreuses choses. J’aime beaucoup cette série que je laisse à portée de main sur la table et dans laquelle je me plonge pour un ou deux chapitres de temps en temps. C’est donc une lecture que je fais sur plusieurs mois. Je trouve que le genre d’ouvrage s’y prête bien puisqu’il est une mine d’informations sur les plantes, la culture, la vision de l’Europe sur nos plantes à nous lors de la colonisation, les herbiers, les plantes médicinales, les connaissances autochtones, etc. C’est passionnant, mais très dense, c’est pourquoi je préfère une lecture sur le long terme.

Les livres sont visuellement très beaux, avec des reproductions en couleurs de dessins botaniques d’époque et de nombreux encadrés anecdotiques. On apprend une foule de choses aussi utiles et intéressantes que curieuses. L’ouvrage est agréable à feuilleter aussi par son format: assez grand et plutôt carré. Ce second tome regroupe 29 histoires relatant des découvertes ou expliquant des usages des plantes du Canada de 1670 à 1760.

Saviez-vous par exemple que la sève d’érable était surtout utilisée en médecine à l’époque? Que le plus vieux livre de botanique médicinale écrit en Amérique l’a été au Mexique en 1552? Que le mot « lauréat » a un rapport direct avec les plantes? Qu’en 1726 on identifiait les cabarets qui vendaient de l’alcool avec des branches de pins et d’épinettes? Qu’on croyait que les gens pouvaient être affectés par l’herbe à puce juste en la regardant? Qu’en moyenne, les plantes possèdent 25 000 gènes contrairement à 22 000 pour l’humain?

C’est fou comme les plantes et leur histoire ont des choses fascinantes à nous apprendre. De mon côté, je poursuis la découverte des plantes avec le troisième tome que je vais débuter bientôt. 

Je vous laisse sur une citation de John Evelyn, qui me parle naturellement beaucoup et que je trouve appropriée: « Mieux vaut être sans or que sans arbres ».

Curieuses histoires de plantes du Canada, tome 2: 1670-1760, Alain Asselin, Jacques Cayouette et Jacques Mathieu, éditions du Septentrion, 328 pages, 2015

L’invention de la littérature québécoise au XIXe siècle

Du premier roman, L’Influence d’un livre, en 1837 jusqu’à l’internement d’Émile Nelligan en 1899, le XIXe siècle est d’une effervescence exceptionnelle. Claude La Charité évoque les artisans hauts en couleur de cette nouvelle littérature, entre originaux et détraqués: poseur de bombe puante, notaire en pantoufles, patriote enragé, abbé voyageur, shérif hors-la-loi, sosie de Victor Hugo, romancière en eaux troubles et génie précoce.

J’ai adoré L’invention de la littérature québécoise au XIXe siècle de Claude La Charité. C’est une lecture vraiment très intéressante et très accessible aussi. Même si vous n’êtes pas familiers avec les fondations de la littérature québécoise, ce livre se dévore comme un roman. Il nous raconte une foule de choses passionnantes sur ces auteurs choisis et leurs œuvres. Ça m’a donné envie de lire et relire de nombreux auteurs fondateurs de notre littérature. 

L’auteur nous offre, en quatre parties, une introduction éclairante sur les débuts de notre littérature. Et c’est passionnant! L’auteur nous amène sur les traces de Philippe Aubert de Gaspé père et fils, Patrice Lacombe, l’abbé Casgrain, Joseph-Charles Taché, Louis Fréchette, Laure Conan et Émile Nelligan. Il trace le portrait de chaque écrivain, de l’importance de son œuvre, il la replace dans son contexte historique et nous parle également de l’héritage laissé par ces pionniers de la littérature, dans la culture, mais aussi dans la toponymie. Naturellement, les choix qui sont faits ici, sont clairement expliqués en début d’ouvrage et n’aspirent pas à être exhaustifs. 

Le livre est truffé d’anecdotes vraiment très intéressantes. Saviez-vous par exemple que c’est un abbé qui a été le premier critique littéraire québécois et qu’il a sans doute été l’écrivain le plus prolifique de son temps? Que c’est à Taché que l’on doit une partie de notre toponymie puisqu’il a contribué à diffuser dans son livre, tout un vocabulaire en lien avec la foresterie et les bûcherons? Que Laure Conan a été la première écrivaine québécoise à vivre de sa plume et à remporter le prix de l’Académie française?

Chaque chapitre du livre se termine par une section « suggestions de lecture ». J’ai noté une foule de titres et je compte bien me faire une liste et en lire un de temps en temps. C’est d’ailleurs un des gros points forts du livre de Claude La Charité: il a un talent certain pour nous donner envie de TOUT lire. J’adore quand un ouvrage nous amène à en découvrir d’autres. 

J’ai passé un excellent moment avec cet ouvrage. Il est court (moins de 160 pages) mais offre une excellente introduction qui donne assurément envie de se pencher sur les débuts de notre littérature. Je ne peux que vous le conseiller!

L’invention de la littérature québécoise au XIXe siècle, Claude La Charité, éditions du Septentrion, 162 pages, 2021

Pêcheur normand, famille métisse

Cette histoire sociale de la baie des Chaleurs durant le régime français place en son centre ses premiers habitants perma­nents d’origine française et leur famille métisse. La famille Mallet est l’une des rares dont on connaît les antécédents et le parcours. Dans cet ouvrage, Marc-André Comeau explore le mode de vie, le milieu et les principaux évènements historiques qui ont façonné la vie de ces pêcheurs estivaux qui trappaient l’hiver venu. Au fil des décennies, ils développent une identité qui leur est propre et qui émergera dans toute sa différence durant la guerre de Sept Ans. Pendant ce conflit, les forces françaises et britanniques, ainsi que les Acadiens nouvellement arrivés à la baie, vont rapidement mettre en relief les particularités de cette petite communauté qu’on ne réussit pas à «classer». On utilise alors des vocables tels que Normands, Mistifs, Créoles ou «half-breeds» pour décrire ces habitants aux origines mixtes. Depuis, ce groupe singulier s’est lentement amalgamé à la population environnante.

Pêcheur normand, famille métisse est un ouvrage qui raconte l’histoire des ancêtres Normands des Mallet d’Acadie. Un livre qui nous plonge dans les années 1680 à 1763 dans la vie quotidienne des pêcheurs. On apprend une foule de choses sur leur façon de vivre de l’époque. C’est la petite histoire des gens qui forment, finalement, la grande histoire de cette période en Acadie.

Au tout début du livre, j’avais l’impression d’être totalement plongé dans la généalogie de la famille Mallet. Mais au fil des pages, on réalise que l’auteur nous convie aussi à tout un pan de l’histoire de pêcheurs courageux et vaillants, qui ont tout donné pour réussir à avoir une vie décente en travaillant sur les bateaux. On voit de quelle façon ils ont colonisé ces lieux, ce qu’ils ont vécu, par quelles épreuves ils ont dû passer. On apprend de quelle façon fonctionnait la hiérarchie entre les pêcheurs, selon les prises et le temps qu’ils pouvaient mettre à pêcher. Une partie de l’équipage demeurait ici, alors que certains repartaient. Les pêcheurs pouvaient donc passer plus de temps ici et sur la mer, parfois des années, plutôt qu’avec leur famille sur le vieux continent.

À partir de là, on constate à quel point ce métier était difficile pour la famille qui demeurait au pays. Tout comme elle était difficile pour ceux qui choisissaient de venir s’installer en Acadie. Les pêcheurs pouvaient aussi être réclamés pour participer à des guerres et subissaient bien souvent les attaques des anglais. Leurs outils étaient détruits, il ne leur restait plus qu’à tout recommencer. On vit dans ce livre les liens entre les français et les anglais, les combats pour les territoires de pêche, la piraterie. On apprend énormément de choses sur la façon dont ce mode de vie affectait les familles et les naissances, l’impact des conditions météorologiques sur le quotidien, les famines. On voit à travers leur histoire, les conditions de travail souvent pénibles, la compétition entre les pêcheurs, les rares bénéfices, le salaire final souvent insuffisant, les conditions déplorables de vie. C’était définitivement un monde très dur, caractérisé par les longues heures de travail.

« Nous avons déjà mentionné précédemment deux transactions impliquant François Larocque qui, dans un premier cas, avait offert du poisson en échange de sel et, dans un deuxième cas, s’était départi d’une paire de souliers pour obtenir du tabac. Il faut dire qu’à cette époque la monnaie courante et trébuchante est quasi absente et le troc associé au crédit est le moyen d’échange commercial prédominant. »

Ce que j’ai beaucoup aimé de ce livre, c’est tout ce qu’on apprend en parallèle: l’histoire des premiers colons et de la colonisation. Les déserteurs, les pêcheurs, les alliances avec les autochtones. Le métissage est beaucoup plus abordé au fur et à mesure qu’on avance dans le livre. On constate de quelle façon les liens entres les autochtones et les français se tissaient, la présence de la religion et sa façon de percevoir les autochtones, le jugement racial. On perçoit les différentes réalités au niveau des relations et des alliances entre blancs et autochtones.

J’ai appris énormément de choses intéressantes. Le livre regorge de faits étonnants et passionnants. C’est un ouvrage d’une grande richesse qui nous plonge dans un pan de notre histoire et nous permet de vivre le quotidien et les mœurs de l’époque: la façon de penser, de vivre et d’être, le travail de la pêche, la conservation des aliments, la vie familiale, le peuplement. Ces gens ont du bûcher quotidiennement pour simplement survivre. Dans ce livre, nous sommes témoins des changements survenus après l’installation des pêcheurs en Acadie, la vie sur l’eau, mais aussi comme cultivateurs. À travers la famille Mallet on vit ce que nos ancêtres ont pu vivre. En documentant la famille Mallet, l’auteur nous permet de plonger dans le quotidien de toute une époque.

« Leur engagement, en temps de paix, était habituellement volontaire. Lors d’une guerre, s’il manquait de marins pour compléter les équipages des vaisseaux du roi, des hommes de la marine royale procédaient régulièrement à la Presse dans un des villages du littoral. Celle-ci consistait en fait un enlèvement pur et simple d’hommes se trouvant malencontreusement sur le chemin des troupes de levées. On pouvait même aller jusqu’à boucler un port ou un village en entier et embarquer tous les jeunes gens valides en âge de connaître l’aventure. Cette méthode, quoiqu’expéditive, se soldait par des équipages inexpérimentés dont le taux de désertion était élevé. »

J’aime la généalogie et j’ai trouvé fascinant de découvrir la famille Mallet à travers une longue période. L’auteur aborde aussi l’histoire des déportations des acadiens. C’est un ouvrage qui nous touche. Je ne suis pas particulièrement fan des bateaux et de la pêche, mais j’adore l’histoire des gens et des sociétés. À ce niveau, le livre de Marc-André Comeau est exceptionnel. On vit littéralement le quotidien de ces pêcheurs de Normandie qui se sont installés ici.

Une histoire qui a des liens étroits avec notre propre histoire. Un ouvrage captivant parce que l’on apprend toujours quelque chose. Bien documenté, le livre est accompagné de quelques images, mais surtout de cartes pour mieux se situer. C’est un livre vraiment intéressant pour ceux qui veulent connaître l’histoire de la vie en Acadie et des pêcheurs. Riche et captivant!

Pêcheur normand, famille métisse, Marc-André Comeau, éditions du Septentrion, 306 pages, 2021