L’incroyable voyage de Coyote Sunrise

L'incroyable voyage de Coyote SunriseCoyote, douze ans, vit avec Rodeo, son père, dans un bus scolaire. Ensemble, ils sillonnent les États-Unis au gré de leurs envies, embarquant parfois quelques autostoppeurs à l’âme en peine. Quand Coyote apprend que le parc de son enfance va être détruit, elle décide de tenter l’impossible : traverser le pays en moins de quatre jours pour arriver avant les bulldozers. Un défi de taille, puisque Rodeo a juré de ne jamais retourner sur les lieux qui abritent leurs plus précieux souvenirs. Mais le voyage est parfois plus important que la destination…

En commençant L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, je n’étais pas du tout certaine de ma lecture, mais je me suis vite prise au jeu. Coyote a douze ans. Elle vit dans un bus surnommé « Yageur », avec son père Rodeo, un hippie hirsute aux yeux très spéciaux, et Ivan, un adorable chaton, qui se joindra au duo au tout début du périple.

Ce roman jeunesse met en avant la différence de mode de vie, mais aussi l’amitié, la fuite et surtout le deuil. Le périple de Coyote et son père prendra un nouveau sens quand Coyote apprend que le parc de son enfance va être détruit. C’est alors une course contre la montre pour revenir à temps avant la destruction de cette petite forêt sauvage qui représente tant pour elle. Si je croyais lire un roman écologique sur la sauvegarde de la nature, ce n’est pas du tout ce que j’ai trouvé entre les pages, mais c’est tout aussi bien. C’est l’histoire d’une reconstruction, bourrée d’émotions, de rires, de larmes et d’amitié rencontrées au fil des kilomètres.

Coyote et Rodeo sillonnent les routes depuis déjà un bon moment. Leur vie est là, dans un bus converti en maison. Si tout semble aller pour le mieux, on réalise bien rapidement que Coyote ne vit pas les choses de la même façon que son père. Sur les routes, Coyote et son père rencontrent toutes sortes de gens, qu’ils finissent par prendre avec eux dans le bus. Des âmes esseulées, en difficulté, fuyant tout, comme Rodeo et Coyote, une vie dont ils ne veulent pas. Parfois, affronter ce qui nous fait le plus mal est aussi une façon d’avancer.

« Parfois, faire confiance à quelqu’un est la chose la plus terrifiante qui soit. Mais tu sais quoi? C’est bien moins effrayant que d’être toute seule. »

Malgré la gravité des sujets abordés, ce roman est très estival et vraiment lumineux. C’est beau, réconfortant et émouvant. J’ai vraiment apprécié ma lecture, parce que le roman nous fait vivre de nombreuses émotions et que l’humour est aussi bien présent. Ce qui est vraiment amusant dans ce livre, ce sont les jeux de mots entre Coyote et son père, leurs particularités très attachantes et leurs réparties. Il y est beaucoup question de livres aussi. Rodeo pose d’ailleurs trois questions aux potentiels auto-stoppeurs qui pourraient se joindre à eux une partie du voyage, dont l’une d’elle est « quel est ton livre préféré ?».

« Rien de mieux qu’un bon livre pour réunir deux personnes. »

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise est un roman qui se lit avec bonheur, parce que l’auteur réussit le pari d’aborder des sujets douloureux, avec humour et beaucoup d’humanité. C’est vivant, ça donne envie de profiter de la vie. Il y a quelque chose de très réjouissant dans le voyage complètement fou accomplit par Coyote et Rodeo, qui est autant métaphorique que réel. Les routes empruntées sont autant de passages vers leur vie réelle et l’acceptation de ce qu’il est impossible de changer. C’est un roman sur la vie, sur le fait de faire face aux événements et d’en guérir. Un très beau roman!

Et vous, avez-vous envie de voyager pendant un moment aux côtés de Coyote, Rodeo, Ivan, Lester, Salvador, Val et plusieurs autres personnages hauts en couleurs? Tout le monde à bord de Yageur pour un voyage particulier et touchant, plein de péripéties toutes plus incroyables les unes des autres!

L’incroyable voyage de Coyote Sunrise, Dan Gemeinhart, éditions Pocket Jeunesse, 416 pages, 2020

Publicité

La chance vous sourit

la chance vous souritTour à tour grinçantes, bouleversantes, drôles et déchirantes, ces six novellas offrent au lecteur une nouvelle façon de voir le monde, s’imposant chacune comme un bijou de subtilité et d’intelligence. On y croise notamment un ancien gardien de prison de la Stasi, qui reçoit devant sa porte d’étranges colis anonymes tout droit venus du passé ; deux déserteurs ayant fui la Corée du Nord et son régime totalitaire pour tenter de reconstruire leur vie à Séoul ; un homme en plein désarroi face à la grave maladie de sa femme, qui ressuscite à la vie sous forme d’avatar le président américain récemment assassiné afin de profiter de ses conseils ; ou encore un livreur UPS à la recherche de la mère de son fils de deux ans après que celle-ci a disparu en Louisiane lors du passage de l’ouragan Katrina…

Ce recueil de nouvelles est très particulier, du moins sa lecture l’a été pour moi. J’adore les nouvelles en général et découvrir un nouvel auteur qui en écrit me plaît toujours beaucoup. Surtout quand il est talentueux. Et c’est le cas d’Adam Johnson.

Les nouvelles de ce recueil sont loin d’être joyeuses, mais elles sont écrites avec un talent certain, c’est indéniable. Il y a quelque chose dans la plume de Johnson qui va puiser au fin fond de l’être humain, dans les éléments les plus déstabilisants et dérangeants. Il y est beaucoup question de couples qui se déchirent, de vie de famille malheureuse, de la maladie qui prend possession de toutes les infimes parties de la vie, de pauvreté, de catastrophes à petite et grande échelle, de l’humain en général et de sa propension à réfléchir à la mort. Ce sont des nouvelles qui abordent la détresse, où les personnages tentent de s’adapter à de nouvelles situations difficiles.

« Dans la vie, beaucoup de décisions importantes sont prises à notre place. »

Le recueil contient six longues nouvelles, ou novellas. Voici un petit récapitulatif de chacune des histoires:

Nirvana
Cette histoire douce-amère, entre émerveillement, maladie et technologie, nous présente un homme dont la femme est clouée au lit, paralysée et sans aucune sensation. Ayant une peur terrible qu’elle se suicide, il cherche refuge dans la technologie en créant un programme permettant de converser avec le défunt Président du pays. Une nouvelle à la fois triste et troublante qui parle du quotidien et d’une vie de couple complètement chamboulée, où la musique de Nirvana et surtout, Kurt Cobain, tient une très grande place.

Ouragans anonymes
Nonc vit dans sa camionnette UPS avec son fils de deux ans, depuis le passage de l’ouragan Katrina et la disparition de la mère de son fils qui s’est volatilisée. Nonc la cherche, tout en tâchant de s’occuper de son fils « en attendant » et de livrer ses paquets dans un monde dévasté, rempli de détritus. Entre les poubelles des uns et le dénuement des autres, quelques minuscules lueurs d’espoir et de lumière.

Le saviez-vous?
Une femme raconte l’année de sa maladie, sa chimio et  ses traitements. Elle parle de sa famille, en observatrice extérieure, de leur façon de se comporter depuis l’annonce de sa maladie. Sa plus jeune fille est passée par une phase « Le saviez-vous? », alors qu’elle annonçait toujours, au détour d’une conversation, un fait étonnant, précédé de la fameuse phrase. Ici, elle est reprise par sa mère dans sa façon de raconter. Une histoire amère, qui parle de la vie familiale, la vie de couple et la relation difficile entre deux écrivains.

George Orwell était un de mes amis
Un ancien directeur de prison délaissé par sa femme et sa fille, reçoit d’étrange colis. Parallèlement, il confronte de nombreuses personnes qui sont passées par la prison qu’il dirigeait: d’anciens détenus, des collègues ou alors des guides lors de visites scolaires, depuis que la prison est devenue un lieu de mémoire. Il vit complètement en décalage avec ce qui se passe autour de lui. Cette nouvelle est sans doute l’une des plus dérangeante du recueil, avec la suivante, Prairie obscure.

Prairie obscure
Cette histoire met en scène un homme qui tente désespérément de contrer ses pulsions. Il a créé une affaire de dépannage informatique où il tente de « lutter » contre le fléau de la pornographie infantile. Sa façon de confronter les utilisateurs de ces photos illégales ou de s’occuper de ses petites voisines laissées à elles-mêmes, agissent comme une sorte de catharsis chez lui. Nouvelle troublante…

La chance vous sourit
Dans cette nouvelle qui donne son titre au recueil, deux hommes qui ont fuit la Corée du Nord, tentent de se reconstruire une vie à Séoul. Les choses ne sont pas faciles, car au-delà de ce qu’ils ont vécu, ils essaient de faire une croix sur le passé pour tenter de vivre une vie nouvelle dans un endroit beaucoup plus libre que ce qu’ils connaissaient. Le changement demande une grande dose de courage et d’adaptation.

Comme vous le constatez avec les résumés, les sujets sont assez sombres, très peu joyeux. Je reconnais totalement le talent de l’auteur pour écrire. Les nouvelles sont marquantes et abordent des sujets difficiles, des situations particulières qui présentent toutes une gamme d’émotions différentes. L’auteur pousse plus loin en instaurant à la fois un malaise chez le lecteur et un sentiment de tristesse. Il faut avoir une plume particulièrement convaincante pour réussir à écrire de cette façon.

« Les choses les plus vitales, on les cache à tout le monde y compris à soi-même. »

Les sujets abordés sont souvent très dur. La maladie, l’éclatement du couple, la détresse et une certaine forme de violence que les personnages s’infligent moralement. Je n’ai pas trouvé cette lecture « facile » à cause des sujets abordés, mais je dois dire que j’ai été souvent fascinée par la gravité des thèmes et surtout par la façon dont l’auteur les aborde. D’une façon dont on ne s’y attend pas. C’est sans doute ce qui fait le talent de l’auteur. Sa plume est dérangeante.

Dans l’ensemble, j’ai bien aimé cette lecture justement à cause de ce que l’auteur réussit à instiller au lecteur. Ce petit malaise et cette fenêtre immense ouverte sur la vie privée des personnages. C’est assez troublant. Les thèmes par contre, ne sont pas forcément ceux que j’aime particulièrement lire. C’est assez sombre et peu positif. Les histoires sont dramatiques, les personnages subissent toutes une série de malheurs auxquels ils doivent faire face. Son traitement du genre humain est particulièrement frappant de justesse.

« Nonc se demande si c’est vraiment possible, qu’il n’y ait aucune trace de l’existence d’une personne. Peut-être bien que oui si ta vie est suffisamment merdique, si tu vis complètement à la marge. »

Ce n’est donc pas un recueil de nouvelles très confortable. Il est dérangeant. Les personnages d’Adam Johnson nous sont assez antipathiques et ce qu’il nous raconte est troublant. J’ai aimé cette lecture pour ces raisons, même si les thèmes me rejoignent moins. Les nouvelles sont très urbaines, un peu trop à mon goût. C’est un portrait au vitriol où la beauté et la nature brillent par leur absence.

Adam Johnson a une plume particulièrement aiguisée, qui réussit à faire ressortir le côté sombre et peu avenant de l’être humain. Pour ces raisons, ces six histoires sont assez difficiles à oublier. Le titre du recueil, d’ailleurs, est plutôt ironique. Parfois, il est bon de sortir de sa zone de confort. C’est ce que nous offre ici Adam Johnson, avec beaucoup de talent.

La chance vous sourit, Adam Johnson, Éditions Albin Michel, 320 pages, 2020

Le lièvre d’Amérique

Le lièvre d'AmériqueL’organisme de Diane tente de s’adapter doucement. Elle dort moins, devient plus forte et développe une endurance impressionnante. L’employée modèle qu’elle était peut encore plus se surpasser au travail. Or des effets insoupçonnés de l’intervention qu’elle vient de subir l’affolent. L’espace dans sa tête se resserre, elle sent du métal à la place de ses os. Tout est plus vif – sa vision, son odorat, sa respiration. Comble de la panique, ses cheveux et ses poils deviennent complètement roux en l’espace d’une nuit. Et puis les mâles commencent à la suivre. Quinze ans plus tôt, Diane connaît un été marquant de son adolescence à l’Isle-aux-Grues, ces jours de grosse mer où Eugène bravait les dangers, la fascination de son ami pour les espèces en voie d’extinction et – comment s’en remettre – le soir de l’incendie. Ce roman, une fable animalière néolibérale, s’adresse à celles et ceux qui se sont égarés.

Voilà un roman intrigant. La couverture, signée Stéphane Poirier, est splendide. Le rabat offre un résumé alléchant mais énigmatique. Je ne savais d’ailleurs pas trop à quoi m’attendre en ouvrant ce roman… ce qui s’est avéré parfait finalement. Moins on en sait, mieux c’est. On se laisse porter en se questionnant sur le chemin que prend l’histoire.

En fait, le roman de Mireille Gagné est un gros coup de cœur. J’ai commencé ma lecture en pensant ne lire qu’un chapitre ou deux, vu qu’il était tard. Eh bien, je n’ai pas pu lâcher le livre! Si particulière, si intrigante et si fascinante est l’histoire de Diane, sorte de fable animalière qui éclaire nos vies de fou.

Le roman a une construction particulière. J’aime les livres particuliers, surtout quand ils parlent de nature, de faune, de flore. Le roman est raconté en alternant différents modes de narration. Il y a toujours un chapitre qui parle du lièvre d’Amérique. Son habitat, son environnement, sa façon de se comporter, de vivre, de se reproduire, de combattre ses prédateurs ou de s’alimenter.

« À l’opposé de son cousin le lapin, le lièvre préfère fuir plutôt que de se cacher pour échapper aux prédateurs. »

Suit toujours un chapitre qui parle de l’adolescence de Diane à l’Isle-aux-Grues, alors qu’elle fait la rencontre d’Eugène, un garçon fascinant, débarqué du jour au lendemain avec sa famille. Passionné par les différentes espèces, il parcourt l’île afin de sauver les animaux coincés dans des collets et documenter les espèces d’oiseaux.

« Je me demande ce que ça fait en dedans, savoir qu’on est en voie de disparition. »

La dernière portion parle de Diane, aujourd’hui, et du nombre de jours depuis son opération ou avant son opération. Le texte est écrit différemment, presqu’à bout de souffle. On apprend à mieux connaître le personnage et ce qu’est sa vie. Souffrant d’anxiété de performance, étant une accro au travail, sa vie ne tourne qu’autour du bureau et de la réussite. Son quotidien est réglé comme du papier à musique.

« Que font les gens dans leur maison pour se distraire? Pour tuer le temps? Chaque fois qu’elle croise un de ses collègues qui quitte le bureau plus tôt que d’habitude en fin de journée, elle se questionne. Quelles raisons, quels passe-temps, quelles tâches et obligations les accaparent chez eux et leur font quitter le travail prématurément? Arrivent-ils à supporter le silence? L’ennui? »

Le roman est donc construit autour de ces trois parties: le lièvre, l’adolescence à l’Isle-aux-Grues et le quotidien de Diane aujourd’hui. Les chapitres alternent, passant d’une partie à une autre, au fil du texte. Si le début du livre est intrigant et qu’on a l’impression d’avancer à tâtons tant l’intrigue est particulière, les pages se tournent littéralement toutes seules.

L’atmosphère qui se dégage des différentes portions de texte est très différente. Chaque partie forme assurément un tout qui rend le texte de plus en plus fluide et compréhensible à mesure que l’on avance, même si le contraste est bien marqué entre les différentes étapes de vie. Tantôt ancrée dans la nature et le mystère, tantôt perdue dans les méandres du travail et de la productivité, la vie de Diane a grandement changée avec les années, la laissant perdue et désorientée. La fuite et la sensation d’égarement sont au centre même de ce roman qui prend des allures de fable. J’ai adoré les petites précisions à la fin du livre qui éclairent totalement toute l’histoire.

« Diane ne se souvenait pas de cette impression de faire entièrement partie du paysage, de la proximité des grandes oies des neiges, comme si elles piétinaient sa peau. C’est sûrement ça qu’elle avait oublié en partant subitement. L’appartenance. »

Gros coup de cœur pour ce livre si particulier et si fascinant, qui utilise l’imaginaire des légendes pour jeter un regard si juste sur notre vie d’aujourd’hui. Une vie souvent trop remplie, où la performance est primordiale. Une vie qui va trop vite et qui nous fait perdre de vue l’essentiel. Sans doute la plus belle surprise de cette rentrée littéraire!

Un roman que je relirai assurément!

Le lièvre d’Amérique, Mireille Gagné, Éditions La Peuplade, 184 pages, 2020

Jackaby

JackabyAbigail Rook, 17 ans, débarque en Amérique. La tête pleine de rêves d’ailleurs, elle espère vivre l’aventure avec un grand A. Elle fait la connaissance d’un étrange personnage, Jackaby, qui lui offre un emploi. Détective doué de facultés de médium, il est capable de voir les phénomènes surnaturels. Pour sa première mission, Abigail accompagne son nouveau patron sur les lieux d’un crime particulièrement sanglant. Jackaby soupçonne l’assassin de ne pas être humain, ce que la police refuse de croire. Mais les meurtres s’enchaînent et confirment les soupçons du détective…

Jackaby est le premier tome d’une série qui compte trois aventures pour le moment. Le livre peut cependant se suffire à lui-même puisque l’histoire qu’il raconte, est prenante. Nous sommes en 1892 en Nouvelle-Angleterre à la fin janvier, dans la petite ville de New Fiddleham. Abigail Rook vient de débarquer d’Angleterre. C’est un personnage féminin fort, qui ne veut pas se contenter d’observer ce qui se passe autour d’elle. Elle veut plutôt en faire partie. Fascinée par l’aventure, elle s’est enfuie de chez elle pour participer à des fouilles sur les dinosaures. Projet qui n’a pas fonctionné. Au lieu de reprendre une vie normale, celle qu’on attend d’elle, elle s’embarque pour l’Amérique. C’est là qu’elle fait la connaissance de Jackaby, un enquêteur pour le moins… particulier.

C’est en répondant à une petite annonce pour avoir du travail (et accessoirement pouvoir avoir un toit au-dessus de la tête) que le destin d’Abigail croise celui de Jackaby. Sa petite annonce pour pourvoir un poste d’assistant est aussi étrange que le personnage. L’univers de Jackaby est vraiment spécial et baigne en permanence dans le spectaculaire. Si Abigail est un peu sceptique au début, elle se passionne rapidement pour tout ce qui touche aux affaires dont s’occupe de détective. Elle veut de l’aventure, elle ne veut plus s’ennuyer en restant tranquillement chez elle. Jackaby lui offre en quelque sorte tout ce qu’elle a toujours voulu. De l’original et de l’inattendu.

« Jackaby, je le découvrais rapidement, avait la capacité d’ouvrir ce recoin de mon cerveau. Un recoin petit et calme, à l’intérieur duquel j’avais vécu quand j’étais plus jeune. Là, tout était possible; la magie n’était pas une improbable rêverie diurne, mais un fait concret et évident… qui était simplement hors de portée. »

Jackaby trimbale toutes sortes de choses étranges dans ses poches, vit dans une grande maison avec un canard et un fantôme. Il a un ordre de classement particulier pour ses livres, voit les auras colorées des gens et sait reconnaître les ombres, les monstres et la mort dans le monde dans lequel nous vivons. Ce que le commun des mortels ne peut déceler.

« J’ai cessé de me préoccuper de la façon dont les autres voient les choses. Je vous suggère de faire de même. L’expérience m’a appris que les autres ont tort le plus souvent. »

Jackaby n’est pas très apprécié par la majorité des gens. Il dérange les policiers, les gens le croient fou. On se moque de ses « visions » et de ce qu’il peut voir. Il est souvent perçu comme un intrus qui ne se soucie pas des lois, comme quelqu’un qui ne comprend rien au monde dans lequel il vit. C’est un marginal et un original. C’est sans doute la raison pour laquelle je l’ai tout de suite aimé. Abigail découvre en même temps que nous ce personnage haut en couleurs et les descriptions qu’elle en fait son souvent loufoques et amusantes, mais aussi touchantes. La jeune femme est sensible à ce que peut vivre Jackaby, avec ses capacités hors du commun.

 » Un frisson glacé me parcourut l’échine. Au-delà de l’étrangeté même du spectacle, il y avait quelque chose de profondément perturbant dans les cris muets de cette femme. Un indéfinissable spasme de chagrin et de terreur me traversa. Était-ce cela, la vie que menait Jackaby? La mort, la folie et le désespoir qui l’attendaient derrière chaque porte? »

Quand des décès particulièrement étranges commencent à se produire dans la petite ville de New Fiddleham, Jackaby apparaît sur les lieux en traînant dans son sillage Abigail. Elle se retrouve alors plongée dans une enquête pour meurtre qui prend des proportions vraiment particulières, surtout quand elle commence à réaliser que le monde ne se limite peut-être pas à ce que l’on perçoit…

« Je me sentais toujours un peu stupide de parler de légendes populaires délirantes et de meurtres dans le même souffle. »

L’enquête est intéressante et il y a un petit suspense, mais ce n’est pas tant pour l’enquête que pour l’ambiance et les particularités du monde de Jackaby que j’ai pris plaisir à cette lecture. On y croise toutes sortes de créatures issues des légendes, fascinantes et impressionnantes. Quant à Jackaby, c’est une sorte de Sherlock Holmes du fantastique et il me plaît beaucoup! Il est intéressant que ce soit une personne extérieure, Abigael, qui raconte l’histoire de Jackaby, un peu comme c’était le cas entre Sherlock Holmes et le Docteur Watson.

Un roman jeunesse bien plaisant à lire et que je vous conseille si le genre vous intéresse. C’est un premier tome qui me donne vraiment envie de découvrir les autres!

Jackaby, William Ritter, éditions Bayard, 352 pages, 2018

Route End t.7

Route end 7Après avoir passé des mois à investiguer, la police réussit enfin à mettre la main sur l’insaisissable End… Mais lorsque son identité est révélée, le choc est immense pour Taji ! Commence alors une véritable descente aux enfers pour la famille Haruno, harcelée par les proches des victimes et par les journalistes…Tandis que le nettoyeur de cadavres perd pied face à l’horrible vérité, les enquêteurs étudient le profil du meurtrier : qu’est-ce qui a bien pu pousser un homme au comportement en apparence exemplaire à devenir un serial killer ?

Après les révélations du tome précédent, ce septième tome est une sorte de livre charnière entre les dernières découvertes et le huitième et dernier tome.

On plonge ici directement dans le passé pour suivre différents personnages: Taiji en adolescent rebelle, son frère Masato tranquille et timide, tout son contraire, ainsi que la façon dont les frères ont connu Aoi. On voit l’évolution des personnages qu’on a apprit à connaître adultes au fil des tomes. Ici, Taiji se rebellait contre l’autorité, vivait plus difficilement le suicide de sa mère, se teignait les cheveux (alors que c’était interdit à son école). Cette plongée dans le passé est très intéressante puisqu’elle nous permet de remettre en question certains comportements des personnages et de mieux comprendre l’évolution de l’histoire.

Les conséquences des gestes de End et des crimes qu’il a commit se répercutent sur de nombreux personnages du manga. Taiji écope beaucoup et il vit cette situation vraiment difficilement. Les messages haineux, les violences envers l’entourage de End sont très pénibles à vivre. La situation est épouvantable et occasionne tellement de souffrance qu’il est difficile de vivre au quotidien de façon « normale ». Faire ses courses par exemple devient un moment intensément compliqué où les personnages se font dévisager, insulter et malmener.

Le manga s’attarde ensuite à faire une présentation de toutes les victimes, de leur vie avant de croiser la route de End. L’auteur nous amène aussi dans la salle d’interrogatoire où les paroles du tueur sont décortiquées pour tenter d’expliquer la violence de ses gestes. On lui fait finalement cracher le morceau pour donner une sorte d’explication à ce qu’il a fait. Le casse-tête se met en place au fil des pages.

Le déroulement des tomes 6 et 7 donne vraiment envie de lire le dernier tome pour savoir vraiment comment toute cette enquête se terminera. On se questionne à savoir si l’auteur nous mène en bateau, s’il y aura d’autres rebondissements (ou pas) et quel sera le dénouement final pour les personnages.

Vivement le tome 8!

Mon avis sur les autres tomes de la série:

Route End t.7, Kaiji Nakagawa, éditions Ki-Oon, 192 pages, 2020