Quelques jours avant Halloween, la foire est arrivée à Green Town en pleine nuit, dans un train mystérieux. Jim et Will ont entendu le chant de l’orgue et le sifflet du train, ils ont vu la foire débarquer. Seuls témoins d’événements inquiétants, ils savent qu’elle a de noirs desseins. Un carrousel qui, en tournant à rebours, inverse le cours du temps, la plus belle femme du monde endormie dans un bloc de glace, un homme qui a le pouvoir d’exaucer les vœux les plus fous… Telles sont les attractions de cette foire de cauchemar.
J’adore lire Bradbury à l’approche de l’Halloween. Plusieurs de ses romans proposent un univers qui fonctionne bien en cette période de l’année. J’étais donc très contente de retrouver sa plume cette année encore. La foire des ténèbres est un roman magnifique sur les peurs, l’adolescence et le fait de vieillir. Ray Bradbury nous offre une atmosphère onirique et une plume poétique bien différente de ce qu’on peut lire généralement dans le même genre.
« Minuit donc! Les pendules de la ville trottinaient vers une heure, puis vers deux, trois et enfin l’aube. Chaque sonnerie des grands carillons secouait la poussière des vieux jouets entassés dans les greniers et faisait surgir des rêves d’horloges dans tous les lits où dormaient des enfants. »
À quelques jours de l’Halloween, une foire arrive à Green Town en pleine nuit. Jim et Will qui sont amis et voisins, entendent le bruit de l’orgue et du train et assistent à l’arrivée de la troupe. Une foire étrange, qui donne froid dans le dos. Quand le marchand de paratonnerre disparaît, puis l’institutrice, que les deux amis font la connaissance des personnages qui peuplent la foire, ils commencent à être effrayés. Cette foire propose de drôles d’attractions: un carrousel qui permet d’inverser le cours du temps, une femme magnifique endormie dans la glace, un homme électrique qui ressuscite, des manèges en réparation qui ne le sont pas vraiment, une sorcière qui survole la ville en ballon… Le décor est planté pour une Halloween mystérieuse et effrayante!
« Il faut se méfier des gens d’octobre. »
Avec l’aide du père de Will, Charles, gardien de la bibliothèque, les deux garçons vont tenter de comprendre ce qui se passe dans leur ville et essayer de survivre. J’ai adoré la relation entre Will et son père. C’est un homme rêveur et secret, qui a eu son fils tard. C’est un homme blessé qui vit mal le fait de vieillir. Ce rapport au temps, contrastant avec la jeunesse des adolescents et avec ce que propose la foire, est intéressant. Les forains tenteront d’en profiter, en croyant qu’il est une proie facile. Tout comme les deux garçons.
Le livre est construit en trois parties, de façon à suivre l’évolution et les déplacements de la foire des ténèbres: Arrivées, Poursuites, Départs. L’histoire évolue autour de ces grands axes, selon les péripéties que vivent Will et Jim, accompagnés de Charles qui deviendra un personnage important et attachant, malgré sa douce mélancolie.
« Will se dit que dans peu de temps la lumière s’allumerait à la fenêtre de la bibliothèque, à l’autre bout de la ville. Quand les rivières débordaient, quand le feu tombait du ciel, qu’il faisait bon se réfugier dans la bibliothèque, dans ses salles innombrables, au milieu de ses livres! Et, avec un peu de chance, personne ne vous y retrouverait. »
Gardien et concierge de la bibliothèque, il vit un peu dans son monde, jamais bien loin de toutes les légendes qui se matérialiseront devant lui. Le père et le fils ont des points en commun: pendant que le père profite de la bibliothèque la nuit, son fils s’évade par la fenêtre avec son ami.
« En regardant les deux garçons disparaître, Charles Halloway réprima une furieuse envie de courir avec eux, de tout abandonner. Il savait ce que le vent leur apportait, où il les emmenait… vers tous ces endroits secrets qui cessaient de l’être quand on avait grandi. »
Avec ce livre, Bradbury puise dans les peurs ancestrales et les vieux mythes pour créer une foire des ténèbres terrifiante. Au fil des pages, on a l’impression d’être dans un rêve, sombre, brumeux. Chaque fois, c’est particulier. On retrouve un peu le même genre d’univers que dans L’arbre d’Halloween ou Le pays d’octobre. Des livres parfaits en cette saison. Avec La foire des ténèbres, Bradbury pose un regard plein de poésie sur la vie et le passage du temps.
Lire un Bradbury est toujours un petit bonheur et ce livre n’a pas fait exception. Un auteur qu’on devrait lire et redécouvrir, assurément!
La foire des ténèbres, Ray Bradbury, éditions Folio, 416 pages, 2006