Le Manoir Sheridan, t.2: Retour aux enfers !

Canada, 1922. Après son accident dans les eaux glacées, Daniel a eu le temps de se rétablir au Manoir Sheridan mais aussi de percer le secret de son machiavélique sauveur, Angus Mac Mahon. Cet homme mystérieux désire l’immortalité plus que tout. Et peu importe s’il doit pour cela offrir l’âme de sa nièce Edana aux forces obscures ! Sur le point d’exécuter son plan, il passe dans le monde des ténèbres afin de célébrer l’ultime cérémonie. Épris d’Edana, Daniel va devoir s’engouffrer à son tour dans cet univers cauchemardesque s’il veut la sauver… Il se lance alors sur les traces d’Angus, en compagnie de Mickhaï, le colosse un peu bourru qui travaillait au manoir. Mais plus il progresse dans l’autre monde plus le désespoir le gagne. Mickhaï l’avait prévenu, cet endroit se nourrit de nos peurs… Piégé, Daniel perd doucement courage, rongé par ses souvenirs les plus sombres. Parviendra-t-il à se dépasser pour retrouver à temps Edana et rompre le charme maléfique ?

Après avoir relu le premier tome de ce diptyque, j’ai tout de suite enchaîné avec le second. Le Manoir Sheridan est vraiment le genre d’histoire qu’il faut lire à la suite, sinon je crois que l’on perd un peu le rythme de l’histoire. Je me suis donc plongée dans celui-ci avec empressement, j’avais hâte de savoir comment se terminerait l’histoire de Daniel.

Après nous avoir laissé en haleine à la fin du premier tome, on retrouve les événements où on les avait laissés. Les péripéties se sont un peu bousculées. Émana est prisonnière de l’autre monde et doit être sauvée. Daniel, poussé par Mickhaï, décidera de partir de l’autre côté pour affronter les créatures dangereuses et contrer la cérémonie qui pourrait bien tout changer.

Cette histoire nous offre, parallèlement aux événements, une plongée dans le passé afin de mieux comprendre l’enfance de Daniel et donc, de pouvoir mieux cerner ce personnage. Les cases sont reconnaissables à leur aspect « vieilles photos » lorsqu’il s’agit du passé de Daniel. J’ai bien aimé ces ajouts, plus nombreux dans le second tome. On apprend donc à connaître ce personnage, qui me plaît bien, mais qui n’est pas un ange non plus. On découvre également, en traversant dans le monde parallèle, l’histoire de Mickhaï qui est encore plus intéressante. 

Le Manoir Sheridan est une histoire intéressante, qui nous plonge dans les années 20, avec une atmosphère particulière de vieux Manoir où se cachent beaucoup de secrets. Malédiction, monstres, monde parallèle, quêtes d’immortalité à tout prix, ambiance macabre, monde fantastique, pacte avec le diable, le Manoir Sheridan nous en fait voir de toutes les couleurs!

Toujours un coup de crayon sublime pour ce deuxième tome, beaucoup de mystères et une quête à entreprendre. On baigne dans la magie (noire), l’ambiance rappelle les légendes et le monde parallèle est terrifiant. Comme toujours, je suis sous le charme des dessins qui nous montrent le Manoir sous la neige. C’est si beau! J’ai particulièrement aimé que l’histoire se déroule chez nous, dans les années 20, même s’il n’y a pas beaucoup de caractéristiques spécifiques à notre coin du monde et à l’époque. 

Une bande dessinée que je conseille assurément! Par contre, ayez en main les deux tomes. C’est plus agréable et beaucoup moins frustrant!

Le Manoir Sheridan, t.2: Retour aux enfers !, Jacques Lamontagne, Ma Yi, éditions Vents d’Ouest, 56 pages, 2022

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Le Manoir Sheridan t.1: La Porte de Géhenne

Québec, Canada 1922. En fuite après avoir volé la caisse d’un magasin général, Daniel est englouti avec son traîneau dans les eaux d’un lac gelé. Angus Mac Mahon le sauve de justesse et l’emmène dans sa demeure, le manoir Sheridan, une grande bâtisse isolée et inquiétante. Au fil de sa convalescence, Daniel va découvrir par hasard, dans une aile dont l’accès lui est totalement interdit, la nièce d’Angus, la belle Edana, plongée dans un profond état de catalepsie. Daniel va découvrir qu’il a ouvert la porte d’un monde cauchemardesque qu’il lui faudra affronter en passant un dangereux pacte avec le maître des lieux, pour défendre sa vie et celle de cette mystérieuse créature dont le charme l’a envouté…

Le Manoir Sheridan est une histoire en deux tomes écrite par Jacques Lamontagne et mise en images par Ma Yi.

J’avais lu ce livre, premier tome du diptyque, l’année dernière à sa sortie. J’avais beaucoup aimé, surtout cette ambiance un peu lugubre, avec le grand manoir, les mystères et les secrets. Quand le tome deux est paru, un an plus tard, j’ai eu envie de reprendre le premier pour les lire à la suite, ce que je trouve plus pertinent puisque l’histoire se suit à la case près. On s’y plonge alors véritablement.

Nous sommes au Québec en 1922. Daniel a un accident de traîneau sur la glace. Tout a coulé dans le lac et il y aurait laissé sa peau s’il n’avait été repêché par le majordome du maître du Manoir Sheridan, un colosse imposant et un peu effrayant. Les deux hommes du Manoir le soignent et s’occupent de lui, afin qu’il se rétablisse. Daniel reste inconscient un moment et a besoin d’une attelle pour sa jambe. Il se déplace au départ en chaise roulante. Il a besoin de soins et s’installe au Manoir pour un temps. 

Mais ces lieux aussi magnifiques que fascinants cachent de bien sombre secrets. Daniel est mis en garde de ne pas aller dans l’aile Ouest. Sa curiosité le pousse à y aller quand même et ce qu’il découvre le trouble beaucoup. Quand il aperçoit des choses étranges dans le Manoir, puis que la police vient se renseigner sur lui, Daniel tente de prendre la fuite. Mais on ne quitte pas si facilement le Manoir Sheridan…

J’ai beaucoup aimé cette lecture prenante et divertissante. C’est mystérieux et il y est aussi question de folie, d’un monde étrange, de quête d’immortalité, d’objets fantastiques et dangereux… Le diable n’est pas très loin et les forces du mal non plus. C’est une histoire intrigante pour laquelle on a envie d’avoir des réponses. C’est donc une excellente idée d’avoir déjà sous la main le tome 2.

Je dois aussi vous parler du dessin de Ma Yi, un artiste talentueux, qui a mis en images un Québec des années 20 et son monde parallèle, peuplé de créatures terrifiantes et de prophéties qui glace le sang. Le trait de crayon est beau et réaliste, les scènes hivernales sont vraiment superbes, le Manoir est majestueux (ou effrayant, c’est selon) et l’atmosphère est parfaitement bien rendue. La bande dessinée est complétée par un cahier graphique à la fin. 

Une très bonne lecture! Si vous aimez le genre d’atmosphère un peu glauque et les grandes maisons pleines de secrets, je ne peux que vous conseiller cette lecture. Je vous parle du second tome très bientôt!

Le Manoir Sheridan t.1: La Porte de Géhenne, Jacques Lamontagne, Ma Yi, éditions Vents d’Ouest, 56 pages, 2021

Motel Mystère

Emblématiques ou noyés dans le paysage urbain, les hôtels et les motels fourmillent d’histoires qui ne demandent qu’à être racontées. Annie Richard, alias la dépoussiéreuse de crimes, et son acolyte d’enquête, Jean-­Philippe Rousseau, nous entraînent dans une dizaine d’établissements québécois qui ont été le théâtre d’événements insolites. Avec minutie, ils déterrent les faits et méfaits survenus dans ces lieux qui sont loin d’être synonymes de repos. Du prestigieux Château Frontenac aux motels en bordure d’autoroute, au détour d’un corridor ou dans la quiétude d’une chambre feutrée, ils nous rappellent que tout peut survenir pendant notre sommeil… même le pire.

Je suis une grande fan du travail d’Annie Richard et de Jean-Philippe Rousseau. J’adore leur balado Rétro Crimes, qui nous amène dans des histoires criminelles et inquiétantes dans les archives historiques. J’adore l’émission Sur ta rue, où l’on découvre l’histoire inconnue de lieux de chez nous. Et j’avais adoré le livre La dépoussiéreuse de crimes. Avec Motel mystère nous plongeons cette fois dans le monde des motels et hôtels du Québec… et leurs histoires inquiétantes. Oserez-vous pousser la porte?

Les deux auteurs nous font visiter dix hôtels de Montréal à Québec, en passant par Chicoutimi, Grand-mère, Drummondville, Como et Val-d’Or. On se promène aussi dans le temps, des années 1800 jusqu’à tout récemment. Certaines histoires parlent de crimes, d’enlèvements, d’incendies, d’Ovnis, de fantômes, de suicides, d’amnésie, de vols et de sauvetages. On visite au passage l’un des plus vieux hôtels de Québec. On découvre une auberge qui était le lieu de rassemblement des patriotes. Et on réalise que l’issue de la Seconde Guerre mondiale aurait pu être bien différente n’eut été de la vigilance d’un jeune soldat lors de son passage au Château Frontenac…

Certaines affaires criminelles sont fascinantes et on a beaucoup d’informations et de contenu, alors que d’autres sont plutôt anecdotiques et survolées. Chaque chapitre nous propose l’histoire d’un nouveau motel. On y croise des personnalités connues, allant de Guy Lafleur à Sarah Bernhardt, en passant par le tueur Dr. Cream (dont j’ai adoré la biographie de Dean Jobb lue cet automne), le groupe The Who, Robbie King ou alors Wilfrid Derome, qui a fondé le premier laboratoire médico-légal en Amérique du Nord (le livre de Jacques Côté sur ce sujet est d’ailleurs fabuleux).

J’ai passé un excellent moment avec Motel mystère qui nous permet de découvrir des histoires criminelles et mystérieuses en lien avec le monde des motels. J’aime ces livres d’histoire criminelle qui reprennent des événements autour d’une même thématique. C’est intéressant à découvrir et ça nous fait voir les motels et les hôtels d’un œil différent. Des lieux toujours propices à des histoires étonnantes!

Motel Mystère. Histoires inquiétantes pour clients téméraires, Annie Richard, Jean-Philippe Rousseau, éditions de l’Homme, 240 pages, 2023

Les jours fastes

« Se terminent les jours tendus lorsque nous sommes vivants pour vrai. Une partie de nos jours disparaît, et les autres, je devrai les avancer avec moi. Dans la vérité. Dans la vie que j’avancerai. Je demande à me réveiller, mais je ne dors pas. Je deviens spectateur de la suite des choses. »

J’ai acheté ce livre pour l’auteur que j’aime beaucoup. Pour la couverture également qui rappelle nos vieilles maisons enneigées. Je m’attendais à une lecture très plaisante. Pierre Labrie est un auteur dont j’ai lu plusieurs recueils dans le passé, des recueils que j’ai toujours beaucoup appréciés. Son écriture, sa vision, sa façon de nous imager les histoires que renferment ses livres, les contextes dans lesquels il veut nous transporter sont toujours très beaux et agréables à lire.  

Sous forme de calendrier et tantôt de saisons, ce livre poétique nous raconte l’histoire de Philéas. On sait qu’il a vécu quelque chose de difficile. Philéas a tendance à regarder derrière lui, les erreurs, les embûches. Il fait des choix, fait certaines choses. Il aimerait retourner en arrière. Essayer de barrer au calendrier ces moments-là et en recréer des nouveaux.

« Je suis seul en ce jour de janvier et la neige me recouvre. J’avance difficilement. Pas la force de tout souffler. »

L’hiver est très présent dans le recueil, c’est une façon tangible de rendre visuellement ce que ressent le personnage. L’hiver est une saison morte. Quand Philéas regarde derrière lui et donc sur ses calendriers, il remarque que les X sombres font de l’ombre aux autres cases plus positives de son calendrier. En hiver, tout est figé. Comme ce que ressent Philéas, incapable d’avancer.

L’histoire sous forme poétique contient cinq chapitres: Les calendriers ordinaires, Nos jours tendus, Ni fastes ni néfastes, Les contorsions demain et La qualité des jours restants. Au centre du livre, le personnage constate qu’il doit apprendre à nager, à vivre finalement, pour pouvoir aller voir plus loin, atteindre ses objectifs et ses buts plutôt que de broyer du noir. Être mieux avec soi-même et son quotidien pour vivre une forme de paix et de sérénité. Au centre du livre, le personnage constate qu’il doit apprendre à nager, à vivre finalement, pour pouvoir aller voir plus loin, atteindre ses objectifs et ses buts plutôt que de broyer du noir.

« Vouloir échanger la date contre autre chose. Le temps dans son ensemble. Vouloir aussi échanger un mot contre une phrase. Une phrase contre une horloge. Recommencer autant qu’il le faudra. Désirer se refaire ailleurs. Avec les jours que ça prendra. S’allier au temps et tenter de lui faire confiance. »

J’ai aimé ce livre. Je l’ai lu deux fois et j’ai trouvé la relecture encore plus agréable que ma première lecture. Il y a de très beaux passages, surtout vers la fin, alors qu’un peu de lumière pointe le bout du nez dans l’univers de Philéas. Mais attention, ce recueil n’a rien de déprimant. C’est surtout la démarche qui y est racontée, celle d’avancer et de faire la paix avec la vie pour pouvoir continuer. D’avoir des buts, des projets. C’est sa vision du monde qui change et se met en mouvement.

Un recueil de poésie qui marque le temps, la vie, le quotidien assombrit qui chemine doucement vers la lumière. Ce cheminement, au fil des mots, est très beau.

Les jours fastes, Pierre Labrie, éditions Trois-Pistoles, 96 pages, 2014

Bois de fer

À demi-arbre ou femme, que lui est-il arrivé ? Est-ce le défigurement ou les insectes envahissants qui ont provoqué son sentiment de perte de soi ? Elle est sur le point de craquer, risque de se fendre en son centre. Médecin, hypnothérapeute, chiropraticien sont à son chevet. On la traite, on la bourre de vitamines, on coupe les branches qui frôlent les fils électriques. Pour survivre dans un monde de béton et d’asphalte, elle se tourne vers les autres espèces et réfléchit au soin à accorder au vivant.

J’avais adoré Le lièvre d’Amérique de la même auteure et je retrouve ici, dans ce texte poétique, certains thèmes semblables.

Dans Bois de fer, une femme est à moitié arbre, moitié humaine. Elle se sent envahie, avec ce sentiment de se perdre elle-même, dans le béton de la ville. Elle voit des médecins, des thérapeutes et des chiropraticiens qui tentent de trouver ce qu’elle a. Son mal être l’enveloppe peu à peu. L’anxiété également, prend plus de place.

Il s’agit naturellement d’une métaphore entre l’humain et les arbres, entre nous et le vivant. Une réflexion écologique et poétique sur notre place dans le monde et sur l’extinction des êtres vivants: les espèces et les arbres, mais nous aussi comme humains, souvent complètement déconnectés du monde vivant qui nous entoure. J’avais aimé Le lièvre d’Amérique pour les mêmes raisons. L’auteure faisait alors une métaphore entre notre vie de fou et le monde vivant. Les deux ouvrages parlent d’égarement, de cette sensation de se perdre. 

J’aime beaucoup l’idée de ce parallèle entre nous et l’ensemble de la biodiversité qui, au final, sont étroitement liés. C’est un peu ce que le personnage central de la femme-arbre représente pour moi.

« J’ai perdu mon essence. Je doute que vous vous en soyez rendu compte, comme si mon effluve intime s’était échappé par une toute petite lésion dont j’ignorais l’existence. Depuis, j’ai peur de me perdre dans le boisé du quartier, de ne pas retrouver ma propre trace. »

Le recueil est construit en 122 courts fragments de textes poétiques qui nous mènent vers l’espoir et une forme de renaissance. J’ai bien aimé l’écriture de l’auteure, c’est toujours un plaisir de la lire et de découvrir son univers, que je trouve très original. J’ai aussi beaucoup aimé la petite explication du titre, en fin de volume. 

Un texte assurément parlant sur notre relation au vivant.

Bois de fer, Mireille Gagné, éditions La Peuplade, 112 pages, 2022