Havre-du-Loup, 1899. Au cours de la dernière décennie, l’ère des machines a propulsé la capitale du Nouveau-Canada au sommet de sa gloire. Un phare de progrès pour toute la nation. Les usines opposent une concurrence déloyale aux travailleurs traditionnels qui disparaissent peu à peu du paysage. La révolution industrielle n’a pas épargné Thomas, dont le métier de forgeron tombe déjà dans l’oubli. Le père de famille est persuadé que ces changements conduisent à la dérive de la société. De plus en plus, il peine à suivre le monde. À y trouver sa place. La menace d’une épidémie plane sur la ville. Une maladie qui prive ses victimes de leur âme. Thomas s’engage à arrêter ce nouveau fléau qu’il croit lié à l’industrialisation. Il espère ainsi éliminer le mal à l’origine de tous ses problèmes. Mais la machine contre laquelle il se bat étend ses bras sur toute la ville. Pourra-t-il, à lui seul, renverser la vapeur? Cette uchronie fantastique habitée par la mort et la sombritude vous plonge dans un univers improbable qui au final n’est pas si éloigné du nôtre…
Voici un roman intéressant à plusieurs niveaux car il croise plusieurs genres.
Nous sommes en 1899, à Havre-du-loup au Nouveau-Canada. Une nation propulsée à toute vitesse vers le progrès et la révolution industrielle. Thomas est forgeron. Il tente de transmettre ses connaissances à son fils, dans un monde où son travail n’est plus valorisé et où l’on ne veut plus de lui. Car les machines vont plus vite, produisent encore et toujours plus, même si les conditions de travail sont épouvantables. Le ciel s’assombrit et le quotidien n’est que machines et poussière. Une épidémie menace la ville au même titre que le progrès qui étend ses tentacules partout. Et Thomas devra y faire face bien malgré lui…
« … la possibilité de vivre dans un monde différent me garde en vie. Un monde qui n’est pas gouverné par l’argent, le pouvoir et l’orgueil. Je veux voir ça de mes yeux. »
Ce que j’ai aimé le plus de ce roman c’est vraiment le mélange des genres: uchronie, fantastique, horreur, historique, avec quelques touches un peu mystiques. En commençant ce livre on n’a aucune idée dans quel monde on va plonger et c’est parfait comme ça! C’est ce qui ajoute au plaisir de lecture. L’écriture de Joe Rivard est très agréable aussi.
Thomas est un personnage doux qu’on aime tout de suite. Il est vraiment né à la mauvaise époque. Sa douceur contraste avec l’horreur à laquelle il est confronté. Sa ferveur religieuse m’a un peu surprise au début, mais il faut se rappeler l’époque dans laquelle il évolue.
Un roman qui, même s’il se déroule dans un passé qui n’a jamais existé, nous renvoie quand même en écho les dérives possibles de notre monde actuel. Il suffit de remplacer l’industrialisation poussée à son extrême par notre dépendance à d’autres sortes de machines, numériques cette fois. Personnellement je n’ai pu m’empêcher de faire le parallèle tout au long de ma lecture.
L’ambiance historique évolue rapidement vers une atmosphère apocalyptique où il est question de survie et de maladie. C’est sombre et intrigant. Les pages défilent. On veut savoir ce qu’il adviendra de ce monde si particulier.
J’ai passé un bon moment de lecture!
Ces machines que nous devenons, Joe Rivard, éditions Les six Brumes, 214 pages, 2024