Skulldigger + Skeleton Boy

Spiral City. Dans une ruelle sombre, un jeune garçon assiste impuissant au meurtre de ses parents. Le criminel le menace de son arme, il est la prochaine victime… L’apparition de Skulldigger le sauvera in extremis. Traumatisé, le garçon choisit néanmoins de garder les yeux ouverts lors de l’exécution du meurtrier par son sauveur. Ainsi naquit Skeleton Boy…

Nous sommes à Spiral City. Dans une ruelle, un jeune garçon est témoin du meurtre de ses parents. Arrivé juste avant que le garçon ne meurt à son tour, Skulldigger, le justicier au crâne, massacre le tueur. Le garçon garde les yeux ouverts, malgré l’avertissement de Skulldigger. Il a tout vu. Orphelin, l’enfant est alors placé dans un centre d’où il rêve de s’échapper. Skulldigger lui offrira cette possibilité en l’entraînant et en le formant à devenir comme lui. C’est alors que Skeleton Boy voit le jour.

« Mes parents. Ma mère et mon père. Ils n’étaient plus là. Dans un lointain recoin de ma tête, je le savais. Mais je refusais d’affronter cette vérité. Alors j’ai rempli le vide qu’ils avaient laissé de colère. De haine. »

Cette histoire met en scène des personnages issus de l’univers de Black Hammer, une série de Jeff Lemire et Dean Ormston. Comme ici il s’agit d’un hors collection, il est possible de le lire sans connaître la série. C’est mon cas. Même si j’ai lu beaucoup de livre de Lemire, je ne connaissais pas Black Hammer avant de tomber sur cette bande dessinée. J’ai bien aimé cette lecture qui présente des personnages de justiciers, qui s’en prennent aux méchants. Une histoire avec beaucoup d’action et quelques rebondissements. Un peu courte pour bien détailler tout ce qui aurait pu l’être, mais tout de même une lecture qui se fait avec plaisir, surtout si on aime le genre. C’est noir et violent.

J’aime toujours le travail de Lemire, qu’il soit plus personnel ou rempli d’action et de superhéros (ou d’anti-héros et de super vilains, comme ici). La fin est un peu abrupte, quoique logique, mais j’ai passé un moment divertissant avec cette histoire qui nous plonge dans ce que la ville a de plus glauque et de plus meurtrière.

Skulldigger + Skeleton Boy, Jeff Lemire, Tonči Zonjić, éditions Urban Comics, 160 pages, 2021

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Déjeuner avec papa – Recueil de napperons

« Tous les dimanches matins, à 10 h 30, Papa et moi on va déjeuner-dîner au restaurant. C’est notre rituel.» Depuis que les parents de Gaspard sont séparés, rien n’est plus comme avant. Heureusement, il reste des rituels rassurants comme les assiettes deux œufs bacon, patates dorées, pain brun avec du beurre de pinottes du dimanche. Roman graphique original et empreint de mélancolie, Déjeuner avec papa met en mots et en images de petits et grands bouleversements.

Ce roman graphique est un grand plaisir de lecture. J’ai aimé l’originalité du livre, sous-titré « Recueil de napperons ». C’est l’histoire d’un jeune garçon qui va déjeuner au restaurant avec son père tous les dimanches. C’est un moment attendu, une routine importante pour lui. On aime toujours aller au restaurant pour déjeuner, petit bonheur qu’on partage avec le jeune garçon. L’histoire est axée sur la relation père-fils, un moment spécial pour eux qui leur permet d’échanger, de se rapprocher et de solidifier leur relation. Même si le papa de l’histoire est un homme réservé qui parle peu, ces déjeuners parent/enfant vont aussi permettre au garçon de mieux appréhender ce que son père traverse comme  événements difficiles.

« Mon père ne me dit jamais qu’il m’aime. Je l’ai déjà dit: c’est un homme de peu de mots. Un homme de silence, même. Mais il étale l’amour qu’il me porte partout sur ses murs. »

À travers ce recueil de napperons, on découvre ce que le père et le fils vivent au quotidien et les bouleversements auxquels ils font face. Le livre aborde d’une façon intelligente de nombreux sujets: le deuil et la mort d’un être cher, la séparation des parents, la vie de couple, l’homoparentalité, les rôles parentaux et leur répercussion sur l’enfant lors de grands changements. Un livre qui peut aussi très bien se prêter à une lecture avec son enfant et offrir une base à de nombreuses discussions. Le livre s’y prête bien puisqu’il est illustré et reprend l’ambiance d’un déjeuner au restaurant.

Même si le livre aborde une foule de sujet, j’ai aimé que les auteurs mettent en valeur une richesse qui se perd de plus en plus: le plaisir de manger ensemble, en famille. Ce livre met aussi ce partage en relief. C’est un livre agréable à lire même pour adulte. Vraiment, un ouvrage universel qui permet de voir différentes dynamiques familiales alors que le père et le fils partagent un moment important, que personne ne peut leur enlever.

C’est mon premier livre de Simon Boulerice et j’ai adoré. J’ai été agréablement surpris par la qualité du travail de l’auteur et de l’illustratrice Anne-Julie Dudemaine. Toutes les pages sont illustrées. Le style de dessin se marie énormément bien avec l’écriture manuscrite. Il y a aussi des cernes de café sur différentes pages, comme un vrai « recueil de napperons ». J’ai adoré!  Visuellement, c’est un très bel ouvrage.

Un auteur que j’aimerais assurément relire.

Déjeuner avec papa – Recueil de napperons, Simon Boulerice, Anne-Julie Dudemaine, éditions de la Bagnole, 76 pages, 2022

Par une belle nuit d’hiver

Dans cette charmante berceuse, un parent peint le tableau d’une belle nuit nordique pour son enfant endormi, décrivant la beauté des flocons de neige, le scintillement des étoiles, la danse des cristaux de givre sur la fenêtre… Ce poème lyrique de Jean E. Pendziwol décrivant la beauté des nuits nordiques est une façon magnifique de la partager avec son enfant. Les illustrations extraordinaires d’Isabelle Arsenault rendent hommage à ce magnifique poème.

Par une belle nuit d’hiver est l’un de mes albums préférés. Je le trouve plein de délicatesse, tant dans le texte de Jean E. Pendziwol, que dans les illustrations d’Isabelle Arsenault. Il s’en dégage une très grande douceur. C’est un album qui parle du calme de la nature et qui amène le lecteur à être serein. J’adore l’atmosphère feutrée de ce livre, un peu comme on se sent par une belle nuit d’hiver.

Cet album est en fait un long poème qui raconte l’amour de l’hiver et sa magie, un soir glacé, alors qu’un enfant est endormi. Tout au long des pages, le parallèle est fait entre la nuit hivernale où le ciel offre ses plus beaux cadeaux et où les animaux s’activent pendant que l’enfant dort doucement sous sa couverture bien chaude.

Véritable hommage à l’hiver et au calme de cette saison, principalement la nuit, cet album est tout simplement sublime. Il m’accompagne depuis des années et je le relis à l’occasion quand j’ai envie d’un peu de douceur. Toujours en hiver, quand la saison froide est bien installée. 

L’auteure nous parle des traces de pas des animaux dans la neige, des lueurs dans le ciel, des cristaux sur la fenêtre, des étoiles qui scintillent, du jardin endormi. La nuit hivernale calme, vivant à son propre rythme. 

Un album magnifique!

Par une belle nuit d’hiver, Jean E. Pendziwol, Isabelle Arsenault, éditions Scholastic, 32 pages, 2014

Le petit bestiaire

Voici les poèmes d’un vieil enfant encore affamé de lumière. Dans ce recueil, Michel Pleau pose un regard sensible et amusé sur la petite faune du quartier de son enfance. Il se met à l’écoute de l’âme des animaux. Ainsi on rencontre le chat qui a réponse à tout, la belle chenille du parc Durocher, les chevaux qui comptent les étoiles, les fourmis et leurs amours microscopiques, la girafe gardienne de ciel, la poulette grise de la chanson de nos mères, la vache du premier jour d’école… et bien d’autres bêtes et bestioles.

Ce magnifique recueil de poésie a été une très belle surprise. Il s’attarde sur la petite faune sauvage, les animaux de ferme ou des les animaux domestiques. On y retrouve également des poèmes sur les insectes et sur un animal métaphorique: l’ourson en peluche!

Ces textes sont d’une grande beauté, j’ai adoré! Chaque poème se développe sur deux pages. Mon poème préféré est celui de la mésange. Les mots sont doux, magnifiques, tellement bien représentatifs de chaque petit instant vécu avec l’animal, à ses côtés ou en l’observant. Ce livre est un réconfortant retour dans l’imaginaire de l’enfance, de la façon dont on perçoit notre environnement lorsqu’on est encore petit.

« ma voisine a un chien
le chien a une ombre
il adore s’y allonger de tout son poil
ma voisine aime les romans d’amour
sur le balcon elle tourne les pages
le chien tourne sa tête vers moi
lui et moi on se comprend
on préfère la ligne des arbres
et les mensonges invisibles des enfants
qui échappent les ballons »

L’auteur fait d’ailleurs preuve d’une grande capacité d’observation. Ses textes sont magnifiques, empreints de douceur. On sent l’émerveillement dans les mots de Michel Pleau. C’est beau, c’est doux. C’est tellement agréable à lire! 

Chaque poème est comme une petite joie en soi. Cette découverte a été l’une de mes plus belles cette année jusqu’à maintenant. C’est une si magnifique lecture, parfaite pour rejoindre un très large lectorat, pour être partagé en famille ou avec des plus jeunes. Les poèmes sont simples, si lumineux et très accessible. 

L’auteur joue avec les mots, les perceptions qu’on a des animaux, les différentes mesures et grandeurs versus leur environnement. Il sait raconter en poésie les plus grands animaux tout comme les petites bêtes qui sont fascinantes. Une belle occasion de s’émerveiller devant la faune, qu’elle soit sauvage ou familière, colossale ou minuscule.

Cette lecture a été une très belle rencontre littéraire. Un auteur dont je note assurément le nom, pour pouvoir le relire, tellement j’ai adoré cet ouvrage. D’autant plus que le livre est beau, les illustrations sont en couleurs. Il n’y en a pas pour tous les poèmes, mais le livre en contient plusieurs tout de même. Je souligne d’ailleurs le travail de l’illustratrice. Ses images représentent bien les textes, ce sont des jeux de mots en images.

Un ouvrage aussi beau qu’une œuvre d’art!

Le petit bestiaire, Michel Pleau, éditions David, 72 pages, 2022

Automnal

Kat et Sybil sont de retour à Comfort Notch, espérant y trouver une nouvelle vie plus stable. Mais le passé de Kat et de sa mère tout juste décédée, autant que celui de la ville sont troubles et en revenant sur les lieux de son enfance, elle va devoir y faire face. Il semble que la ville ait une gardienne bien exigeante, Kat et Sybil seront-elles prêtes à payer le lourd tribut demandé ? La sorcière des comptines des enfants serait-elle réelle ? Et ce feuillage d’automne présage-t-il de quelque chose de plus terrible ?

Je voulais lire Automnal depuis l’année dernière, mais je n’avais pas réussi à mettre la main dessus à ce moment-là. Je me suis reprise cette année. J’étais très curieuse. J’aime beaucoup la bande dessinée d’horreur et celle-ci semble mettre l’automne en plein cœur de l’histoire. Et effectivement, c’est très automnal comme histoire. C’est aussi sombre, inquiétant et parfait pour ce temps de l’année.

Kat Somerville n’est pas une mère modèle, loin de là. Sa vie est un merdier sans nom, elle s’enfonce dans des relations impossibles et tente d’élever sa fille de sept ans qui passe son temps à se battre. Quand la mère de Kat meurt, elle est bien contente qu’elle ne soit plus de ce monde. Cette femme l’a abandonnée et Kat ne conserve que de mauvais et très flous souvenirs des moments passés avec elle. Quand elle hérite de sa maison, elle part avec sa fille pour régler les papiers. Elle a bien l’intention de s’occuper seulement de ce qui est nécessaire et de repartir aussitôt. Elle revient alors à Comfort North pour la première fois depuis son enfance.

Cet endroit est parfait. Les gens sont gentils et serviables. Ils sont prêts à tout faire pour la dépanner. C’est aussi dans ce village qu’on trouve « le plus bel automne de toute l’Amérique ». Mais rapidement, Kat réalise que quelque chose ne va pas. Les gens balaient frénétiquement les feuilles mortes qui tombent près de leur maison. Les enfants fredonnent souvent une inquiétante chanson, comme une ritournelle. De vieilles histoires refont surface. Les archives regorgent de faits divers qui donnent le frisson. Puis, en rangeant les affaires de sa mère, Kat découvre son vieil album photo, avec des images inquiétantes et étranges. Certes, elle était photographe pour le journal, mais qui conserve des photos d’incendies meurtriers et de crimes violents? C’est à ce moment que les légendes de ce village deviennent de plus en plus réelles…

Automnal est le genre d’histoire qu’on veut lire d’une traite. L’atmosphère met mal à l’aise, ce qui est parfait pour une bande dessinée d’horreur qu’on veut lire en cette période de l’année. Efficace et terrifiante, cette histoire est très originale. Elle mêle habilement les contes et les légendes qui donnent le frisson, à un univers automnal qui aurait tout pour être réconfortant. En apparence. Petit village idyllique, bercé par les feuilles d’automne qui tombent. Mais il ne s’agit que des apparences. En réalité, c’est bien loin d’être le cas. Comfort North cache bien son jeu. Jusqu’à ce que les morts s’accumulent…

J’ai passé un très bon moment avec cette bd! C’est terrifiant et l’histoire est suffisamment tordue pour nous garder en haleine. L’automne tient une place déterminante dans l’histoire. C’était une bonne lecture!

Le livre est complété par une galerie automnale de dessins au stylo, fusains, pinceaux et tablette numérique.

Automnal, Daniel Kraus, Chris Shehan, 404 éditions, 232 pages, 2021