
«Sans bourse délier, je quittai Los Angeles sur le coup de midi, caché dans un train de marchandises, par une belle journée de la fin septembre 1955. Étendu sur une plate-forme roulante, mon sac sous la nuque, les genoux croisés haut, je me laissai absorber par la contemplation des nuages tandis que le convoi roulait vers le nord. L’omnibus qui m’emportait me permettrait d’arriver avant la nuit à Santa Barbara où je me proposais de dormir sur la plage. Le lendemain matin, un autre omnibus m’emmènerait jusqu’à San Luis Obispo, ou bien le rapide de marchandises me déposerait à San Francisco à sept heures du soir.»
Je poursuis ma lecture des œuvres de Jack Kerouac pour le Centenaire 2022 avec Les clochards célestes, qui s’avère être une très belle découverte. Jusqu’à présent, c’est mon livre préféré de lui. Je crois que c’est ce genre d’histoire que je préfère chez Kerouac. Quand il parle de ses voyages ou de ses expéditions (ici il est grandement question de randonnée, avec des amis) je trouve que ses écrits sont encore plus intéressants. C’est un roman que j’ai beaucoup apprécié.
On retrouve aussi un sujet cher à Kerouac: le bouddhisme. Ce livre parle de la quête de Kerouac vers une vie meilleure. Il cherche à mettre certaines choses de côté en lien avec sa vie issue de la Beat Generation et il essaie de puiser dans le bouddhisme une nouvelle façon de vivre. Les clochards célestes se rapproche un peu plus de la nature que Les anges vagabonds par exemple. Kerouac se questionne beaucoup sur sa vie et on sent qu’il y a une certaine maturité dans le texte et dans la façon de voir le monde.
Kerouac, ou plutôt son alter-égo Ray Smith, rencontre un beau jour l’un de ceux qu’il considère comme un « clochard céleste »: Japhy Ryder. Derrière ce nom se cache en fait l’auteur Gary Snyder, un penseur dans la même lignée que Thoreau, poète, auteur et alpiniste. Ray et Japhy deviennent amis et à ses côtés, Ray (Kerouac) partira à l’assaut des montagnes avec un sac au dos et quelques provisions. Entre les nuits à la belle étoile et la poésie, les deux conversent autour de la spiritualité et du bouddhisme.
Fait de moments passés au grand air, de randonnées et de voyage en train (clandestinement) ce livre parle d’amitiés et de philosophie de vie, de moments passés en groupe où l’on retrouve l’idée derrière la Beat Generation, soit le rejet d’une société conformiste et la recherche d’une vie plus trépidante, au jour le jour. Contrairement à d’autres récits où les balades en voitures, la drogue et les villes pleines de monde sont légion, ici on est axé un peu plus sur la nature, la solitude, le grand air.
« Entre-temps, nous avions allumé le feu, un tout petit brasier pour commencer. Le soleil ne s’était pas encore couché. Japhy coinça un long bâton entre des pierres pour y suspendre un récipient plein d’eau. Quand le liquide se mit à bouillir il en versa dans le pot et servit le thé dans des gobelets étamés. J’avais moi-même puisé l’eau au ruisseau – une eau glacée et pure comme la neige ou comme les yeux cristallins du ciel. «
J’ai vraiment beaucoup apprécié cette lecture qui se rapproche bien plus de l’idée que je me fais de Kerouac. Ce livre est fascinant. C’est ce que j’aime chez cet auteur: il réussit à nous embarquer avec lui dans ses voyages. Même si le livre débute en 1955, il y a quelque chose de profondément attirant encore aujourd’hui dans cette vie contestataire qui fait un pied de nez à la société conformiste. Surtout quand cet idéal est fait d’air, de montagnes et de voyage en train.
« Je compris que mon ami m’avait appris à me débarrasser des impuretés de la ville et à retrouver mon âme, purifiée, en prenant la route, sac au dos. »
Je vous conseille cette lecture. Même si je n’ai pas encore tout lu de Kerouac, je trouve que c’est un bon choix pour aborder son univers et sa pensée. C’est peut-être le livre le plus lumineux que j’ai lu de lui jusqu’à maintenant.
Les clochards célestes, Jack Kerouac, éditions Folio, 384 pages, 1974