La revanche des bibliothécaires

Sous l’œil impassible du chat, l’auteur essaie – vainement – d’échapper aux affres de la création, aux spectres de l’échec et des réseaux sociaux et aux autres menaces surnaturelles de l’écrivain pour trouver le chemin du succès. Pendant ce temps, l’éditeur travaille à de nouveaux concepts : poésie pratique ; lectures d’été pour théoriciens du complot ; classiques résumés pour lecteurs pressés. Le libraire, lui, tient bon la barre entre les avalanches de cartons et les demandes impossibles de son alter ego infernal : le lecteur. Et les bibliothécaires ? Ils poussent leur chariot, sans bruit, seuls à savoir qu’ils dominent dans l’ombre ce petit monde qui s’agite en vain.

Voilà un livre réjouissant à côté duquel je ne pouvais pas passer. J’adore Tom Gauld. Cet auteur me fait toujours beaucoup rire, ses références me parlent et j’adore son originalité. Mais ce livre avait tout pour m’attirer à cause de son titre. Les livres qui parlent de bibliothèques et de bibliothécaires m’intéressent toujours puis que je travaille aussi en bibliothèque. J’avais bien hâte de voir en quoi consistait la revanche des bibliothécaires!  

Je suis le travail de Tom Gauld depuis très longtemps. J’ai d’ailleurs lu tous ses livres, avec une préférence pour ceux publiés sous forme de strips qui abordent des thèmes liés à la littérature. Mais je crois sincèrement que La revanche des bibliothécaires est mon préféré. J’ai eu un plaisir fou à le lire et les références littéraires m’ont réjouie. Il utilise les codes des différents genres littéraires (la romance, le policier, la science-fiction, les contes de fées, les romans gothiques) pour nous amuser. Il puise dans les classiques pour les remettre avec humour au goût du jour, en lien avec notre technologie d’aujourd’hui. 

Il parle de bibliothécaires, mais aussi de littérature, de piles à lire, d’écrivains, de classiques, d’auteurs, de l’écriture, de bibliothèques, de salons du livre, de problèmes de lecteurs. Il n’y a que Tom Gauld pour faire des blagues de romanciers, il n’y a que lui qui peut nous faire rire en parlant de Jane Austen, lui qui crée aussi des « jeux » et des générateurs littéraires, et qui parle de réorganisation d’étagères au temps des réseaux sociaux. Il réussit même à nous faire rigoler en abordant à quelques reprises la pandémie et le confinement, d’un point de vue littéraire. Les gags sont intelligents, drôles et originaux.

Vous l’aurez compris, j’ai passé un excellent moment avec cette bande dessinée! Tom Gauld a un style inimitable. Ses blagues littéraires me font vraiment rire et j’aime son travail. Une nouvelle parution est toujours un vrai bonheur. Il a une façon unique d’aborder la littérature et les livres. C’est brillant!

Un livre qui, je pense, pourra rejoindre beaucoup de lecteurs, écrivains, bibliothécaires, passionnés de livres et de littérature. On se sent dans notre élément entre les pages de ce livre. 

Un gros coup de cœur pour moi!

La revanche des bibliothécaires, Tom Gauld, éditions Alto, 180 pages, 2022

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Celui qui hantait les ténèbres

Dans la ville de Providence, le jeune écrivain Robert Blake semble fasciné par une étrange église abandonnée. Alors qu’il finit par s’aventurer dans ce lieu de culte perverti, il y découvre le Necronomicon, un ouvrage maudit de magie noire, et invoque sans le vouloir des forces maléfiques qui dépassent l’entendement…
Pendant la Première Guerre mondiale, un officier évadé se retrouve perdu en pleine mer. Épuisé, il s’évanouit dans sa barque et, à son réveil, s’aperçoit qu’il s’est échoué sur une île inquiétante, recouverte à perte de vue de carcasses de bêtes marines…

Chaque fois que je peux lire un livre de Gou Tanabe, qui reprend en manga les chefs-d’œuvre de H.P. Lovecraft, je me jette dessus. C’est un vrai plaisir à chaque fois. Et Celui qui hantait les ténèbres ne fait pas exception. Le manga contient deux histoires différentes, mais qui ont, comme toujours chez Lovecraft, un fond commun.

La première histoire, Dagon, est très courte. Elle a été écrite en 1917. Elle raconte le naufrage d’un homme dont le paquebot avait été capturé par un navire de guerre. S’échappant dans un canot de sauvetage, il échoue sur une plage et fait une découverte très troublante. Cette histoire met en place un univers rapide, sans trop de détails, mais donne le ton à ce qui suivra par la suite.

La deuxième histoire donne son titre au manga. Celui qui hantait les ténèbres. Elle a été écrite en 1935. Un artiste s’installe dans un nouveau logement. Il est peintre et écrivain. Il s’inspire de ce qui est étrange et aussi, des différents mythes pour créer. Il est fasciné par la flèche d’une église qu’il aperçoit de sa fenêtre. Il décide d’aller y faire un tour alors que tous les villageois sont terrifiés simplement à l’idée de prononcer le nom de ce lieu… C’est ici qu’apparaît le Nécronomicon, un ouvrage que l’on retrouve beaucoup chez Lovecraft, un grimoire de magie noire.

« Ouvrage fictif inventé par H.P. Lovecraft qui le fait souvent intervenir dans ses récits, le Necronomicon est devenu le symbole du livre maléfique. »

J’ai passé un excellent moment avec ces histoires effrayantes, parfaites pour cette période de l’année. J’adore le travail de Tanabe. Chaque fois c’est un vrai plaisir que de plonger dans ses livres. Ses mangas sont de vrais bijoux d’atmosphère et l’adaptation est vraiment de grande qualité. Le trait de crayon est sombre, vraiment efficace. C’est toujours un peu inquiétant que de plonger dans une nouvelle adaptation. L’auteur réussit à nous faire vivre une grande gamme d’émotions.

« Les vieilles légendes locales ressurgissent à Federal Hill. La peur gagne le quartier depuis qu’un inconnu s’est introduit dans l’église redoutée. »

L’objet-livre est aussi un vrai bonheur, comme toujours chez cet éditeur en ce qui concerne cette collection des Chefs-d’œuvre de Lovecraft. L’ouvrage est vraiment soigné. C’est un beau moment de lecture chaque fois et ces deux histoires n’ont pas fait exception. J’ai adoré! J’ai hâte de me plonger dans le prochain!

À noter que les mangas sont aussi disponibles dans des coffrets magnifiques et c’est ce que je préconise toujours. C’est vraiment le genre d’ouvrage qu’on a envie d’exposer dans sa bibliothèque, de lire et de relire. Surtout lors des froides nuits de novembre… 

Celui qui hantait les ténèbres, Gou Tanabe, éditions Ki-oon, 164 pages, 2021

« Je n’ai jamais lu Baudelaire »

Patrice, dans son Clova à flanc de rails et de forêt, a réinventé sa façon d’être libraire. La nuit, les doigts sur le clavier, il alimente sa boutique virtuelle, correspond avec sa toile d’invétérés du livre rare et précieux. Le jour, il emballe les paquets que le train emportera vers le reste du monde. Et ça fonctionne, un univers prévisible et doux comme la tartine matinale. Jusqu’à l’arrivée de Gladys et de son cortège funèbre.

« Je n’ai jamais lu Baudelaire » de Jocelyne Saucier, sous-titrée « nouvelle au bout du rail » est une nouvelle se déroulant dans l’univers du roman À train perdu de la même auteure. On peut la lire séparément sans problème. De mon côté, cette lecture m’a donné envie de lire le roman.

Cette nouvelle raconte le quotidien de Patrice, libraire urbain converti en libraire rural. Il a troqué sa librairie physique pour une librairie en ligne et il expédie ses colis par train. Son petit coin en pleine nature, fait de maisons éparpillées, de véhicules récréatifs à quatre roues et de forêt, lui permet une vie un peu à l’écart. Patrice trouve, via les demandes de livres qu’il reçoit de ses clients, des liens d’amitié et d’échanges. Et il y a le train. Qui amène avec lui les boites d’épicerie et des personnages de passage dans la vie de Patrice.

J’ai bien aimé cette courte nouvelle qui nous plonge entre la ville et la forêt, dans un monde de livres et de correspondance. Ça m’a donné envie de découvrir le roman qui a inspiré cette nouvelle. J’ai aimé l’écriture et l’atmosphère un peu feutrée. C’était une petite lecture fort agréable, qui parle de livres, de train et d’amitié, mais aussi de perte et de deuil. 

« Une maison sur le bord d’un lac, des murs chargés de livres, un dépôt à mon compte bancaire chaque quinzaine et Marthe ce matin encore avec un pain tout chaud enroulé dans un carré de papier kraft, que demander de plus. L’urbain que j’étais se découvre des zones inexplorées. Comment ai-je pu être aussi longtemps ignorant de moi-même? »

Avez-vous découvert cette nouvelle collection Draisine chez XYZ éditeur? Il y a quatre titres jusqu’à maintenant. J’aime beaucoup par ma part. Je trouve les textes de qualité, même s’ils sont très courts. Ici, l’auteure installe son univers en moins de 65 pages. J’aime ces petites plaquettes à lire, le temps d’une soirée!

« Je n’ai jamais lu Baudelaire », Jocelyne Saucier, XYZ éditeur, 64 pages, 2022

Le Clan de la rivière sauvage t.1: L’Œil du serpent

Dans le petit village de Saint-Isidore, la vie est tranquille. Un peu trop d’ailleurs pour le jeune Zaki, qui rêve de vivre en vrai les aventures qu’il trouve dans les livres. Jusqu’au jour où Anacharsis, Grand Conteur itinérant, arrive et raconte aux habitants une histoire de pirates. Lorsque Zaki et son copain Choco apprennent que le vieil homme va repartir sans achever son récit, ils décident d’en découvrir la fin par eux-mêmes. Ils s’introduisent alors dans la chambre du conteur pour lire son gigantesque recueil, et sont surpris par cette peste de Mélie et sa petite sœur Loulou. Les quatre enfants sont loin d’imaginer le pouvoir du livre qu’ils vont feuilleter, ou les convoitises qu’il peut attirer…

J’ai eu envie de découvrir Le clan de la rivière sauvage depuis que ce livre a été finaliste au Prix des libraires jeunesse, dans la catégorie bande dessinée hors Québec. Le résumé me parlait bien aussi: une histoire d’aventure et de livre très spécial. J’avais donc beaucoup d’attentes en le commençant.

Cette bande dessinée est le premier tome d’une série qui, je suppose, aura une suite éventuellement. Je l’espère bien puisque l’histoire s’y prête parfaitement. Je pense que la mise en place de cet univers particulier et magique pourrait donner de bien belles autres histoires à venir. Alors, qu’est-ce que Le clan de la rivière sauvage? C’est un improbable trio constitué de Zaki, Choco et Amélia, qui rêve d’aventures et d’histoires de pirates. Leur envie de vivre des choses extraordinaires est exacerbée lorsque le trio reçoit dans son patelin, d’étrange et fascinants personnages.

« Je me demande d’ailleurs ce qu’on attend… Qu’est-ce qui nous empêche d’aller de l’autre côté de la rivière et de partir à l’aventure là maintenant? »

Le Grand Conteur est de passage dans la ville et c’est tout un événement! Les trois enfants assistent à l’histoire qu’il leur raconte. Mais un étrange personnage, qu’ils ont croisé en forêt, fait son apparition à l’hôtel où séjourne le Grand Conteur. C’est alors que les enfants découvrent l’existence du Répertoire, un livre unique (et magique) qui va mener le trio dans une des plus grandes aventures qui soit!

J’ai beaucoup aimé l’histoire de cette bande dessinée. L’intrigue est fascinante et donne naturellement envie d’en savoir plus. On aurait presque le goût nous aussi de mettre la main sur le Répertoire! Au début, cependant, entre les différentes histoires racontées par les personnages, je n’étais pas trop certaine de la construction de l’intrigue. Elle me semble peut-être un peu mélangeante pour des enfants. Mais de mon côté, j’ai vraiment apprécié ce qui se cache derrière le Répertoire et toute l’histoire autour du Grand Conteur. C’est inventif et assez intéressant pour quiconque croit au pouvoir des livres!

En ce qui concerne le dessin, j’ai mis un temps à m’y habituer. Je suis moins sensible à ce style, je crois. Certains personnages sont plus attractifs que d’autres également. Par contre, les couleurs sont franches et bien présentes et j’ai aimé cet aspect. Cette bande dessinée, c’est un peu le début d’une aventure, qui met en avant la force de l’imaginaire, le pouvoir des mots et des histoires chez les humains. 

La fin de cet album laisse forcément présager une suite. Je suis très curieuse de voir comment cette histoire de livre magique sera menée. Je lirai le deuxième tome quand il sera disponible. J’ai hâte! 

Le Clan de la rivière sauvage t.1: L’Œil du serpent, Régis Hautière, Renaud Dillies, éditions de la Gouttière, 88 pages, 2021 

Le chat du bibliothécaire t.1: Succès mortel

À Athena, dans le Mississippi, Charlie Harris coule des jours paisibles en compagnie de Diesel, son fidèle maine coon, véritable coqueluche de la ville. Pour le bibliothécaire, la présence du félin est une source de bonheur, tout comme celle des étudiants à qui il offre le gîte et le couvert dans sa charmante maison. Cependant, sous ses airs tranquilles, Athena recèle mille et un secrets sur le point d’être dévoilés lorsque Godfrey Priest est retrouvé assassiné dans sa chambre d’hôtel. Le célèbre auteur de thrillers, enfant du pays, venait assister à un gala en son honneur. Pour sûr, le criminel est un habitant du coin. Si l’enquête est officiellement confiée au bureau du shérif, Charlie et son compagnon à quatre pattes se lancent incognito dans leurs propres recherches…

Ce roman est tout à fait le genre de petite série policière que j’aime bien lire. Le cadre est agréable: des lieux débordant de livres, une maison confortable et accueillante, un animal attachant. Et surtout: une bibliothèque où travaille le personnage principal. Tout cela trouve un écho chez moi, puisque je travaille aussi en bibliothèque. Une atmosphère qui baigne dans les livres et les auteurs de romans a tout pour me plaire. 

Charlie est bibliothécaire et s’occupe des archives de livres rares en plus de travailler bénévolement à la bibliothèque de sa ville. Il amène partout avec lui son chat Diesel, un Maine Coon immense qui retient l’attention de tous. Charlie vit seul depuis le décès de sa femme et le départ de ses enfants de la maison. Il poursuit donc la tradition de sa tante de qui il a hérité de la maison et il accueille aussi chez lui des étudiants qui cherchent un endroit où vivre pendant leurs études. Ça lui fait un peu de compagnie. 

C’est alors qu’on retrouve le cadavre du célèbre auteur de romans policier Godefroy Priest, natif de la ville, en visite pour un gala en son honneur. Priest n’était pas la personne la plus sympathique du monde et beaucoup de gens le détestaient. Charlie n’était pas non plus son plus grand fan. Quand il réalise que Justin, le fils d’une amie qui vit chez lui est interrogé, Charlie, accompagné de son chat Diesel, se mêle de l’enquête. Charlie est encore plus motivé lorsqu’il constate que des gens de sa connaissance sont peut-être impliqués et qu’il semble que les archives que Priest a confié à l’université aient été fouillées…

Voilà un roman que j’aime qualifier de « polar réconfortant ». Il y a un crime, mais rien de bien sanglant. Le plaisir de la lecture réside principalement dans l’ambiance de l’histoire: le cadre agréable, des personnages sympathiques auxquels on s’attache, comme Charlie et Diesel. L’atmosphère est réconfortante: des livres, du catalogage, des archives, une bibliothèque, un écrivain et son travail. Il y a aussi la maison de Charlie qui regorge de plats alléchants et que je vois un peu comme un havre de paix dans la tempête qui secoue la petite ville. C’est une lecture fort agréable!

Ce livre est le premier tome de la série. L’éditeur québécois m’a soufflé à l’oreille (ou plutôt via Instagram) que le second tome serait traduit et paraîtrait à l’hiver 2023. J’ai hâte! Je suis impatiente de retrouver Charlie (et Diesel) dans d’autres histoires.

Le chat du bibliothécaire t.1: Succès mortel, Miranda James, éditions Flammarion Québec, 320 pages, 2022