Climat

Deux enfants. Deux continents. Une crise climatique. En plein coeur de la rudesse de l’arctique, Yuki et son chien sont poursuivis par un grolaire affamé : un croisement entre un grizzly et un ours polaire, dont les territoires ont fusionné. Son existence est une des conséquences du réchauffement climatique. Et il est très, très dangereux… La maison de Sami a été détruite par un cyclone il y a quelques années. Désormais, son grand-père et lui peinent à pêcher quoi que ce soit lors de leurs sorties en mer. S’il parvient à retrouver le couteau porte-bonheur de sa mère, perdu au fond de l’océan sournois, peut-être pourra-t-il changer leur destin ?

Je suis tombée sur cette bande dessinée un peu par hasard. Je connais Eoin Colfer à cause d’Artémis Fowl, mais je ne savais pas qu’il faisait aussi de la bd. J’ai tout de suite été attirée par celle-ci à cause de l’illustration de la couverture. Elle est splendide!  C’est Giovanni Rigano qui signe les dessins.

Cette histoire, qui porte bien son titre, nous fait suivre le destin de deux enfants qui vivent les effets des changements climatiques. Chacun vit dans un coin du monde totalement à l’opposé, dans des climats vraiment différents. Ce que l’histoire tente de démontrer c’est que peu importe où l’on vit, les changements climatiques ont des impacts un peu partout à travers la planète. Impacts qui peuvent prendre des formes différentes, mais dont les conséquences ne sont pas négligeables.

« Tout ce que je sais, c’est que, malgré l’immensité du monde, le nôtre rétrécit de jour en jour. »

Nous sommes dans le Golfe du Bengale, dans l’océan indien. Sami vit avec son grand-père depuis qu’un cyclone a décimé sa maison et tué ses parents. Ils pêchent pour survivre, dans un monde où les conflits pour la pêche et le moindre petit bout de mer ou de terre troublent le quotidien des villageois. Le quotidien de Sami est une histoire continuelle de survie. 

« À chaque saison, nous devons travailler plus dur pour pouvoir rester où nous sommes. On se bouge pour ne pas avoir à bouger. »

Yuki elle, vit dans le Nord Canadien, dans le cercle arctique. Les villageois tuent tous les ours qui s’approchent des habitations et représentent le danger. La fillette elle, tente de faire changer les choses en démontrant que les « grolaires », un croisement entre les ours polaires et les ours bruns, existent à cause des changements climatiques. 

« Mon village. Ce qu’il en reste. Désormais, il y a plus de maisons vides que pleines. Je le sais. J’ai compté. Et de plus en plus de gens partent chaque année. »

Les deux enfants affronteront le danger du climat, mais pour des raisons très différentes. De plus, même s’ils vivent dans des lieux totalement différents, l’univers des deux enfants finira par se croiser. C’est amené de façon assez légère et j’aurais aimé une fin plus élaborée, mais c’est intéressant tout de même.

J’ai bien aimé cette lecture qui démontre de façon concrète, à travers la fiction, à quel point les changements climatiques peuvent avoir des conséquences partout et toucher tout le monde. Le dessin est plaisant et l’histoire, en alternance entre le vécu de Sami et celui de Yuki, est intéressante.

Si cette thématique environnementale vous intéresse, c’est une bd pertinente à découvrir. Elle est complétée par un mot des auteurs qui expliquent leur démarche, un cahier de croquis et des informations sur les conséquences des changements climatiques.

J’ai bien aimé!

Climat, Eoin Colfer, Andrew Donkin, Giovanni Rigano, éditions Robinson, 144 pages, 2023

Colt Frontier

Chercheur d’or dans le Grand Nord, ce n’est pas une sinécure, entre malfrats et crapules il faut tenter de survivre. Sergio Toppi retrace quelques parcours emblématiques. La nature magnifique et inhospitalière ramène l’être humain à sa véritable dimension : un grain de poussière…

Voici une bande dessinée qui contient six nouvelles. Elles se déroulent toutes dans le Nord, en Alaska, dans des coins reculés et glacés. C’est aussi une histoire qui parle de quête d’or et de trésor. Dès qu’on annonce qu’un lieu est une promesse de richesse, les gens affluent. Ils sont prêts à tout y laisser pour quelques paillettes d’or, y compris leur vie. Ce sont des histoires qui parlent de la ruée vers l’or dans une nature rude et impitoyable.

« Quand j’arrivai, Caleb était plongé sur sa carte, c’est alors que j’eus cette idée…
-Caleb, l’heure est arrivée! On part au Nord chercher cette rivière. »

La particularité de cet album, c’est que cinq des nouvelles sont en noir et blanc. Une seule est en couleur. On les découvre avec grand plaisir. Le dessin est superbe, détaillé, avec une technique d’ombres hachurées qui me plait beaucoup. C’est un style que j’ai aimé et qui va très bien avec le sujet.

La nature est omniprésente, c’est un personnage central de chaque histoire. Dans chaque nouvelle, on suit le parcours d’un personnage principal en quête d’un trésor. On perçoit bien ce que la quête absolue de richesse peut faire chez l’homme, avec parfois des conséquences inattendues. Ces péripéties offrent une bonne leçon de vie.

« C’est alors que je me rendis compte que quelque chose avait changé autour de moi… Comme si je n’étais plus seul, que des regards inquisiteurs se posaient sur moi… Et de fait, un beau jour devant la cabane
-Ne crains rien, Homme Blanc. Nous venons en paix, le cœur pur et sans armes, assieds-toi étranger et écoute-nous. »

Colt Frontier est une quête rude, en mode survie, remplie d’aventures.

C’est une bande dessinée vraiment plaisante. Ça été une très belle découverte pour moi. Je suis très content de cette lecture, j’ai passé un très bon moment.

Colt Frontier, Sergio Toppi, éditions Mosquito, 92 pages, 2023

Les Sœurs hiver

Il y a très longtemps, il y avait deux hivers : la Grande, avec ses froids polaires et ses blizzards, et la Petite, avec ses glissades joyeuses et ses batailles de boules de neige. Mais depuis que la Petite a disparu, tout est détraqué au village de Brume ! Les adultes sont inquiets, plus personne ne rit aux bonnes farces d’Alfred et, surtout, les trolls passent leur temps à voler des objets, qu’ils emportent à tout jamais dans la taïga. Lorsque l’oncle d’Alfred se porte volontaire pour rapporter les objets volés et qu’il disparait sous ses yeux, avalé par la tempête, c’en est trop : il faut partir à sa recherche, coûte que coûte, braver les dangers de la forêt boréale, et affronter la Grande Hiver…

Les sœurs hiver était une lecture commune proposée pour le Défi: Un hiver au chalet 2023. C’est un choix qui a eu un beau succès sur notre groupe et qui semble avoir été bien apprécié en général. C’était un beau choix. Un roman fantastique parfait pour l’hiver.

Anciennement, il y avait deux hivers, la Petite et la Grande. La petite est celle des glissades et des jeux dans la neige, la grande est celle des tempêtes et du froid mordant. Depuis que la Petite a disparu, il ne reste que la Grande et les temps sont durs. Les tempêtes sont dangereuses, le froid est glaçant et il n’y a plus de plaisir relié à l’hiver. Malheureusement, l’équilibre est rompu.

Dans le village de Brume, Alfred est un petit farceur, mais ses tours ne font plus rire personne, surtout depuis que les trolls volent des objets précieux.

« Les trolls volent toujours les objets préférés des villageois. Ceux qu’ils aiment et qui leur manqueront le plus. Ce n’est pas forcément ce qu’ils possèdent de plus précieux. Mais c’est ce qui les réconforte et les rend heureux. »

Ragnar, l’oncle d’Alfred, est mandaté pour les retrouver. Quand il disparaît dans la tempête sous les yeux de son neveu, c’est le jeune Alfred qui devra le retrouver et faire face aux dangers de la forêt et à la force de l’hiver, la Grande.

Cette histoire est très jolie et pour moi, ça été un roman parfait pour commencer cette saison froide et le défi Un hiver au chalet. J’ai adoré l’histoire de la Grande et la Petite, racontée comme une légende. C’est une image forte, qui donne tout de suite le ton à l’histoire, qui deviendra une grande aventure.

« Où va l’hiver pendant l’été? »

C’est une histoire fantastique, qui anime la forêt et ses habitants, et qui permet de mettre en place un univers Viking et les légendes qui y sont associées. L’imaginaire qui entoure le roman m’a beaucoup plu.

Le roman est illustré par Tristan Gion. Les couleurs sont sublimes et les illustrations sont vraiment magnifiques. On sent l’inspiration Viking et la beauté des paysages d’hiver en forêt. C’est un petit plaisir supplémentaire. Son coup de crayon correspond parfaitement à ce genre d’histoire. 

Les sœurs hiver est un roman dans lequel j’ai tout de suite embarqué et que j’ai lu d’une traite. C’était une lecture parfaite au bon moment et je suis contente de l’avoir proposée pour le défi.

Les Sœurs hiver, Jolan C. Bertrand, Tristan Gion, éditions L’école des loisirs, 225 pages, 2022

Les grands petits voyages d’Emil

Dans un pays lointain, là où il fait très très froid, Emil passe les vacances chez sa grand-mère, au milieu des flocons et des vieux souvenirs.. Mais il règne ici une drôle d’ambiance, et ce vieux livre trouvé dans le grenier semble cacher bien des secrets.. À commencer par cette mystérieuse lueur bleue…. Et si cette lumière était un passage vers des mondes imaginaires peuplés de créatures fantastiques ?. Emil a le pouvoir de protéger la magie du monde.. Acceptera-t-il d’accomplir son destin ?. Quand la magie se mêle au monde réel, c’est une fabuleuse histoire que l’on découvre

Ce bel album rassemble tout ce que j’aime: une jolie histoire, des créatures fantastiques, de la neige et des aurores boréales. En plus, il y a de petites portes à ouvrir tout au long de l’histoire, ce qui en fait un album ludique, aux illustrations presque magiques.

Emil est en vacances chez sa grand-mère et il s’ennuie. Il a l’impression d’être un peu déconnecté de son quotidien dans cette maison isolée, dans une forêt pleine de neige. Et il y a en plus, toutes ces histoires loufoques que lui raconte sa grand-mère.

Malgré l’interdiction, Emil va se réfugier au grenier. C’est là qu’il découvre un vieux livre auréolé d’une lueur bleuté. Il décide alors de l’ouvrir…

Cette aventure lui fera découvrir tout un monde qu’il ne soupçonnait pas. Une forêt magique, des créatures fantastiques, un monde qu’il se doit désormais de protéger. Il découvrira également certaines informations sur sa grand-mère qui lui feront voir les choses d’un tout autre œil.

Cet album est un voyage au pays de l’imaginaire, dans un univers de neige, de glace, où les dragons et la magie existent, quelque part dans ce bout de forêt enneigée. Les illustrations sont vraiment très jolies, teintées de fantastique et très lumineuses. Les couleurs sont magnifiques. Tout à fait le genre d’album que j’aime! Et puis les histoires de livre magique qui nous amènent ailleurs, c’est toujours gagnant. 

C’était un très beau voyage aux côtés d’Emil. J’espère qu’il y en aura d’autres!

Les grands petits voyages d’Emil, Maya Saenz, Sophie Le Hire, éditions Gründ, 24 pages, 2023

Le garçon aux pieds à l’envers

Disparaître dans un village aussi petit que Saint-Sévère est hautement improbable. Pourtant, en cette journée de canicule, Joey Laforme est introuvable. Adrienne Ferron, 14 ans, est la seule à remarquer l’absence de sa petite voisine, dont les géniteurs d’ailleurs, ne gagneraient jamais le trophée de parents de l’année. Selon sa conception exclusive de l’amitié, Adrienne voit d’abord dans cette disparition un prétexte convaincant pour passer du temps avec son amie Léonie, venue spécialement de la ville afin de l’aider à y voir plus clair. Avec comme seuls indices le sac à dos de Joey et la réception d’étranges textos, les deux amies sont vite persuadées qu’il n’est pas seulement question d’une mauvaise blague : la petite est réellement en danger !

Voilà un livre auquel je ne m’attendais pas et qui m’a tellement happée que je l’ai lu en quelques heures.

Saint-Sévère est un tout petit village. Adrienne a 14 ans. Sa petite voisine Joey, qui venait de lui envoyer un message demandant de l’aide, a disparu. La famille de la petite semble ne pas s’inquiéter qu’elle ne soit plus là. L’auteur aborde à travers le personnage de Joey, le quotidien difficile d’une famille dysfonctionnelle. Adrienne profite de cette disparition pour passer du temps avec sa meilleure amie Léonie. Les filles partent à la recherche de Joey. Un journal trouvé dans le sac à dos abandonné par la fillette et quelques textos étranges leur servent d’indices. Quand un vieil ami d’enfance d’Adrienne surgit et qu’elles font la connaissance sur internet d’un chasseur de démons, cette disparition prend une toute autre tournure…

Cette histoire est étonnante et intrigante, avec l’enquête autour de la disparition de Joey et de la réapparition d’un ami d’Adrienne. Et il y a Corinna qui flâne dans les parages, déçue d’être la troisième amie insignifiante de leur trio. L’auteur avait un don pour raconter les amitiés difficiles et parfois décevantes de l’adolescence, entre les rapports de force, les rivalités et les différences d’âge. C’est un aspect touchant du roman, car il n’est pas toujours facile de se tailler une place dans un groupe d’amis. 

Le roman a aussi un aspect « paranormal » qui frôle parfois la légende. Ça m’a beaucoup plu, parce qu’on veut forcément en savoir plus. C’est intrigant et, mélangé à l’enquête des adolescents, ce roman s’avère finalement très prenant. J’ai beaucoup aimé cette histoire! J’ai apprécié également que le roman se déroule en région et que des passages mettent en scène des textos et des forums de discussion.

« Il se souvint que son destin était de combattre les créatures des ténèbres. »

Je ne m’attarderai pas sur la polémique (que je ne comprends pas) entourant la publication de ce livre et le triste décès de son auteur. J’ajouterai par contre que, pour œuvrer en bibliothèque depuis des années, je suis contre la censure et je me réjouis chaque fois qu’un livre pointé du doigt est emprunté. Les lecteurs, jeunes et moins jeunes, sont intelligents. Les livres sont là pour élargir l’esprit et permettre à chacun de se forger une opinion. J’ai d’ailleurs prêté ce roman la semaine dernière et il a beaucoup plu. Je vous le conseille!

Le garçon aux pieds à l’envers, Les chroniques de Saint-Sévère, François Blais, éditions Fides, 320 pages, 2022

Sous le ciel de Tessila 2: La conjuration des agneaux

Au palais de Sépahan, Sévrina s’apprête à tuer le shah. La plus douée des agneaux de Dame Marceline attend ce moment depuis cinq ans. Mais le destin l’oblige à saborder sa mission et à repartir en quête de poison avec un Assarbâd prêt à tout pour survivre. Au même moment, dans la lointaine vallée du Réal, Florie assiste impuissante au départ de sa sœur. La douce Jélina serait, elle aussi, un agneau qu’on doit mettre à l’abri au Protectoriuil. Intrépide bergère du Dagrab, Florie n’a que faire des ordres ; elle s’élance à la suite de l’escorte dans un périlleux voyage qui la conduit jusqu’à l’abbaye de Marceline. S’agit-il d’un refuge, comme le prétend l’abbesse, ou d’une prison comme le craint Florie ? Plus sombre que jamais, l’avenir semble lié à l’ineffable pouvoir des agneaux karakuls. Au cœur des conspirations, victimes de la guerre que mijote le shah, qui pourra leur insuffler la force nouvelle de ramener la lumière en Tessila ?

J’avais adoré le premier tome, qui laissait présager une guerre imminente. C’est donc avec un grand enthousiasme que j’ai commencé le second. Je voulais savoir ce qui arrivait aux personnages, quel serait le dénouement de cette histoire débordante d’aventures. Ce qui s’amorce, c’est une guerre d’une grande ampleur, orchestrée par le shah, qui tente de forcer le peuple à se soumettre. Une guerre que les déesses avaient prédit.

« Jélina chevauchait maintenant vers le levant, bien droite sur son cheval, déterminée plus que jamais. Le cœur dans un étau, Florie la regardait s’éloigner quand un élan de révolte s’empara d’elle. Il n’en était pas question! Elle cracha par terre. Sa décision était prise. Jamais elle ne laisserait ces gardes mettre sa sœur en prison. »

L’auteure s’inspire des légendes iraniennes pour créer son monde teinté de fantastique. Les paysages et les noms s’inspirent de la langue arabe et de l’univers des déserts. C’est un contexte très intéressant pour un roman fantastique qui nous amène dans des lieux peu explorés dans ce type de littérature.

Les cinquante premières pages du livre m’ont fait sentir un peu perdu et attristé. On ne retrouve au début que Marceline, mais les autres personnages sont nouveaux. Dans le premier tome, j’étais très attaché à Mydrielle et Kian. Le début du livre comporte un peu moins d’action. J’essayais donc de comprendre quel chemin m’attendait. Après, on commence à comprendre où l’auteure veut nous amener. Et le talent de Mylène Gilbert-Dumas c’est de réussir à nous rendre attachant de nouveaux personnages. On les aime donc rapidement. Florie est celle que je préférais dans cette suite. Une jeune montagnarde qui s’avère être une vraie guerrière. L’auteure a une belle façon de conserver le souvenir d’anciens personnages et de nous permettre de poursuivre avec les seconds.

« Un craquement de branche la tira de sa sérénité, et elle retrouva l’état de grande vigilance qui lui était naturel. Kourké était tendu, lui aussi. D’autres branches craquèrent, à peine audibles, dans ce qui semblait être un bruit de feuilles froissées par le vent. Rien ici pour éveiller les soupçons d’un Tessilan. Mais les agneaux et les Omsks n’étaient pas des Tessilans ordinaires. Sévrina sentit que, comme elle, Kourké avait remarqué l’absence de vent. La conclusion s’imposa: ils n’étaient pas seuls. »

La fin de ce second tome est satisfaisante et semble clore cette histoire. Je l’avoue cependant, j’aimerais bien une suite à ce livre, même si l’histoire se suffit à elle-même. J’ai adoré l’univers et je trouve intéressant le contexte qui l’a inspiré. Fantastique, conspirations, guerre, ces deux romans sont prenant et originaux. Deux tomes que je conseille fortement, qui méritent largement d’être connus et lus. L’auteure a fait un très bon travail de recherche et d’écriture. J’ai beaucoup aimé!

Sous le ciel de Tessila t.2: La conjuration des agneaux, Mylène Gilbert-Dumas, éditions Flammarion Québec, 280 pages, 2023