Sermilik

À 18 ans Max a décidé de quitter Marseille pour s’installer sur la côte Est du Groenland. Dans le village isolé de Tiniteqilaaq où il habite depuis trente ans, il a appris des Inuits leur mode de vie particulièrement rude, à l’aune d’une nature aussi magnifique qu’impitoyable. Un parcours quasi-initiatique, fait de moments intimes ou épiques, dont Max a confié le récit à Simon Hureau. L’auteur de L’Oasis nous propose ici la biographie d’un homme ordinaire qui a choisi de vivre son rêve dans l’un des endroits les plus inhospitaliers de la planète

J’ai eu un gros coup de cœur pour ce roman graphique passionnant! Le livre est superbe, l’histoire est fascinante et on suit le parcours de Max avec beaucoup d’intérêt.

L’auteur nous raconte l’histoire de Max Audibert dont la vie était toute tracée d’avance. Jusqu’à ce qu’un rêve prenne toute la place: celui de devenir chasseur arctique. La vie est faite pour réaliser nos rêves alors il le fait. Il part à Tiniteqilaaq, au Groenland, seul. Il apprend deux mots de tunumiusut, soit comment dire « je veux vivre comme un chasseur ».

« Aujourd’hui, chaque jour de ma vie, je peux me féliciter d’avoir écouté ce rêve et d’être allé à sa rencontre. »

Un chasseur du village l’accueille chez lui et Max apprend la langue et le mode de vie. Tout est à découvrir et le quotidien est souvent rude. Mais ce lieu magnifique lui offre le bien le plus précieux: la liberté.

Cette bande dessinée nous raconte sa vie et son parcours, de son arrivée aux années d’apprentissage, jusqu’à la famille qu’il va fonder, les conséquences des changements survenus avec la vie occidentale qui s’infiltre partout et la technologie, la perte d’un mode de vie et de savoirs ancestraux et le désir de les perpétuer. Pour se faire, Max deviendra enseignant. Transmettre ce qu’il a apprit à son arrivée est l’un des meilleurs moyens de perpétuer des traditions.

« C’est vrai ça, au fond… Pourquoi les enfants d’ici devraient-ils se contenter de maths, de géo, de danois, quand leur culture est si riche de savoirs qui se perdent… »

L’histoire est passionnante. On découvre l’intimité d’un petit village et un mode de vie vraiment intéressant. J’ai été émue, j’ai appris des choses, j’ai adoré suivre l’histoire de Max et celle de son apprentissage. 

Le dessin de Simon Hureau est magnifique et c’est un roman graphique dans lequel je me sentais bien. Visuellement, les dessins sont superbes et les couleurs tellement agréables. J’ai adoré! La narration choisie par l’auteur pour raconter l’histoire de Max est aussi un choix judicieux. Il fait parfois parler quelques animaux afin de nous permettre d’explorer le quotidien d’une façon plus intimiste. Ça semble étrange, dit de cette façon, mais ça ne l’est pas du tout car ça s’imbrique parfaitement dans le récit.

Je ne peux que vous conseiller cette histoire. C’est un gros coup de cœur! C’est totalement le genre de bande dessinée que j’adore lire. Je suis plus que ravie de cette superbe découverte!

Sermilik, là où naissent les glaces, Simon Hureau, éditions Dargaud, 208 pages, 2022

Humaine, trop humaine

« Philosopher, c’est apprendre à mourir », dit Montaigne. Mais, face à l’immensité vertigineuse de la philosophie, on voudrait parfois mourir avant d’apprendre. Besoin d’aide ? Faites confiance à Catherine Meurisse pour allumer l’être et le néon et aérer la caverne de Platon. Sous sa plume alerte défilent les philosophes les plus célèbres : Aristote, Nietzsche, Cioran, Rousseau, Voltaire, Hegel, Deleuze, Beauvoir, Arendt, Marx… L’occasion pour la dessinatrice de railler la prédominance masculine dans le monde des idées. Maniant tes concepts philosophiques avec rigueur et humour, renversant les mythes, Humaine, trop humaine esquisse une autre manière de penser et d’être au monde.

Une bande dessinée qui parle de philosophie, ce n’est pas très courant. Celle-ci est très originale. Elle aborde les grandes idées de 46 philosophes à travers des planches humoristiques. C’est une bd qui ne se prend pas au sérieux et qui est très drôle.

L’auteure a choisi d’offrir un regard féminin, par le dessin, sur un monde presque entièrement masculin. Étant donné que plusieurs propos de philosophes sont empreints de misogynie, ce coup d’œil féminin et ce coup de crayon décalé fait plaisir à lire. Ça permet au lecteur de saisir les grandes pensées des philosophes, mais avec une touche d’humour qui puise parfois dans notre monde d’aujourd’hui. On retrouve par exemple Darwin qui tente de faire fonctionner une conférence par zoom. Cette amusante mise en contexte « moderne » sert à illustrer ses idées sur la sélection naturelle.

Les tweetées de Pascal.
« L’amour-propre est un divertissement pathétique. »
« Nous haïssons et la vérité, et ceux qui nous la disent. Nous aimons qu’ils se trompent à notre avantage, et nous voulons être estimés d’eux. »
« On nous traite comme nous voulons être traités. Nous voulons être flattés, on nous flatte. Nous aimons être trompés, on nous trompe. »

On apprend, on rit, mais c’est rempli de justesse. On a lu cette bande dessinée à deux et on a eu beaucoup de plaisir. Le travail de Catherine Meurisse nous a apporté de belles discussions autour de de la philosophie et des courants de pensées. C’est d’ailleurs une façon très amusante et abordable de côtoyer les philosophes dont le travail peut parfois sembler inaccessible.

Voilà donc une bande dessinée où l’on passe un très bon moment, où l’on découvre de nombreux philosophes et penseurs. C’est drôle et bien fait. Les dessins sont tous en couleurs. La particularité à noter ici est l’écriture est en lettres attachées qu’on retrouve assez peu aujourd’hui.

« Pour Baudrillard, nos sociétés ont mis en œuvre des procédures visant à contrôler et manipuler le consommateur. Les objets ne sont plus considérés selon leur usage mais en tant qu’ils forment un système de signes permettant à l’individu de se distinguer des autres socialement. »

C’est un travail de qualité que nous offre Catherine Meurisse, intelligent et instructif, tout en humour. J’ai vraiment aimé. C’est tout à fait mon genre de bande dessinée. J’ai aussi pris plaisir à le lire à voix haute. Le propos s’y prêtait bien. Je ne peux que vous conseiller cette lecture.

Humaine, trop humaine, Catherine Meurisse, éditions Dargaud, 96 pages, 2022

La Génétique au coeur

Une jeune femme annonce à son père généticien qu’elle et sa sœur ont fait un test génétique récréatif. Totalement interdit en France afin de protéger les individus, ces tests permettent de rechercher ses origines généalogiques et de réaliser des bilans de santé. Sentant l’hésitation et l’inquiétude de sa fille quant aux résultats, le chercheur revient sur plusieurs souvenirs professionnels pour lui expliquer l’importance de la génétique dans la recherche de son identité, ainsi que ses progrès, ses applications et ses dangers à l’heure d’un monde globalisé et numérique où les algorithmes influencent…

Ces temps-ci, je baigne un peu dans ce sujet: l’utilisation de l’ADN et la généalogie génétique. J’ai vu un documentaire fort intéressant sur le sujet, L’ADN, la fin du crime? Et j’ai lu un ouvrage sur le Golden State Killer, dont il question de ces sujets. Tout est donc en lien avec l’utilisation de l’ADN. Ce roman graphique s’imposait donc dans mon parcours de lectrice en ce moment.

La génétique au cœur est une bande dessinée vraiment passionnante dont la construction nous aide à comprendre ce sujet très vaste et complexe qu’est l’ADN. Agathe visite son père qui est généticien. Il l’a toujours mis en garde contre les tests d’ADN dits « récréatifs » pour connaître ses ancêtres, mais elle et sa sœur l’ont fait quand même. Et Agathe doit maintenant faire face aux résultats…

Parallèlement, son père lui raconte des affaires et des cas de génétique sur lesquels il a travaillé. On découvre l’utilisation de la généalogie génétique pour les enquêtes non résolues (avec une allusion à l’affaire du Golden State Killer) et son application en médecine afin de soigner les gens. Mais la bande dessinée aborde aussi les dérives possibles de cette utilisation et les raisons pour lesquelles le père d’Agathe n’approuve pas les tests récréatifs. On comprend également comment fonctionne l’ADN et de quelle façon on peut en tirer des résultats, ainsi que les développements les plus récents dans le domaine, comme la création de « portrait-robot génétique ». C’est très intéressant!

On apprend une foule de choses avec ce roman graphique bien construit, qui utilise la fiction pour aborder de façon documentaire un sujet complexe. L’histoire d’Agathe et de son père est le prétexte pour aborder de façon personnelle et éthique l’utilisation de l’ADN et des tests récréatifs avec tout ce que cela implique. C’est passionnant, très instructif et les auteurs sont de bons vulgarisateurs. Ça permet d’éclairer une tendance que l’on retrouve de plus en plus dans notre société et d’avoir une meilleure idée de tout ce qu’implique un petit test d’ADN fait chez soi, afin d’avoir un avis éclairé sur la question.

Une excellente lecture et une belle découverte! Je vous conseille assurément cette bande dessinée, qui offre de bonnes pistes de réflexion.

La Génétique au cœur, Héloise Chochois, Philippe Amouyel, éditions Dargaud, 176 pages, 2023

Le monde sans fin

La rencontre entre un auteur majeur de la bande dessinée et un éminent spécialiste des questions énergétiques et de l’impact sur le climat a abouti à ce projet, comme une évidence, une nécessité de témoigner sur des sujets qui nous concernent tous. Intelligent, limpide, non dénué d’humour, cet ouvrage explique sous forme de chapitres les changements profonds que notre planète vit actuellement et quelles conséquences, déjà observées, ces changements parfois radicaux signifient. Jean-Marc Jancovici étaye sa vision remarquablement argumentée en plaçant la question de l’énergie et du changement climatique au cœur de sa réflexion tout en évoquant les enjeux économiques (la course à la croissance à tout prix est-elle un leurre ?), écologiques et sociétaux. 

Voilà un ouvrage que j’ai grandement apprécié. Après la lecture, notre perception du climat, de l’énergie et de la consommation de façon générale change beaucoup. Les auteurs creusent le sujet en profondeur. Ils parlent de tout ce que l’on ne dit pas et de la pollution qui découle des « énergies vertes ». Le prologue de cet ouvrage est important car Blain nous raconte les prémisses de ce projet. Il nous parle d’où vient l’idée de la bd et qui est Jancovici, de quelle façon les deux auteurs en sont venus à travailler ensemble. On découvre les raisons de son intérêt pour les changements climatiques et les différentes sortes d’énergie, au-delà des idées reçues et de ce qui est mis de l’avant par nos politiciens et nos gouvernements, pas forcément toujours pour les bonnes raisons.

« Plus tu as d’énergie disponible par personne, plus tu as de machines, moins tu as de population qui travaille dans l’agriculture. Tu l’observes absolument partout dans le monde… »

C’est un ouvrage qui nous parle de ce que l’on vit aujourd’hui dans nos sociétés et dans le monde. Ce livre combine la science, l’histoire et les réflexions des auteurs. Il parle de notre perception des changements climatiques, de l’énergie fossile, électrique, nucléaire, solaire, ainsi que des éoliennes. Les auteurs creusent le sujet en profondeur. Il y est aussi question de surconsommation. C’est en lien direct avec les énergies fossiles. On en apprend énormément sur la fabrication des choses. C’est à notre perception des énergies fossiles, bonne ou mauvaise, que s’attaquent les auteurs. La façon dont le propos est amené est saisissant et frappant. On réalise beaucoup plus toute l’ampleur de nos déplacements, de notre consommation et des conséquences qui en découlent.

Ce roman graphique est un ouvrage essentiel pour aller au-delà des idées reçues. C’est un livre que j’ai trouvé hyper instructif. Il nous pousse à une plus grande réflexion et à une meilleure compréhension des énergies et de la pollution, en allant plus loin que tout ce que l’on entend partout. Ça nous permet aussi de mettre en relief les conséquences de nos achats, versus les pays où ils sont produits et les combustibles utilisés dans le monde. Les auteurs mettent en évidence les impacts de nos choix de société, à un point qu’on n’imagine même pas.

« Le permafrost désigne des terres gelées, dans le Grand Nord, en Alaska, en Sibérie, au Canada. Il recouvre 20% de la surface terrestre. Il a commencé à fondre et à libérer du CO2, du méthane, en quantités mal évaluées… Accélérant encore le réchauffement climatique. Il contiendrait aussi des virus en sommeil. Sa fonte risque de libérer des phénomènes inattendus. »

J’ai apprécié également l’aspect visuel. Les graphiques, les images, la construction de la bd sans cases définies, les dialogues complets, avec des échanges entre les auteurs et une grande quantité d’informations pertinentes. Le tout, avec parfois un brin d’humour.

Un roman graphique que je conseille absolument, pour avoir une meilleure idée de ces sujets qui touchent tout le monde: le climat et ses changements, ainsi que l’énergie et la consommation. Ça nous fait réaliser pleinement ce qui découle de chaque geste du quotidien, petit ou grand.

Le monde sans fin, Christophe Blain, Jean-Marc Jancovici, éditions Dargaud, 196 pages, 2021

La Bibliomule de Cordoue

Califat d’Al Andalus, Espagne. Année 976. Voilà près de soixante ans que le califat est placé sous le signe de la paix, de la culture et de la science. Le calife Abd el-Rahman III et son fils al-Hakam II ont fait de Cordoue la capitale occidentale du savoir. Mais al-Hakam II meurt jeune, et son fils n’a que dix ans. L’un de ses vizirs, Amir, saisit l’occasion qui lui est donnée de prendre le pouvoir. Il n’a aucune légitimité, mais il a des alliés. Parmi eux, les religieux radicaux, humiliés par le règne de deux califes épris de culture grecque, indienne, ou perse, de philosophie et de mathématiques. Le prix de leur soutien est élevé : ils veulent voir brûler les 400 000 livres de la bibliothèque de Cordoue. La veille du plus grand autodafé du monde, Tarid, eunuque grassouillet en charge de la bibliothèque, réunit dans l’urgence autant de livres qu’il le peut, les charge sur le dos d’une mule qui passait par là et s’enfuit par les collines au nord de Cordoue, dans l’espoir de sauver ce qui peut l’être du savoir universel. Rejoint par Lubna, une jeune copiste noire, et par Marwan, son ancien apprenti devenu voleur, il entreprend la plus folle des aventures : traverser presque toute l’Espagne avec une « bibliomule » surchargée, poursuivi par des mercenaires berbères.

Ce roman graphique superbe s’est avéré une surprise de taille: en plus d’être une histoire passionnante sur la culture et les livres, c’est très drôle! Je ne m’y attendais pas du tout. 

Nous sommes à Cordoue au Xe siècle. La bibliothèque est immense, l’une des plus grandes. L’art et le savoir sont importants. Mais voilà que le calife al-Hakam II meurt subitement. Son jeune fils qui n’a que onze ans laisse plutôt gouverner le vizir à sa place.

La décision a donc été prise de vider la bibliothèque et de brûler les livres. Tarid, le bibliothécaire, aidé de Lubna, une copiste, décident de sauver le plus grand nombre d’ouvrages sans se faire repérer par les gardes. Ils embarquent tout sur une mule et entreprennent un long voyage pour tenter de mettre en lieu sûr ces œuvres inestimables. Se joint à eux Marwan, un homme indiscipliné et le pire apprenti que Tarid n’avait jamais eu! Leur voyage ne sera pas de tout repos, surtout avec cette mule qui n’en fait qu’à sa tête et qui ne cesse de croquer les pages d’un livre… de mathématiques.

« Ce livre a traversé la mer et a été sauvé de justesse après un naufrage… ce n’est pas pour finir dans l’estomac d’une [mule]. »

Les auteurs campent leur histoire à une époque qui ne m’est pas du tout familière et pourtant, j’ai adoré cette lecture. On apprend beaucoup de choses sur la façon dont les dynasties, la politique et la religion fonctionnaient. L’ouvrage est un bel hommage à l’importance des livres, de la culture et de la transmission de celle-ci. Les personnages sont amusants et la mule est un point central de toute cette histoire. Il faut aussi savoir que ce qui a inspiré les auteurs pour cette fiction se base sur un fait avéré: le vizir Al-Mansur a bel et bien supprimé de la bibliothèque de Cordoue tous les livres qui ont été mis à l’index par les oulémas. C’est donc également une réflexion sur la prise de pouvoir au nom de la religion et sur la censure perpétrée de tout temps au nom d’une doctrine quelconque.

« Tarid a passé sa vie à prendre soin des livres de cette bibliothèque. Près de quarante années employées à protéger chaque ouvrage de l’humidité, des moisissures, des souris, de la lumières… À faire recopier les ouvrages fanés ou abîmés devenus difficiles à lire, à faire consolider les reliures, à inventorier, classer, dépoussiérer… il ne connaît rien d’autre. C’est son cœur qui se consume, là-bas. C’est lui qu’on brûle. »

J’ai eu beaucoup de plaisir avec cette lecture qui nous apprend énormément de choses et qui s’avère être une œuvre intéressante sur l’importance des connaissances, de leur transmission et de leur accessibilité.  La bande dessinée permet d’aborder des sujets graves, comme l’autodafé d’une importante bibliothèque, tout en rendant la lecture accessible même si la culture du monde arabe ne nous est pas familière. Une carte dessinée apparaît en début d’ouvrage pour nous permettre de visualiser le monde méditerranéen de 976 et l’évolution de la dynastie des Omeyyades de Cordoue. Plusieurs scènes sont drôles et le ton est agréable. De plus, l’ouvrage est très soigné et très beau, avec ses dorures et son signet intégré. On dirait presque… un livre précieux issu de la bibliothèque de Cordoue. 

Une belle histoire, instructive et parfois comique, sur la richesse des livres. Ce qui devrait parler à la plupart des lecteurs et lectrices que nous sommes. C’est à lire!

La Bibliomule de Cordoue, Wilfrid Lupano, Léonard Chemineau, éditions Dargaud, 364 pages, 2021

Les yeux perdus

1916, quelque part sur le front de l’Est, entre Pologne et Russie, trois orphelins sont les seuls survivants dans un orphelinat. Derrière le portail, tout n’est plus que dévastation, ruines et décomposition. Ils n’ont qu’un seul moyen de survie : attirer, tuer et manger les soldats blessés cherchant un endroit où s’abriter. Un des enfants ne peut plus supporter ce semblant de vie. Il découvre de nouveaux amis — les seuls ? — dans les magnifiques poupées victoriennes qui peuplent les étagères d’une des pièces vides de l’orphelinat. Les poupées acceptent de l’aider à une seule condition : qu’il leur donne des yeux pour remplir leurs orbites vides

Voilà une bande dessinée plus que parfaite pour l’Halloween! 

Nous sommes en 1917 pendant la Première Guerre Mondiale, quelque part en Europe. Trois enfants survivent dans un orphelinat déserté: Ofelia et son frère Otto, qui suivent les ordres d’un autre garçon, Maurice, dont les parents s’occupaient de l’orphelinat avant que le typhus décime tout sur son passage. Une dynamique malsaine s’est installée entre les trois, avec Maurice qui dirige et ordonne aux autres de faire ce qu’il souhaite. Sur la demande de Maurice, Ofelia et Otto partent dans les bois en quête de nourriture. Les sorties ne sont jamais faciles à cause de la guerre ou des rencontres. Parfois, ils ramènent aussi des soldats égarés…

Cette bande dessinée d’horreur est très efficace! Je crois que le fait de mettre en scène des enfants dans un contexte aussi sombre rend le tout vraiment effrayant. J’ai beaucoup aimé, parce qu’elle joue avec nombre de peurs enfantines: la solitude, les orphelinats, la désertion des adultes, les poupées (qui n’ont pas d’yeux)… 

L’atmosphère est inquiétante et terrifiante. Ce qui se passe derrière les murs de l’orphelinat est vraiment macabre et donne le frisson. Les lits sont encore occupés, les enfants évoluent parmi tout ce qui n’a pas survécu au temps d’avant. J’ai aimé ce scénario complètement glauque, surtout à cette période de l’année, parce que j’aime frissonner. L’histoire est bien menée et les dessins correspondent bien à l’histoire.

Si vous aimez les bandes dessinées d’horreur, qui nous amènent là où l’on ne voudrait peut-être pas aller, celle-ci est pour vous!

Les yeux perdus, Diego Agrimbau, Juan Manuel Tumburus, éditions Dargaud, 80 pages, 2022