Comment un respectable universitaire d’Oxford a-t-il pu devenir le plus grand auteur de fantasy? La perte précoce de ses parents, les injustices subies par sa mère, son enfance dans les faubourgs viciés de Birmingham, la séparation forcée d’avec sa fiancée, Edith, et surtout l’expérience traumatisante de la guerre de 1914 ont forgé son caractère. Sa passion pour les mots et les langues, sa rencontre avec les grandes mythologies nordiques et sa foi religieuse inébranlable lui donneront la force d’accepter la mort et de la sublimer dans un récit d’un genre inédit, une nouvelle Genèse dont l’écriture commence pendant la Grande Guerre et qui donnera naissance des années plus tard au Seigneur des Anneaux.
Tolkien à 20 ans est un ouvrage bien intéressant qui nous parle de John avant qu’il devienne Tolkien. En plongeant dans la jeunesse de Tolkien, Alexandre Sargos tente de découvrir comment ce jeune homme devenu trop tôt orphelin, amoureux d’une femme plus âgée que lui alors qu’il est toujours mineur (femme qu’il finira d’ailleurs par épouser) et qui a été envoyé à la guerre, est devenu l’auteur du Seigneur des Anneaux, créateur d’un monde aussi riche que vaste.
J’ai lu plusieurs biographies de Tolkien. Je suis une grande admiratrice de tout le travail d’imagination, de géographie et de recherche que la création de la Terre du Milieu a pu nécessiter. Même si j’ai déjà lu plusieurs livres sur Tolkien, celui-ci demeure très intéressant par son approche: revisiter la jeunesse de l’auteur afin de mieux comprendre son parcours, son évolution et ce qui l’a forgé à devenir un monument de littérature fantasy. Ou comme le dit l’auteur: ce qui a amené Tolkien à créer une future mythologie imaginaire de l’Angleterre.
On apprend toutes sortes d’anecdotes sur Tolkien, des randonnées qu’il a pu faire qui l’ont inspiré, des événements qu’il a vécu et qu’il a romancé pour se retrouver entre les pages des aventures des Hobbits. Son imagination fertile lui a fait créer des mondes fabuleux, des langues complexes, des cartes et des personnages inoubliables. L’ouvrage répond à de nombreuses questions: d’où lui vient l’inspiration pour créer Gandalf? Saruman? Ou Sam Gamgie? Qu’est-ce qui a déterminé les paysages qu’on retrouve dans son oeuvre? Le Mordor? Qu’est-ce qui a déclenché son amour pour les langues? Quelles lectures ont pu l’inspirer? Comment l’art l’a influencé? Comment sa passion du dessin a pu lui permettre de créer l’univers qu’il a inventé?
« En fin de compte les histoires longues qui captivent les gens pendant très longtemps sont des histoires humaines qui ne parlent que d’une seule chose: la mort. »
Ses premiers écrits, d’abord en vers puis en prose, jettent les base de ce que seront les personnages du Seigneur des Anneaux, son oeuvre sans doute la plus connue et la plus lue. Chaque fois que je lis un ouvrage qui parle de Tolkien, je reste toujours surprise par l’ampleur de ce qu’il a créé et par le souci du détail qu’il possédait. Il a étayé sa création par des cartes, des personnages, des éléments qui sont impressionnants. Tolkien a même calculé, pour Le Seigneur des Anneaux, les différentes phases de la lune afin de coller à une certaine réalité. Tolkien a inventé toute une mythologie et les langues qu’on y parlait, comme le sindarin, le naffarin, le sylvain et le quenya, des langues elfiques ou celle des Nains, qui ont sans aucun doute passionné le philologue qu’il était.
« Le monde s’effondre, John va en bâtir un autre, imaginaire, qui enchantera des millions de personnes, alors que la guerre en tuera d’autres millions. »
Malgré tout, même si Tolkien était par exemple, intransigeant concernant la religion, il me semblait être un homme en avance sur son temps. Dans son entourage, sa tante a été une des premières femmes d’Angleterre à être diplômée en science. Sa mère élevait seule deux garçons, allait à contre-courant de sa famille avec ses croyances religieuses auxquelles elle tenait. Quant à Tolkien, il aimait déjouer les règlements, surtout à l’université pendant ses études. Il est tombé amoureux de sa future femme alors qu’il était encore mineur et elle, plus âgée que lui. Ils se sont attendus afin de pouvoir vivre, enfin!, cet amour tant espéré. Il a créé un code pour pouvoir échanger avec son amoureuse malgré la censure des lettres pendant la guerre. Écologiste avant l’heure, il défend une certaine philosophie de la nature et a énormément souffert, plus jeune, d’un exil forcé vers la ville. Il aimait profondément la nature. Tout petit déjà, les arbres – qu’on retrouvent abondamment dans ses romans – étaient d’une importance capitale.
« …la vie est une défaite inéluctable. Il faut s’attendre à tout, surtout au pire. »
Tolkien à 20 ans est un petit livre vraiment intéressant, qui n’a fait que confirmer l’admiration que j’ai pour le travail extraordinaire de cet écrivain et pour les mondes qu’il a créé. La lecture de cette courte biographie m’a redonné envie, encore une fois, de me plonger à nouveau dans Le Seigneur des Anneaux. C’est un livre qui m’accompagne depuis des années, que je relis souvent lorsque l’occasion se présente, et qui trône bien souvent quelque part sur ma table de chevet. Je prend toujours plaisir à lire un chapitre par-ci, par-là. Le Seigneur des Anneaux est d’ailleurs le seul livre de ma bibliothèque que je possède en trois exemplaires, dont deux sont accompagnés d’illustrations.
Avec cet ouvrage, Alexandre Sargos entreprend de faire le portrait d’un jeune homme devenu un écrivain incomparable. Il décortique aussi l’univers des romans, en expliquant les thématiques et la création, et en revisitant son état d’esprit par l’entremise de ses lettres. Si Tolkien vous intéresse, que vous adorez son univers, Tolkien à 20 ans est une lecture qui vaut vraiment la peine. On apprend beaucoup et on retrouve l’univers de Tolkien avec grand plaisir. Une très belle lecture!
Tolkien à 20 ans, Alexandre Sargos, éditions Au diable Vauvert, 168 pages, 2019