Tolkien à 20 ans

JRR Tolkien à 20 ansComment un respectable universitaire d’Oxford a-t-il pu devenir le plus grand auteur de fantasy? La perte précoce de ses parents, les injustices subies par sa mère, son enfance dans les faubourgs viciés de Birmingham, la séparation forcée d’avec sa fiancée, Edith, et surtout l’expérience traumatisante de la guerre de 1914 ont forgé son caractère. Sa passion pour les mots et les langues, sa rencontre avec les grandes mythologies nordiques et sa foi religieuse inébranlable lui donneront la force d’accepter la mort et de la sublimer dans un récit d’un genre inédit, une nouvelle Genèse dont l’écriture commence pendant la Grande Guerre et qui donnera naissance des années plus tard au Seigneur des Anneaux.

Tolkien à 20 ans est un ouvrage bien intéressant qui nous parle de John avant qu’il devienne Tolkien. En plongeant dans la jeunesse de Tolkien, Alexandre Sargos tente de découvrir comment ce jeune homme devenu trop tôt orphelin, amoureux d’une femme plus âgée que lui alors qu’il est toujours mineur (femme qu’il finira d’ailleurs par épouser) et qui a été envoyé à la guerre, est devenu l’auteur du Seigneur des Anneaux, créateur d’un monde aussi riche que vaste.

J’ai lu plusieurs biographies de Tolkien. Je suis une grande admiratrice de tout le travail d’imagination, de géographie et de recherche que la création de la Terre du Milieu a pu nécessiter. Même si j’ai déjà lu plusieurs livres sur Tolkien, celui-ci demeure très intéressant par son approche: revisiter la jeunesse de l’auteur afin de mieux comprendre son parcours, son évolution et ce qui l’a forgé à devenir un monument de littérature fantasy. Ou comme le dit l’auteur: ce qui a amené Tolkien à créer une future mythologie imaginaire de l’Angleterre.

On apprend toutes sortes d’anecdotes sur Tolkien, des randonnées qu’il a pu faire qui l’ont inspiré, des événements qu’il a vécu et qu’il a romancé pour se retrouver entre les pages des aventures des Hobbits. Son imagination fertile lui a fait créer des mondes fabuleux, des langues complexes, des cartes et des personnages inoubliables. L’ouvrage répond à de nombreuses questions: d’où lui vient l’inspiration pour créer Gandalf? Saruman? Ou Sam Gamgie? Qu’est-ce qui a déterminé les paysages qu’on retrouve dans son oeuvre? Le Mordor? Qu’est-ce qui a déclenché son amour pour les langues? Quelles lectures ont pu l’inspirer? Comment l’art l’a influencé? Comment sa passion du dessin a pu lui permettre de créer l’univers qu’il a inventé?

« En fin de compte les histoires longues qui captivent les gens pendant très longtemps sont des histoires humaines qui ne parlent que d’une seule chose: la mort. »

Ses premiers écrits, d’abord en vers puis en prose, jettent les base de ce que seront les personnages du Seigneur des Anneaux, son oeuvre sans doute la plus connue et la plus lue. Chaque fois que je lis un ouvrage qui parle de Tolkien, je reste toujours surprise par l’ampleur de ce qu’il a créé et par le souci du détail qu’il possédait. Il a étayé sa création par des cartes, des personnages, des éléments qui sont impressionnants. Tolkien a même calculé, pour Le Seigneur des Anneaux, les différentes phases de la lune afin de coller à une certaine réalité. Tolkien a inventé toute une mythologie et les langues qu’on y parlait, comme le sindarin, le naffarin, le sylvain et le quenya, des langues elfiques ou celle des Nains, qui ont sans aucun doute passionné le philologue qu’il était.

« Le monde s’effondre, John va en bâtir un autre, imaginaire, qui enchantera des millions de personnes, alors que la guerre en tuera d’autres millions. »

Malgré tout, même si Tolkien était par exemple, intransigeant concernant la religion, il me semblait être un homme en avance sur son temps. Dans son entourage, sa tante a été une des premières femmes d’Angleterre à être diplômée en science. Sa mère élevait seule deux garçons, allait à contre-courant de sa famille avec ses croyances religieuses auxquelles elle tenait. Quant à Tolkien, il aimait déjouer les règlements, surtout à l’université pendant ses études. Il est tombé amoureux de sa future femme alors qu’il était encore mineur et elle, plus âgée que lui. Ils se sont attendus afin de pouvoir vivre, enfin!, cet amour tant espéré. Il a créé un code pour pouvoir échanger avec son amoureuse malgré la censure des lettres pendant la guerre. Écologiste avant l’heure, il défend une certaine philosophie de la nature et a énormément souffert, plus jeune, d’un exil forcé vers la ville. Il aimait profondément la nature. Tout petit déjà, les arbres – qu’on retrouvent abondamment dans ses romans – étaient d’une importance capitale.

« …la vie est une défaite inéluctable. Il faut s’attendre à tout, surtout au pire. »

Tolkien à 20 ans est un petit livre vraiment intéressant, qui n’a fait que confirmer l’admiration que j’ai pour le travail extraordinaire de cet écrivain et pour les mondes qu’il a créé. La lecture de cette courte biographie m’a redonné envie, encore une fois, de me plonger à nouveau dans Le Seigneur des Anneaux. C’est un livre qui m’accompagne depuis des années, que je relis souvent lorsque l’occasion se présente, et qui trône bien souvent quelque part sur ma table de chevet. Je prend toujours plaisir à lire un chapitre par-ci, par-là. Le Seigneur des Anneaux est d’ailleurs le seul livre de ma bibliothèque que je possède en trois exemplaires, dont deux sont accompagnés d’illustrations.

Avec cet ouvrage, Alexandre Sargos entreprend de faire le portrait d’un jeune homme devenu un écrivain incomparable. Il décortique aussi l’univers des romans, en expliquant les thématiques et la création, et en revisitant son état d’esprit par l’entremise de ses lettres. Si Tolkien vous intéresse, que vous adorez son univers, Tolkien à 20 ans est une lecture qui vaut vraiment la peine. On apprend beaucoup et on retrouve l’univers de Tolkien avec grand plaisir. Une très belle lecture!

Tolkien à 20 ans, Alexandre Sargos, éditions Au diable Vauvert, 168 pages, 2019

Sonatines

SonatinesUn bon soir, je me suis mis à griffonner des haïkus dans un calepin, cherchant tout simplement à décrire ce que je ressentais à l’écoute de mes compositions préférées, afin de saisir, à la façon d’un photographe, les expériences sonores du mélomane.

J’aime énormément la musique, qui tient une place particulière dans ma vie et dans mon quotidien. Ce recueil m’attirait donc beaucoup et j’ai été plus qu’heureux de cette lecture. C’est une très belle découverte. En général la poésie me plaît énormément et lorsqu’elle est couplée avec la musique, c’est un heureux mélange.

L’auteur a bâti ce recueil de haïkus en écoutant de la musique. Il s’est laissé inspiré de son écoute pour écrire ses textes, ses idées, son ressenti et pour partager les émotions vécues par un mélomane. Écouter de la musique, c’est aussi se représenter des images dans sa tête et c’est ce que l’auteur a mit en mots dans ce recueil de haïkus.

Les textes sont d’une délicate beauté. Ici, les haïkus peuvent aller chercher autant le moment musical représenté par l’instrument, que la nature qui l’a inspiré. Il existe une forme de symbiose entre les deux. Les deux se complètent et sont liés. C’est un complément entre les notes et la beauté de la nature.

Sonatines est une poésie pour mélomanes. Des instruments et de la musique, en passant par les orchestres, le travail de fabrication, les notes et les sons, les liens avec la nature, le passage des heures et des saisons, les beautés qui nous entourent, l’auteur nous invite à le suivre dans ce voyage musical. Musique classique, musique populaire, musique du quotidien. Des sons pour sublimer la nature.

À travers les pages on croise plusieurs grands de la musique, chef d’orchestres, compositeurs, magiciens des notes. Entre autres: Bach, Kent Nagano, Schumann, Haydn, Brahms, Chopin, Vivaldi, Glenn Gould Schubert.

« Kent Nagano
droit devant l’orchestre

ses mains virevoltent »

Ici, les mots sont comme une musique pour le lecteur. Ils sont beaux, limpides, vivants. C’est en quelque sorte le paysage musical que l’on retrouve dans la poésie de François Théorêt, qui nous transporte au même titre que le plaisir que l’on peut retirer à écouter de la musique. Il s’agit d’une expérience musicale qui a été décrite comme des instantanés afin de rendre au lecteur toute la beauté des notes.

« do mi fa sol
un garçon joue du hautbois
sous un cerisier »

Un recueil de textes que j’ai adoré. Les haïkus sont si beaux, plein d’images et de musique.

Sonatines, François Théorêt, éditions David, 88 pages, 2020

Blueberry – Tome 1: Fort Navajo

Blueberry 1Blueberry est affecté à Fort Navajo. En cours de chemin il rencontre le Lieutenant Graig et ils tombent sur le ranch des Stanton complètement calcinée et jonchée des cadavres de ses habitants. Tout porte à croire qu’il s’agit d’un coup des indiens et le Lieutenant Graig décide de suivre leur piste pour délivrer le fils Stanton qui est entre leurs mains.
Blueberry va devoir manœuvrer entre l’inconscience de Graig et la haine des Indiens qui anime le commandant Bascom, bras droit du Colonel Dickson à Fort Navajo. Quand un rattle-snake entre dans la partie, tout se complique…

Les aventures de Blueberry sont parues pour la première fois en 1963. Même s’il s’agit d’un classique de la bande dessinée, je découvre tout juste ce personnage. Il n’est jamais trop tard pour faire des découvertes intéressantes!

Ma première lecture s’est portée sur le cycle Fort Navajo – Les Premières Guerres indiennes. Le premier tome s’intitule donc Fort Navajo. Nous sommes dans une petite ville de pionniers, aux confins de l’Arizona et du Nouveau-Mexique. Rapidement le lecteur fait la découverte de Blueberry, installé bien confortablement chez Le gros Sam, un Saloon, où il joue aux cartes et remporte le pactole. La partie dégénère, quelques coups de feu sont tirés. C’est alors que Blueberry se présente: il est lieutenant de l’armée américaine.

Joueur, menteur, hors-la-loi, fugitif, défiant l’autorité et les directives, buveur, indiscipliné, il ne manque pas de verve, mais fait passer avant tout l’honneur, l’amitié et la justice. C’est un antihéros sympathique, attachant et parfois plutôt amusant tant il est têtu et qu’il ne s’en laisse pas imposer. C’est justement ce qui fait tout le bonheur de lecture de cette série, ou à tout le moins de ce premier album du cycle que j’ai débuté. Surtout pour son époque de publication, le personnage de Blueberry devait grandement détonner.

Si on retrouve dans ces westerns des cadres qui nous semblent familiers, c’est que l’histoire américaine a bien inspiré les créateurs. Cependant, leur traitement de l’histoire est assez large et ils l’utilisent pour le bien de leur intrigue. N’empêche, l’ambiance historique est très présente et nous permet de nous plonger dans des intrigues intéressantes.

Ici, il est questions de conflits entre les Blancs et les tribus Apaches. Si certains tentent d’avoir une bonne entente et ont une sorte de contrat tacite afin de cesser les attaques, d’autres, en position de force, n’hésitent pas à utiliser leur haine et leur soif de vengeance pour assouvir ce qu’ils croient être juste… même quand ils n’ont pas raison. Ce qui naturellement, attise le feu entre les deux groupes et poussent les uns et les autres à se battre.

La série Blueberry comprend de nombreux albums, séparés en plusieurs cycles et d’autres aventures connexes, ainsi que des hors série. Il y a donc amplement de matériel à découvrir et d’intrigues à lire. J’ai été très surprise par cette première bande dessinée. Je ne m’attendais pas à apprécier autant Blueberry. C’est un western encore intéressant à lire de nos jours. Si je n’étais pas plus attirée par les dessins que cela, je me suis vite prise au jeu. Après la lecture, je ne les vois plus du tout du même œil. Comme quoi parfois, il vaut la peine de découvrir de nouvelles choses!

Si vous aimez les westerns et l’ambiance de ces années historiques, foncez! Cette bande dessinée n’a pas du tout vieillie et elle est toujours vraiment intéressante et dépaysante à lire. Surtout parce que son personnage principal est un rebelle un peu nonchalant qui nous est tout de suite très attachant.

Blueberry – Tome 1: Fort Navajo, Jean-Michel Charlier, Jean Giraud, éditions Dargaud, 48 pages, 1967 (réédition)

Canada Québec en bref 1534-2000

Canada Québec en brefCanada-Québec en bref propose ce minimum qu’il faut savoir pour comprendre le présent. La rencontre entre Français et Indiens ; le peuplement de la Nouvelle-France et de la Nouvelle-Angleterre, les affrontements coloniaux, la fin des alliances franco-indiennes, l’ultime French and Indian War; le schisme anglo-saxon, les États-Unis se séparent de la Grande-Bretagne, l’Amérique du Nord scindée en deux, la Province de Québec issue de 1763 et 1774 donne naissance à deux Canadas; majoritaires dans le Bas-Canada, les députés Canadiens français réclament le contrôle complet du budget et le vote des lois; la double rébellion; Londres réplique par l’Union des deux Canadas (1841) qui fera place à la Confédération canadienne (1867); l’industrialisation n’empêche pas l’exode des Canadiens français vers les États-Unis; l’expansion vers l’ouest provoque la révolte des Métis, l’exécution de Louis Riel ; les guerres mondiales et, entre les deux, la crise économique; la révolution dite tranquille, l’évolution de l’idée d’indépendance, le rapatriement de la constitution, les revendications amérindiennes; la loi sur les langues officielles n’arrête pas l’assimilation des francophones de l’extérieur du Québec, une nouvelle mosaïque canadienne ; l’impasse constitutionnelle.

Canada Québec en bref est un ouvrage surprenant par sa brièveté. Tout juste 80 pages pour parler de l’histoire du Canada et du Québec et pourtant, le panorama que nous offrent Marcelle Cinq-Mars et Denis Vaugeois est des plus intéressant.

Il s’agit naturellement d’une lecture assez rapide, mais tout à fait le genre de livre qu’on aime conserver pour y revenir. L’ouvrage regroupe les années 1534 à 2000 et nous offre un aperçu de ce qui s’est passé pendant cette période, au Canada et au Québec.

« La population des Amériques était sans doute comparable à celle de l’Europe à l’époque de Colomb, soit autour de 100 millions d’habitants. Au fur et à mesure de la progression des contacts avec les Européens, des maladies, inconnues jusque-là en Amérique, firent des ravages indescriptibles. »

De très nombreux thèmes sont abordés, passant de la géographie à la politique, de la société à la vie culturelle. L’ouvrage aborde l’aventure coloniale, les traités passés avec les Amérindiens, le vote des femmes, l’acte de l’Union, les langues officielles, les moments marquants en politique, la Révolution tranquille, les référendums, la Seconde Guerre mondiale, la répartition des différentes régions lors de l’évolution du territoire et la cessation aux différents peuples: anglais, espagnols, français. Il y est aussi question d’autres lieux qui ont tenu une place importante dans l’histoire ou on été relatés dans certaines anecdotes, par exemple Saint-Pierre-et-Miquelon ou New York.

Canada Québec en bref aborde brièvement tout ce qui englobe la colonisation jusqu’aux années 2000. Plusieurs thèmes sont présentés et pas seulement ce que l’on peut avoir étudié sur les bancs d’école. Par exemple on y parle d’architecture, de l’évolution de certaines bibliothèques, comme le centre de conservation de la Bibliothèque nationale du Québec, anciennement une fabrique de cigares. La géographie tient une place importante puisqu’elle nous indique l’évolution du territoire ou même le déplacement des gens au fil du temps.

L’ouvrage étant abondamment illustré, les cartes sont reproduites en couleurs. On y parle également de l’art de manière générale. Plusieurs tableaux représentatifs de leur époque sont reproduits dans le livre. La forme – très illustrée – de l’ouvrage est un plus, car elle permet de voir en moins de 100 pages un panorama de notre histoire, de son évolution à travers le temps.

Le livre commence par un survol sous forme de questions ou de thèmes. Le centre de l’ouvrage, avec sa quantité d’illustrations, d’anecdotes et d’explications est passionnant. À la fin, le livre est complété par des tableaux synchroniques qui relatent année après année le déroulement de l’histoire en ordre croissant de dates.  Même s’il est relativement court, le livre nous permet d’aborder rapidement l’histoire du Canada et du Québec.

Cette lecture m’a beaucoup plu. J’aime l’histoire et j’ai trouvé que le livre était bien construit car c’est facile de bien comprendre ce qui nous est expliqué, surtout que l’ouvrage est très imagé. Même si le livre est bref et que je lis beaucoup d’ouvrages d’histoires, Canada Québec en bref permet de se replonger rapidement dans notre histoire et nous permet d’apprendre tout de même plusieurs choses. C’est une lecture enrichissante et très abordable.

Si l’histoire vous plaît, que vous n’avez pas forcément envie de lire un ouvrage complexe et difficile, c’est un livre parfait à découvrir. Il pourrait aussi plaire à des adolescents, puisque c’est un ouvrage très visuel.

Une bien bonne lecture!

Canada Québec en bref 1534-2000, Marcelle Cinq-Mars et Denis Vaugeois, éditions du Septentrion, 80 pages, 2000

Route End t.6

Route end 6Kito, qui poursuit les recherches concernant l’affaire End en loup solitaire, finit par tomber sur un mystérieux personnage… qui n’est autre que Koji Tachibana! L’ancien patron d’AUM Nettoyage promet de lui révéler des informations au sujet du tueur en série, mais à une condition : que la police mette fin à l’enquête sur les triplés.
De son côté, Igarashi découvre, contre toute attente, l’identité du précédent locataire de l’appartement où a eu lieu l’un des homicides tandis que, au même moment, Kito reçoit un coup de fil de son fameux indic : End serait en train de passer à l’action ! Les deux agents se rendent alors à l’endroit indiqué sans hésiter, dans l’espoir de coincer enfin le meurtrier…

Route End est une excellente série d’enquête, un vrai bon thriller. Ce manga évolue beaucoup au fil des tomes, mais c’est ce sixième volume qui est sans doute le plus marquant, surtout parce que l’histoire tire à sa fin. La série compte en effet huit tomes et l’histoire se resserre de plus en plus.

Ce sixième tome est un choc car on sait enfin qui est End. On découvre beaucoup de choses autour des crimes qui ont été commis, mais surtout, on sait qui est la personne qui les a perpétré. Un coup de fil aux enquêteurs leur annonce que End est en train de passer à l’action et qu’il vaut mieux l’arrêter sur le fait. Les policiers se rendent donc sur place mettre la main au collet du coupable. La scène de crime est plus qu’atroce et permet enfin d’arrêter End.

Les pages défilent et se dévorent en très peu de temps, tant on veut comprendre ce qui se passe, ce qui va arriver et les motivations du criminel. Pour Taji, impliqué en quelque sorte dans tout le processus, la vie après la découverte de End est compliquée. Il se fait harceler par les journalistes et les policiers. C’est la même chose pour ceux qui sont dans l’entourage de Taji et du meurtrier. La presse souhaite avoir des commentaires et des photos.

Le passé de la famille de Taji est présenté par moments en flash-back, ce qui nous permet de mieux comprendre ce qui s’est passé avec le suicide de sa mère quand il était petit et de quelle façon tous ces événements ont affectés la famille.

Il est très difficile d’élaborer sur ce manga, en racontant des éléments de l’histoire, si on ne veut pas dévoiler l’intrigue. Je vous dirais donc que si les thrillers vous intéressent, celui-ci en est un bon! L’intrigue et le suspense vont crescendo au fil des tomes. Et ce tome ne fait pas exception. Il est vraiment riche en rebondissement et en découvertes!

Mon avis sur les autres tomes de la série:

Route End t.6, Kaiji Nakagawa, éditions Ki-Oon, 192 pages, 2019

Un activiste des Lumières

un activiste des lumièresMarcus Rediker trace le portrait d’une magnifique figure de la lutte pour l’abolition de l’esclavage. Né en 1682 en Angleterre, Benjamin Lay fut tour à tour berger, gantier, marin. Il vécut dans la campagne de l’Essex, à la Barbade puis dans une habitation troglodyte aux environs de Philadelphie. Influencé par le radicalisme des premiers Quakers, il acquit très tôt la conviction de l’égalité de tout être humain et n’eut de cesse d’exiger la libération immédiate et sans conditions de tous les esclaves, à une époque où l’abolitionnisme restait très minoritaire. Activiste de la première heure, cet homme singulier (qui était de petite taille) n’hésitait pas à choquer ses contemporains, usant de tous les moyens d’action pour bouleverser les conventions sociales, et ébranler les consciences. Il interrompait les offices, organisait des happenings, où il éclaboussait de faux sang les propriétaires d’esclaves. Il dérangeait. On le moqua. Mais son nom bientôt fut sur toutes les lèvres, des plus puissants aux plus humbles…

Un activiste des Lumières est une biographie passionnante qui nous permet de découvrir un personnage historique qui a marqué son époque, mais qui demeure tout de même très peu connu aujourd’hui.

Benjamin Lay était un Quaker, avec les premiers principes de cette religion. Les principes des premiers Quakers étaient antinomismes. Ils croyaient à l’égalité de tous, même si cela devait porter leur cause au-dessus des lois. Benjamin Lay voyait ce qu’il se passait dans le monde, voyait l’esclavage être accepté, la convoitise être vécue quotidiennement par ses membres et pour lui, même si la loi tolérait certaines choses, ce qui brimait la justice et le droit de chacun ne devait pas être toléré.

« Il n’hésitait pas à désigner les coupables du doigt, et il insistait sur le fait que la possession d’esclaves et le quakerisme étaient résolument incompatibles. « Pas de justice, pas de paix. » Tel était le message que portait Benjamin. »

Benjamin Lay, même s’il souffrait de nanisme et d’une autre maladie qui lui courbait le dos, il ne se laissait jamais intimider. Les puissants et les riches ne réussissaient pas à le faire taire. Il disait toujours ce qu’il pensait tout haut. Il n’hésitait pas à se battre pour défendre les causes auxquelles il croyait. L’égalité trônait tout en haut de ses valeurs. Bien avant que ce soit remit en question, Lay refusait l’esclavage et prônait la liberté de tout homme. Il était abolitionniste bien avant son temps. Il écrivit sur le sujet pour tenter de faire bouger les mentalités. Benjamin exigeait l’affranchissement de tout esclave sur le champ. Il militait en ce sens. C’était un petit homme de stature, mais un grand homme en ce qui concerne ses batailles et ses revendications. Il était intransigeant envers ce qu’il croyait juste, tout comme son épouse, avec qui il partageait les mêmes idées. C’était une abolitionniste convaincue et étonnamment, elle était pasteur de sa communauté.

Il est bien sûr souvent question de religion dans l’ouvrage, mais comme le personnage avait des croyances très importantes, cela nous permet de mieux comprendre Benjamin Lay. C’est aussi un portrait intéressant de l’époque de Benjamin. Il était radical et souvent flamboyant dans sa façon d’illustrer ses idées, souhaitant marquer les esprits et choquer les gens pour faire changer les mentalités.

Son contact le plus marquant avec l’esclavage fut quand Lay déménagea à la Barbade et vit des choses qu’il ne pouvait tolérer. Ses croyances en la vie et en la justice, ainsi qu’aux qualités prônées par sa religion, mais non respectées par les esclavagistes, le marqua durablement. Il parlait haut et fort de ses idées et il était si dérangeant que les hauts dirigeants des quakers, ayant souvent eux-mêmes des esclaves, ont régulièrement tenté de l’exclure de leur cercle.

« « On a souvent reproché aux écrivains qui ont employé leur plume à la défense des Noirs, de n’avoir pas été témoins de leurs souffrances. On ne pouvait faire ce reproche à Benjamin Lay. […]. » L’expérience de Benjamin à la Barbade, qui y abandonna bien vite son « habitation, par l’horreur que lui inspira le traitement affreux sous lequel les esclaves gémissaient » et où il avait développé des relations personnelles avec des individus asservis, fit qu’il « ne cessa toute sa vie de prêcher et d’écrire pour l’extirpation de l’esclavage ». »

Berger, gantier, marin, écrivain, militant, Benjamin Lay a porté quantité de chapeaux et a vécu en de nombreux endroits. C’est sans doute ce qui modela sa vision du monde et des gens. C’était un homme qui se considérait comme « illettré » même s’il a écrit énormément. Lay était un autodidacte. On suppose que c’est sur les bateaux, pendant les temps libres, qu’il apprit sans doute à écrire.

Anecdote intéressante: l’image reproduite en page couverture est la seule que nous ayons de Benjamin Lay. Il ne souhaitait pas qu’on le représente en image, c’était pour lui contraire aux doctrines de sa religion. C’est la femme de Benjamin Franklin, un grand ami de Lay, qui commanda le portrait.

Au-delà de l’aspect biographique du personnage que fut Benjamin Lay, on apprend beaucoup sur l’esclavage, sur l’histoire, sur les Quakers. Lay s’est battu pour l’égalité en général, pour le droit des êtres vivants. Il s’insurgeait contre le travail harassant de ceux qui récoltait le thé ou qui travaillait dans le sucre pour que les gens aisés puissent en profiter. Il était végétarien bien avant l’heure et croyait à l’égalité des animaux comme des hommes. C’est quand sa femme est décédée qu’il est devenu encore plus radical: il fabriquait ses vêtements en lin, vivait dans une grotte tapissée de livres, écrivait entre deux moments de jardinage et prônait le végétarisme. Avec l’argent amassé avec ses écrits, il aida les gens à mieux vivre et donna ses avoirs aux veuves par exemple, qui ne recevaient pas d’aide.

Avec Un activiste des Lumières, l’auteur a voulu nous montrer l’esclavage de l’époque et la façon dont les abolitionnistes vivaient l’opprobre de la société. Lay, devant ces injustices, prônait ses convictions avec ardeur. Le livre est très bien documenté, la traduction est agréable. J’ai adoré cette biographie car le personnage de Benjamin Lay est un homme captivant, bien en avance sur son époque. Un personnage vraiment intéressant à découvrir. Ce livre tente de réhabiliter ce personnage méconnu qui a apporté sa pierre à l’édifice de la justice humaine.

Le livre est complété par un cahier d’illustrations au centre, de cartes et de portraits.

Un beau coup de cœur et une excellente découverte que cet ouvrage de Marcus Rediker.

Un activiste des Lumières, Le destin singulier de Benjamin Lay, Marcus Rediker, éditions du Seuil, 288 pages, 2019