Sarek

Dans les paysages fascinants du Sarek, aux confins de la Laponie, le pire a peut-être déjà eu lieu. Anna est retrouvée en hypothermie par les services de secours, des marques de strangulation et des contusions sur le corps. Qu’est-il arrivé pendant cette randonnée de plusieurs jours dans le parc sauvage du Sarek, en Suède ? Où sont passés son conjoint Henrik, sa meilleure amie Milena et cet homme étrange qui s’est joint à eux à la dernière minute, Jacob ? Anna aura-t-elle la force de raconter aux policiers qui l’interrogent ce qu’il s’est vraiment passé ? Le peut-elle seulement ?

J’ai choisi ce roman d’enquête car le contexte me semblait être très intéressant. Des amis qui partent en randonnée, dans un lieu sauvage, un parc à l’infinie beauté et à la nature hostile. Ça me semblait  bien prometteur!

« J’avais l’affreuse impression d’être prisonnière, que le Sarek avait refermé ses portes sur nous, et que nous y frappions en vain pour qu’on nous laisse sortir. »

L’histoire d’Anna commence alors qu’elle est retrouvée par les services de secours dans le parc sauvage du Sarek. Elle devait partir en randonnée pendant une semaine avec son conjoint Henrik, sa meilleure amie Milena et Jacob qui se joint à eux à la toute dernière minute. C’est le nouvel amoureux de Milena. Dès son arrivée dans le groupe, il prend les choses en main, veut que tout le monde fasse à sa façon et il change l’itinéraire. Son comportement est étrange. Quand on retrouve Anna, elle est seule, en hypothermie, avec des marques sur le corps. Mais où sont passés les trois autres?

Ce roman m’intriguait beaucoup et avait tout pour me plaire. Une longue randonnée dans une contrée sauvage et non balisée, du suspense. J’ai aimé le côté mystérieux, l’histoire de la randonnée entrecoupée d’extraits d’interrogatoires de la police. Le début est intrigant. Anna se pose des questions sur Jacob et transmet ses interrogations à son conjoint. Nous aussi, par ricochet, on se questionne. On a envie d’en savoir plus.

Par contre, Jacob est un personnage qui m’a mise très mal à l’aise. La dynamique du groupe, entre jalousie et colère, m’a beaucoup dérangée. Tout le monde est continuellement en conflit. Ce n’est pas vraiment un contexte qui me plaît. Je ne m’attendais pas à une ambiance comme celle-là. Jacob est quelqu’un qui s’emporte beaucoup et qui est très dominateur. Chaque fois qu’il criait dans le texte, j’en avais mal au ventre. Je ne supporte pas les gens qui crient ou qui s’emportent, c’est viscéral. Je détestais donc Jacob, mais je ne me suis pas non plus attachée aux autres personnages. Anna est très froide et ses réactions sont perturbantes. Milena est tellement effacée qu’on a l’impression d’être avec un fantôme. Et Henrik semble souffrir tout seul dans son coin, en silence. 

« Je crois que la dynamique autour de notre table au restaurant m’était familière, me rappelant ma propre famille. Bien trop familière. Une personne perd son calme, et toutes les autres se mettent en quatre pour lui faire retrouver sa bonne humeur. Parce qu’on sait que si on ne le fait pas, tout sera cent fois pire… »

Ce sont des personnages qui ne m’ont pas semblés faciles d’approche. J’ai eu beaucoup de mal avec eux, même si la randonnée et le voyage me semblaient intéressants. Le pire c’est que même si normalement je suis bon public, ici j’ai eu des doutes sur la fin bien avant d’y arriver et ça n’a pas vraiment été une surprise pour moi. 

J’ai donc aimé certaines choses, suffisamment pour terminer le livre, mais c’était une lecture très mitigée pour moi. Le suspense annoncé n’aura pas suffit.

Sarek, Ulf Kvensler, éditions de la Martinière, 496 pages, 2023

Blanc autour

En 1832, près de Boston, une « charmante et pittoresque » petite école pour jeunes filles accueille une vingtaine de pensionnaires. Éduquer les filles, c’est un peu ridicule et inutile, pense-t-on alors dans la région. Mais somme toute pas bien méchant. Jusqu’au jour où la « charmante école » annonce qu’elle accueillera désormais des jeunes filles… noires. Trente ans avant l’abolition de l’esclavage, les quelque quinze jeunes élèves de l’école Crandall vont être accueillies par une vague d’hostilité d’une ampleur insensée. L’Amérique blanche a peur de certains de ses enfants.

Cette bande dessinée m’a beaucoup touchée. Elle s’inspire de l’histoire vraie de la Canterbury Female School qui a fait scandale en 1832, quand Prudence Crandall a décidé d’accueillir sur les bancs de son école, la première étudiante noire. 

Nous sommes à une époque où l’esclavage est « abolie » sur papier, mais la réalité est bien autre chose. Le racisme est très présent. Suite à la révolte sanglante de Nat Turner dont il est question en filigrane, des mesures sont prises par la société blanche pour contrer la terreur de l’autre que les blancs ressentent. On en comprend les conséquences en lisant cette histoire. Prudence Crandall, son école et ses étudiantes en feront les frais pour avoir osé défier la société de son époque. 

Je trouvais appropriée de faire cette lecture en septembre, à la période de la rentrée scolaire. Cette histoire est un pan sombre de l’histoire, mais c’est aussi un plaidoyer pour le droit à l’éducation pour tous. On le réalise encore plus dans la postface qui trace le portrait des personnalités qui ont inspiré les personnages et de la place qu’a pu prendre l’éducation dans leur vie après leur passage à l’école de Prudence Crandall. Mine de rien, cette école aura bousculé les mentalités et permis à certaines de ses étudiantes une éducation qui n’était autrement pas disponible. Elle leur aura donné le goût de l’instruction et la possibilité de poursuivre dans cette voie. Certaines sont devenues des pionnières dans la lutte pour l’éducation des Afro-Américains.

Une bande dessinée touchante, où le racisme et la violence sont des thèmes centraux, mais qui parle aussi de l’importance de l’éducation. Sans, bien sûr, oublier l’espoir et la lutte pour le changement des mentalités, ainsi que l’accès à l’instruction pour tous, peu importe les origines et le milieu de vie. On apprend également beaucoup de choses sur l’histoire de cette période, sur le racisme ambiant qui régnait alors, ainsi que sur l’école et celles qui l’ont tenue à bout de bras pour que de jeunes filles puissent la fréquenter et s’instruire.

Une excellente bande dessinée à mettre entre toutes les mains.

Blanc autour, Wilfrid Lupano, Stéphane Fert, éditions Dargaud, 144 pages, 2021

Les Aigles de Panther Gap

Frère et sœur inséparables, Bowman et Summer passent leur enfance en pleine nature, dans un ranch isolé, véritable forteresse secrète dans le Colorado. Ils grandissent sous la férule de leurs oncles et de leur père qui les élèvent avec la même discipline de fer que leurs aigles de chasse. Arrivés à l’âge adulte, ils choisissent des chemins différents : Summer reprend l’exploitation familiale, tandis que Bowman part vivre dans la jungle du Costa Rica. Mais, vingt ans après leur séparation, ils sont rattrapés par une sombre histoire de succession, qui va les obliger à affronter les fantômes du passé.

Je voulais lire James A. McLaughlin depuis longtemps. Les aigles de Panther Gap a été une très belle découverte. J’ai aimé le style de l’auteur, sa façon d’incorporer une histoire sombre à la nature sauvage omniprésente et de mettre en scène des personnages complexes et intéressants. D’autant plus que Panther Gap semble un lieu magnifique, particulier, presque hypnotisant.

Summer et Bowman sont frère et sœur. Un lien puissant les relit, ils ont une étrange connexion fraternelle. Ils vivent dans un ranch isolé de tout, élevés par Leo, un père dur, paranoïaque et passionné de fauconnerie. Deux oncles vivent avec eux. Adultes, Summer et Bowman se séparent. Summer s’occupe du ranch avec ses oncles. Bowman a fuit et a vagabondé ici et là, avant de s’installer au Costa Rica. C’est l’enfant sauvage de la famille. Il est différent, sensible aux animaux et à ce qui l’entoure. Il fait des « expériences mystiques » en pleine nature. Il est synesthète et perçoit des choses que les autres ne voient pas. C’est un personnage que j’ai beaucoup aimé, surtout parce qu’il est différent des autres et que son éducation n’en a pas fait exactement ce que son père aurait voulu. 

« Elle l’avait regardé pendant un long moment. Elle semblait très triste. Mais lorsque, enfin, elle avait parlé, son ton était ferme et résigné.
-Tu vas dans des lieux où je ne te suivrai pas.
-Je sais, avait-il dit. Et il s’était senti triste lui aussi. Je suis désolé. »

Quand Summer est contactée par la société qui s’occuper de liquider la succession de son grand-père, elle doit retrouver Bowman. La condition pour pouvoir traiter cette affaire est qu’ils soient présents tous les deux. Retracer Bowman n’est pas évident. Le frère et la sœur doivent se revoir après vingt ans. Sauf que l’argent de leur grand-père est dangereux et qu’ils n’ont aucune idée dans quoi ils s’embarquent…

J’ai adoré me plonger dans ce roman qui mêle habilement plusieurs genres et styles différents. C’est à la fois un roman sur la grandeur de la nature, sur la famille et ses valeurs, mais c’est aussi un roman noir qui parle de cartel et d’argent. Le ranch est protégé, volontairement dissimulé aux gens. Le monde de Panther Gap vit à l’écart du reste du monde. Les rares visiteurs sont amenés au ranch les yeux bandés. On perçoit bien l’atmosphère intrigante du roman, la paranoïa de ses membres et l’éducation particulière de Summer et Bowman, qui se perpétue dans leurs gestes aujourd’hui. C’est une famille remplie de secrets et de non-dits. Une famille où plane l’ombre d’une malédiction.

« Ses expériences l’année précédente à Mexico avaient bouleversé nombre de ses hypothèses naïves sur la vie en général, et lui avaient progressivement fait prendre conscience que Leo les avait élevés, Summer et lui, pour qu’ils connaissent un monde qui était mort ou en train de mourir partout ailleurs, un monde que peu de gens pouvaient connaître. »

Le roman nous fait aussi découvrir Sam, partit faire du camping avec un de ses amis. Étonnamment, il se retrouvera bien malgré lui à Panther Gap, pourtant impossible à trouver. Summer y verra une heureuse coïncidence. Peut-être l’un des seuls personnages qui réussira à entrer dans cette famille, hermétiquement fermée.

Les personnages sont entiers et particuliers. Attachants à leur façon. La forme du livre peut, peut-être, déstabiliser les lecteurs au début, puisque les chapitres alternent entre plusieurs époques à la fois. De mon côté, j’ai trouvé que c’était bien mené et que ça nous permettait de mieux comprendre la dynamique de la famille. Revisiter des moments clés de l’enfance de Summer et Bowman nous permet de mieux appréhender qui ils sont maintenant adultes et de saisir pourquoi leur relation a prit des chemins différents au fil du temps.

Cette lecture me donne une furieuse envie de lire Dans la gueule de l’ours qui m’attend dans ma pile. Cet auteur est vraiment une belle découverte. C’est tout à fait le genre d’écrivain qui vient me chercher et qui réussit à nous happer complètement dans son histoire.

Les Aigles de Panther Gap, James A. McLaughlin, éditions Rue de l’échiquier, 416 pages, 2023

Celui qui a vu la forêt grandir

1897. Recherchée pour avoir pratiqué des avortements, Unni fuit la Norvège avec son compagnon et son bébé. Après avoir traversé les montagnes, la famille arrive en Suède, dans la province reculée du Hälsingland, et s’installe dans une ferme délabrée, à l’endroit le plus ensoleillé de la forêt. C’est ici qu’ils construiront leur vie, à la merci d’une nature splendide et terrible, qui leur donnera autant qu’elle leur prendra. 1973. Dans la même maison, deux veuves se font face. Entre elles se dressent les secrets d’une famille dont la rudesse et la tendresse épousent celles des arbres qui les encerclent.

Celui qui a vu la forêt grandir (quel beau titre!) a été ma lecture la plus puissante des derniers mois.

Le roman alterne entre deux points de vue. Tout d’abord il y a celui d’Unni. En 1897 elle fuit la Norvège avec son petit garçon et son compagnon. Elle est recherchée pour avoir pratiqué des avortements illégaux. À son époque, elle est sans doute perçue comme une sorte de sorcière. Et on ne fait pas la vie facile à celles qui contreviennent aux lois des hommes. Le trio décide de passer la frontière. Le voyage est long et dur. Ils trouveront refuge dans une maison abandonnée, en pleine forêt.

« Lorsque nous étions ensemble, la beauté surpassait le danger. »

Le second point de vue est celui de Kåra, en 1973. Elle est veuve et sa belle-mère, avec qui elle partage la même maison dans la forêt, vient de perdre son mari. Elles sont donc toutes les deux veuves, ont vécu des années trop proches l’une de l’autre. Les secrets et les non-dits planent sur leurs silences. Elles se supportent parce que c’est de cette façon qu’elles ont vécu leur vie. Mais pour Kåra, toute cette existence, tous ces mensonges, toutes ces demandes des uns et des autres sont un poids très lourd à porter.

« Les peurs me viennent en un murmure, aussi douces qu’une journée de fin d’été. Ça a évolué avec le temps. Quand j’étais petite, c’était pire, alors que, en réalité, je n’avais rien à craindre. Contrairement à maintenant. »

Ce roman est particulièrement prenant et très fort. Sa construction est intéressante car les deux époques finissent doucement par se croiser et ne faire qu’une seule et même histoire. Les épreuves vécues par Unni sont terriblement dures et la vie de Kåra, un personnage complexe et ambivalent, nous fait comprendre à quel point les destins de tous les personnages sont liés, autour d’un point central, un roc et un pilier dans la forêt: Roar. 

« Quand on aura vu toute une forêt grandir, c’est qu’on aura vécu. »

Cette lecture a été une agréable surprise à laquelle je ne m’attendais pas. L’écriture et la puissance des personnages, de même que la cabane dans la forêt et la nature qui l’entoure, en font une lecture marquante et difficile à lâcher. La maison, nommée avec espoir « La Paix », est le point central qui regroupe tout le monde, au fil des générations. Le roman est en fait le destin d’une famille, à la fois liée et séparée par des secrets, dont l’histoire évolue sur plusieurs années.

« Dans la forêt, on ne se perd pas. On n’arrive simplement pas toujours là où on pensait, et ça ne fait rien. »

C’est un roman dur, mais passionnant. J’ai vraiment adoré cet univers, ainsi que l’originalité de la narration et de ce que l’on découvre au fil des pages. Une excellente lecture! 

Celui qui a vu la forêt grandir, Lina Nordquist, éditions Buchet Chastel, 448 pages, 2023

Ladies with guns tome 2

– T’es là pour les cinq folles, c’est ça ?
– Ouais.
-Cinq gonzesses, mille dollars par tête.
– Ça se refuse pas.
– Argent facile !
Après une résistance héroïque face à leurs assaillants, nos cinq ladies sont en galère. blessées, désarmées et sans soutien, elles sont traquées par tout ce que l’ouest compte de chasseurs de primes. Cette fois, c’est sur : elles n’ont aucune chance de s’en sortir..

J’avais adoré le premier tome de cette bande dessinée qui était, à mon avis, bien réjouissant. Les auteurs revisitent l’Ouest américain du point de vue des femmes, étant les grandes oubliées (et souvent les victimes) des hommes de cette période de l’histoire et de leur époque. Le second tome de ce western violent et plein d’humour noir reprend là où se terminait le premier tome.

Après avoir résisté à leurs assaillants, les cinq femmes sont en mode survie. Elles n’ont plus beaucoup de ressources qui s’offrent à elles et le pire de tout, elles découvrent que leurs têtes a été mise à prix. L’une d’entre elles est blessée et les autres devront retourner en ville pour essayer de la sauver. On ne peut malheureusement pas faire confiance au médecin du coin…

Dans ce second tome, on découvre un peu plus de détails sur la réalité des cinq femmes qui se sont retrouvées ensemble pour le meilleur et le pire, dans un monde où les hommes les exploitent et tentent de les abattre. Pourchassées et qualifiées de folles à lier, les cinq femmes doivent être soudées encore plus qu’avant afin de réussir à échapper au piège qui se referme sur elles. Leur monde ne leur fait pas de cadeaux et personne n’est prêt à laisser filer des femmes qui se rebellent.

Elles doivent très vite trouver un moyen de subsistance et fuir le plus rapidement possible puisque leur vie ne tient qu’à un fil. Elle se retrouvent dans la mire de n’importe qui, en quête d’un peu d’argent. Tous ceux qu’elles rencontrent sont de potentiels tueurs attirés par la forte récompense pour les ramener mortes ou vives.

Cette série est décalée, violente et pleine d’un humour particulier auquel je suis assez sensible. Si j’ai une petite préférence pour le premier tome qui me semblait encore plus impertinent, ce second tome est bien plaisant à lire. J’ai passé un très bon moment et j’attends le troisième tome avec une grande impatience! J’ai hâte de voir comment se débrouilleront Katheleen, Chumani, Abigail, Cassie et Daisy. Des femmes qui se sont liées malgré elles au début, mais qui partagent dorénavant une improbable amitié. 

Vivement la suite!

Ladies with guns tome 2, Olivier Bocquet, Anlor, éditions Dargaud, 64 pages, 2022

American Predator

Anchorage, Alaska. Une nuit glaciale de février 2012, la jeune Samantha Koenig disparaît. Une caméra de surveillance raconte bientôt la suite de l’histoire : on y voit un inconnu armé enlever l’adolescente. La police lance une chasse à l’homme jusqu’à l’arrestation d’un suspect bien sous tous rapports. Honnête travailleur et père de famille, comment peut-il vraiment être impliqué dans cette affaire ?  Véritable enquête aux confins de la folie, American Predator raconte le parcours d’un psychopathe glaçant qui a sévi durant des années sur l’ensemble du territoire américain, sans jamais être inquiété.

Voilà un livre totalement perturbant. Ce qu’on y retrouve est terrifiant, mais on ne peut s’empêcher de continuer à lire pour tenter de trouver une explication à tout ce qu’on y lit. Pour tenter de comprendre, si cela est possible, ne serait-ce qu’un peu. Comment tout cela a pu se produire?

Alaska, février 2012. Une jeune femme, Samantha Koening, disparaît. Une caméra filme l’enlèvement, mais les indices sont minces. Avec le travail méticuleux de certains experts, des pistes commencent à apparaître. Cette disparition mènera à une chasse à l’homme à travers les États-Unis. Et celui qu’on arrête, père de famille sans casier judiciaire, défie l’entendement. Et pourtant…

Cette histoire, basée sur les documents et entretiens des agents du FBI qui ont travaillé sur cette affaire, brosse le portrait d’un tueur en série organisé, méthodique, discipliné et insoupçonnable. C’est un ouvrage vraiment terrifiant à cause de la façon de fonctionner du tueur: il a pu perpétrer ses crimes pendant des années sans représailles. Parfois amusé, souvent distant, mais ayant pris goût aux feux de la rampe – et c’est ce qui le mènera à son arrestation – ce psychopathe donne froid dans le dos.

« L’homme dont il est question dans ce livre a chamboulé les convictions des agents du FBI eux-mêmes. C’était un monstre d’un nouveau genre. Un monstre qu’on soupçonne d’être responsable de la plus grande série de disparitions et de meurtres non élucidés de l’histoire américaine contemporaine. Pourtant, vous n’avez sûrement jamais entendu parler de lui. »

Dès le début, on ne soupçonne pas ce que l’on va lire, même si la carte reproduite dans les premières pages montre toutes les villes visitées par le tueur. Cette carte est dérangeante, peut-être parce qu’elle expose visuellement tout ce qui suivra. Ce compte rendu, qui se lit comme un roman mais n’en est pas un, nous fait entrer dans la tête du tueur. Ses actes abominables. Ses gestes incompréhensifs. Les répercussions de ses crimes sur les gens des communautés où il est passé. Sur les policiers, les enquêteurs qui ont travaillé sur cette affaire. On sait que ce que l’on va lire ne nous laissera pas indemne… 

Dès l’arrestation, on commence à percevoir ce qui se cache sous la surface. Le tueur joue avec les enquêteurs. Et plus on tourne les pages, plus on découvre de nouvelles choses et plus tout cela nous apparaît insensé. Ce qui est troublant, c’est que l’histoire se déroule à notre époque, à l’ère des réseaux sociaux, des caméras de surveillance, des données électroniques. Pendant si longtemps, ce criminel a pu perpétrer ses crimes sans que quiconque puisse le soupçonner. Comme le dit si bien l’auteure: un tueur analogique dans un monde numérique.

Le travail de Maureen Callahan est minutieux, impressionnant et passionnant. Elle épluches les archives, les relevés d’enquêtes, les dépositions. Elle rencontre des gens qui ont travaillé sur cette affaires ou qui ont eu des liens avec des gens impliqués. Certaines personnes sont touchantes et m’ont émue. Je pense au plongeur dont le travail et la vie personnelle sont étroitement liés. J’ai apprécié également tout le processus d’enquête qui est raconté, le travail de recherche, les ressources utilisées et la coordination de plusieurs corps policiers. Même si on plonge littéralement dans l’horreur et dans des crimes sordides, le livre est vraiment prenant. Maureen Callahan a fait un travail de recherche monumental avec cet ouvrage. La somme d’informations récoltée est incroyable. En même temps, l’ouvrage est tellement fluide et bien raconté qu’il se lit aisément.

L’histoire, véridique, m’a particulièrement troublée. C’est fort, c’est terrifiant, c’est horrible, c’est tordu, mais c’est aussi fascinant. J’ai lu ce livre pratiquement d’une traite, sans être capable de le poser. Et j’ai envie d’en lire d’autres. Ça tombe bien, l’éditeur propose une nouvelle collection d’histoires criminelles, par états américain. Je crois bien que je vais me laisser tenter!

American Predator, Maureen Callahan, éditions 10/18, 384 pages, 2022