Fermé pour l’hiver

fermé pour l'hiverUn cambrioleur cagoulé est retrouvé assassiné dans un chalet du comté de Vestfold, au sud de la Norvège. William Wisting, inspecteur de la police criminelle de Larvik, une ville moyenne située à une centaine de kilomètres d’Oslo, est chargé de l’enquête. Très vite, la situation se complique. Le propriétaire du chalet, un célèbre présentateur de télévision, reste étrangement injoignable. Un homme mystérieux agresse Wisting en pleine nuit et lui vole sa voiture alors qu’il quitte la scène du crime. Pire, le cadavre du cambrioleur est dérobé à la morgue avant d’avoir pu être autopsié et l’incendie d’un appartement détruit des indices essentiels à l’investigation. Pour corser le tout, la propre fille de Wisting se voit mêlée à l’enquête quand elle découvre un second corps à la dérive dans une barque. Et pendant ce temps, des oiseaux morts tombent du ciel comme des mouches, dans ce comté bien tranquille…

J’avais adoré ma lecture de L’usurpateur, ma première découverte de l’auteur Jørn Lier Horst. Ses livres mettent en scène l’inspecteur William Wisting ainsi que sa fille Line qui est journaliste. Les enquêtes du premier se confondent bien souvent avec celles de sa fille et finissent par se rejoindre. C’est ce que je trouve intéressant dans les personnages de Horst. Le duo d’enquêteurs est donc assez original et l’aspect familial est très présent. William Wisting est un homme sensible, soucieux de son travail, de ses collègues, des victimes et de ceux qui sont mit à l’écart de la société. Sa fille est tout aussi humaine que lui et le journalisme d’investigation est, pour elle, un véritable mode de vie, plutôt qu’un simple travail.

Fermé pour l’hiver se déroule en automne, au moment où les gens ferment leurs chalets pour l’hiver, avant la tombée de la neige. C’est une époque où la nature est belle et où les gens vont en profiter encore un peu avant la fermeture.

« Il aimait cette époque de l’année, avant la chute des feuilles. Le dernier séjour au chalet de Stavern, pour clouer les panneaux devant les fenêtres, remonter le bateau et fermer pour l’hiver. C’était une perspective à laquelle il se réjouissait pendant tout l’été. »

De nombreux cambriolages dans des chalets d’un même secteur et la découverte d’un corps déclenche une grande enquête. Le propriétaire connu du chalet est introuvable, Wisting se fait agresser et voler sa voiture, d’autres cadavres et scènes de crimes sont découverts et l’enquête s’alourdie de plus en plus. En plus, il y a cette histoire étonnante d’oiseaux qui tombent du ciel…

L’enquête est difficile puisque plus les policiers découvrent de choses, plus l’enquête devient floue. Des corps, différentes armes du crime, des déplacements particuliers que les enquêteurs doivent pister, beaucoup de questions qui ne trouvent que peu de réponses. Les corps disparaissent et les éléments de l’enquête sont de plus en plus difficile à assembler. Line se retrouve bien malgré elle impliquée, alors qu’elle choisi de vivre pendant un moment au chalet qui appartient maintenant à son père. L’enquête semble complexe et c’est ce que j’aime chez Horst: les fils finissent par se dénouer doucement et tout se met en place. J’ai aimé l’atmosphère générale du roman dont la première partie se déroule beaucoup dans l’univers des chalets et dans une nature plus sauvage, au bord de l’eau.

Le roman amène aussi une réflexion sur la vie, la pauvreté, les choix que les citoyens font quand ils n’en ont plus de choix justement. C’est ce que je trouve intéressant dans ce livre. Le personnage de Wisting ne se contente pas de rendre justice, il essaie aussi de mieux comprendre l’humain et les agissements des criminels. Ça ne veut pas dire qu’il les approuve. Mais il amène une forme de sensibilité à son enquête qui me plaît bien. Celle-ci est d’ailleurs bien menée et parfois des éléments étonnent, surtout quand on en comprend les rouages. C’était la même chose avec L’usurpateur.

Je dois préciser que les livres de Horst ne sont pas traduits dans l’ordre, comme ça arrive bien souvent avec les séries policières. Ça ne m’a pas particulièrement dérangée jusqu’à maintenant avec cette deuxième lecture (qui a été publiée avant L’usurpateur). J’ai toutefois appris plus de choses sur la famille Wisting, sur la vie privée de William et sur le travail et la vie de Line. Je dirais que de façon générale, on peut lire les livres dans l’ordre ou dans le désordre, le plaisir de lecture est toujours au rendez-vous.

J’aime la façon dont l’auteur amène son sujet et les différents revirements de situations qu’il sait donner à son histoire. Si L’usurpateur m’a un peu plus surprise et que jusqu’à maintenant, il reste mon préféré, j’ai passé un bon moment de lecture avec Fermé pour l’hiver. L’ambiance nature et chalet est très agréable, même si à la moitié du livre de nouvelles découvertes amène Wisting à sortir des frontières de la Norvège et à s’interroger sur des problèmes de société qui vont bien au-delà de son enquête.

« Où serions-nous si nous savions tout ce qui va venir? interrogea-t-il. Il ne resterait plus rien. Espoir, foi et rêves n’auraient plus de sens. »

Cette seconde lecture d’un livre de Jørn Lier Horst confirme mon plaisir de lire cet auteur. J’apprécie la façon dont il mène son histoire. C’est divertissant, ça nous porte à réfléchir et le lieu de ses histoires, la Norvège, me plait particulièrement. Si vous aimez les séries policières, je vous conseille vraiment de découvrir cet auteur.

wisting

En complément 
L’univers de l’inspecteur William Wisting a été adapté en série par les producteurs de Millénium et de Wallander. J’avais beaucoup aimé cette dernière série, même si Wallander est un personnage beaucoup plus torturé. J’espère que Wisting se rendra jusqu’à nous en français, j’aimerais beaucoup pouvoir la voir un de ces jours! Si vous avez pu la visionner (je sais qu’elle est passée en France par exemple), dites-moi ce que vous en avez pensé! Je serais très curieuse de retrouver les Wisting, père et fille, à l’écran!

En attendant, je vais me concentrer sur les livres. J’ai un troisième titre de la série William Wisting dans ma pile et je compte bien le lire bientôt!

Fermé pour l’hiver, Jørn Lier Horst, éditions Folio, 448 pages, 2018

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Haïkus: La voix des animaux

Haikus la voix des animauxCe nouveau volume des « Classiques en images » propose de renouer avec la tradition du poème court japonais à travers une sélection de 60 haïkus de Genshi, Kikaku, Bashô, Issa, Shôha, Buson, Yorie, Shiki, Jôsô, Hashimoto… exclusivement consacrés au monde animal. Ce recueil célèbre avec poésie, fantaisie et respect autant les animaux qui accompagnent le quotidien (chien, chat, poule…) que les bêtes sauvages surprises dans un coin de nature (libellule, sauterelle, grenouille…).

Haïkus: La voix des animaux est un recueil de poèmes courts japonais. Il met en lumière plusieurs haïkus qui illustrent chaque animal représenté dans les poèmes. L’ouvrage fait partie de la collection Classiques en images. Je découvre d’ailleurs cette collection avec ce livre et il m’a donné très envie d’en lire d’autres, tant les poèmes et les illustrations sont sublimes.

Quelques mots sur l’objet en lui-même. Ce livre m’a tout de suite attiré à cause de sa mises en page, de son format. Le volume est magnifique. La couverture est rigide, le dos est relié et le titre est en relief. L’intérieur de l’ouvrage est aussi beau que l’extérieur. Chaque poème est accompagné d’une image, une estampe, qui représente l’animal dont il est question et illustre le court poème.

Je suis une tortue et je suis belle
il ne me manque que des ailes

pour imiter les hirondelles

Issa

La poésie est celle des grands maîtres du haïkus et poème court japonais. On retrouve donc Buson, Tôta, Kikaku, Issa, Bashô, Shôa, Genshi, Sôseki, Yorie, Shiki, Jôsô, Hekigodô, Kyorai, Kyoshi, Otsuyu, Hashimoto, Seisensui, Hasegawa, Gyôdai, Kyûhachi, Shirao, Onitsura, Saiô, Chora, Chinshi, Hokushi et Tairo. Certains auteurs sont représentés plusieurs fois alors que d’autres n’ont qu’un seul poème.

Les haïkus parlent du faisan, de l’oie, du sanglier, de l’ours, du chien, du cheval, du loup, du martin-pêcheur, du papillon, du faucon et bien d’autres. Les poèmes abordent autant les caractéristiques des animaux que le lien entre l’animal et la mythologie. Il y a également, à travers les haïkus, de petites anecdotes en lien avec les animaux. La nature est omniprésente, qu’on aborde les animaux, la flore, les insectes ou même les saisons.

Le faucon revenu dans ma main
dans son œil
le soleil

Tairo

J’ai adoré cette lecture. Le livre est magnifique, la poésie est pleine de douceur et de simplicité. C’est un bonheur de prendre le temps de les découvrir, tant pour le plaisir des yeux que pour celui des mots. Les images sont, de plus, vraiment magnifiques. Chaque double page présente un haïku et une estampe.

Un ouvrage parfait pour ceux qui aiment l’art, la poésie, la nature et les animaux, ou tout simplement les beaux-livres qu’on a envie de conserver et relire pour le plaisir. Un très bel ouvrage qui sait transmettre la beauté du monde animal.

Haïkus: La voix des animaux, Collectif, éditions du Seuil, 128 pages, 2019

Au grand air t.3

Au grand air 3Les examens de fin d’année sont enfin terminés et les vacances d’hiver peuvent commencer! Nadeshiko est ravie, d’autant que c’est l’occasion rêvée d’une sortie avec Rin. Du moins, ça le serait si elle n’avait pas pris froid. Clouée au lit, Nadeshiko a néanmoins une idée pour accompagner son amie dans ses tribulations : elle lui servira de guide par smartphone!

Ce troisième tome poursuit bien la série. Nous retrouvons Rin, la campeuse solitaire, ainsi que Nadeshiko et son enthousiasme légendaire. Cette dernière, avec son groupe de plein air, va visiter un grand magasin d’articles de camping. Elle découvre toute sorte de matériel et commence sérieusement à envisager de prendre un petit travail pour pouvoir s’équiper un peu mieux.

C’est l’occasion de présenter la partie un peu plus « documentaire » du manga en abordant le sujet des différents matelas de sol pour le camping. Comme le groupe de plein air ne fait pas vraiment de sortie dans ce tome, c’est l’occasion pour Aki de partager son savoir-faire culinaire (et une petite recette en bonus).

Rin est souvent sollicitée pour participer aux sorties en plein air de Nadeshiko et son groupe, qu’elle décline bien souvent, préférant être seule. Elle savoure d’ailleurs le plaisir du camping en hiver, malgré le froid, plaisir que je partage totalement avec elle.

« Un thé au lait, ça réchauffe… Aah, c’est une forme de syndrome du pompier pyromane non? Pour mieux se réchauffer avec une boisson chaude… faire exprès de sortir par ce froid… »

Rin accepte toutefois une sortie avec Nadeshiko, mais celle-ci tombe malade. Elle fera donc le voyage avec son amie à distance, à travers les messages et les photos. De son lit, Nadeshiko lui servira de GPS. Rin part donc en voyage à Komagane et ira camper sur le mont Jinbagata après avoir eu quelques déboires sur la route.

Comme à l’habitude, j’aime toujours cette série, parce que c’est reposant et léger, que ça se lit tout seul. Il y a aussi un peu d’humour, même si j’ai un peu moins adhéré au délire du groupe de plein air qui papote beaucoup de tout et rien dans cet troisième tome. Le calme de Rin rachète le tout.

C’est un tome tout de même agréable, même si ce n’est pas mon préféré. Je poursuis tout de même la lecture, parce que l’histoire de manière générale me plaît bien et que c’est toujours agréable de retrouver Rin et Nadeshiko, deux adolescentes tellement différentes! Toutefois, ce sont deux passionnées de plein air et, même si elles ne le vivent pas de la même façon, sont liées par une passion commune.

Mon avis sur les autres tomes de la série:

Au grand air t.3, Afro, éditions Nobi Nobi, 178 pages, 2018

De rivières

De RivièresElle baigne aux lits des rivières. Le cœur musclé, sans jamais renoncer à rien, elle se construit une maison en dehors de sa bouche, elle devient ruisseau, lac, pluie, fleuve. Vanessa Bell, par cette proposition poétique vive et opulente, rassemble féminité, maternité, sororité et nature sous le signe de l’eau, unies en une même résistance, une même célébration. De rivières porte ses filles à bout de bras, léguant un chant radieux et son élan décisif à un romantisme féminin qui déborde l’avenir. Nés de cette rage sublime qui agite nos corps, ses mots transportent un puissant vent de courage.

Ce recueil de poésie nous amène dans les profondeurs d’une âme blessée, désabusée, mais prête à rebondir, qui cherche à nous montrer les vestiges d’un pays intérieur enfoui au fond d’une rivière agitée.

Au fil des chapitres De rivières nous présente des rivières intérieures, jadis secrètes, comme une métaphore imagée des émotions. Comme si le lit de la rivière servait à exprimer certaines choses, une façon de puiser en soi-même, une forme de solitude voulue et nécessaire pour explorer les émotions.

la mort annoncée
couronne mes os
m’oblige à renaître
paupières trébuchantes

Maintenant révélées et présentées à l’extérieur, l’auteure nous montre une certaine noirceur antérieure, figée par la peur, qui s’éclaircit au grand jour. Des émotions qui étaient difficiles à aborder avant par peur de trébucher et de se détruire. L’eau sert d’exutoire. Elle parle souvent des rivières et les ruisseaux pour présenter son ressenti. J’ai beaucoup apprécié les mots de l’auteure, sa relation à l’eau et aux éléments. 

On suit les mots comme on suivrait le fil d’une rivière. Parfois agitée et brutale, parfois plus douce et plus sereine. Par ses mots, on se sent aussi proche des cours d’eau et de la nature. J’aime quand un(e) auteur(e) utilise la nature comme élément central d’une émotions ou d’une histoire, pour imager son propos et ses émotions. Je trouve le parallèle très intéressant et souvent, très parlant. 

On ressent dans ce flot d’eau et de rivières, de la fragilité, de la colère et un désir profond de s’exprimer, de ramener à la surface du vécu et du ressenti caché tout au fond de soi. L’image de la rivière, son lit, son cours d’eau et le fond sablonneux se confondent avec les émotions du texte. Une soif d’agiter les rivières à la surface silencieuse, pour faire remonter ce qui se trouve au fond. On ressent également dans le texte un côté à la fois fragile et fort, un côté féministe omniprésent. Ce recueil, c’est la force de la féminité.

De rivières est une merveilleuse poésie qui permet de visualiser pour le lecteur, une gamme de pensées et d’émotions, à travers une image toute simple et naturelle, celle de l’eau. L’écriture est fluide et agréable, elle nous transporte dans la nature à travers de nombreuses émotions. On ressent une grande fragilité et une vulnérabilité qui a besoin de s’exprimer. L’image avec la rivière est très forte.

mon corps une rivière
je vous en prie
acquiescez mon existence

Une lecture que j’ai beaucoup apprécié, qui est très imagée. Le livre donne une furieuse envie de lire près d’une rivière ou d’un cours d’eau, de se mettre en contexte. Les mots de Vanessa Bell se confondent avec le son de l’eau. Une poésie calme, mais dont on sent l’agitation qui gronde, tout au fond. À l’image d’une rivière.

Une poésie que j’ai beaucoup aimé, que je ne peux que conseiller. Une auteure à découvrir.

De rivières, Vanessa Bell, éditions La Peuplade, 96 pages, 2019

Dernière saison dans les Rocheuses

Derniere saison dans les rocheusesEn 1820, aux Amériques, le commerce des fourrures est un moyen périlleux de faire fortune. À peine le jeune William Wyeth s’est-il engagé auprès de la compagnie de trappeurs la plus téméraire de l’État qu’il manque de se faire tuer. Il découvre alors la force des liens entre les hommes, dont la survie ne dépend que de leur solidarité. Chasse au bison, nuits passées à dormir sur des peaux de bête, confrontations aux forces de la nature ou aux tribus indiennes, la vie de trappeur est rude, mais William a soif d’aventures. Il a quitté sa famille pour le grand Ouest, sauvage et indompté. Il devra réunir plus de courage et d’habileté qu’il ait jamais cru avoir pour en sortir vivant.

Dernière saison dans les Rocheuses est le portrait vivant et passionnant d’une compagnie de trappeurs dans les années 1820. En suivant le jeune William Wyeth, avide d’aventures, de grands espaces et de découvertes, on plonge dans la vie quotidienne des hommes de cette époque, qui se lançaient corps et âme dans une vie difficile, mais fascinante.

Le début du roman nous présente William Wyeth et ses premiers pas dans le monde de la trappe:

« J’avais vingt-deux ans, et je travaillais au traitement des peaux depuis l’année précédente. Je projetais de rejoindre une brigade de trappeurs dès que mes économies me permettraient d’acheter mon fourniment. J’avais débarqué à Saint Louis, brûlant de participer à une expédition vers l’Ouest. »

Rêvant d’expéditions, mais devant aussi concilier son amour pour Alene qui elle, rêve de s’installer à Saint-Louis, Wyeth lui promettra de revenir bientôt, après avoir vécu son rêve de trappe. L’occasion de partir avec des camarades explorer les derniers cours d’eau encore intacts de l’Ouest ne se représentera plus. Wyeth partira donc pour une dernière saison dans les Rocheuses avant de s’installer pour de bon dans la vie. Wyeth comme de nombreux jeunes trappeurs, est attiré par l’aspect romantique de la trappe et par l’aventure. Tout est une découverte, des rencontres avec les indiens jusqu’aux poursuites des bêtes dans la nature plus grandiose et sauvage qu’il n’aurait pu l’imaginer.

« C’était la première fois que je voyais des Indiens de près. Ils n’auraient pas paru plus étranges s’ils avaient débarqué de la Lune. »

On sent que les débuts de la compagnie sont un peu chaotiques. Chacun se permet de juger les autres. Les moqueries et les doutes sont légion. Quand la compagnie part dans la nature sauvage et que des vies sont perdues, que les attaques entre clans se produisent, que la présence d’Indiens changent aussi la donne, le rôle de chaque trappeur au sein de la compagnie est primordial pour la survie des autres. Les liens qui se tissent alors entre les hommes sont de ceux qui marquent pour la vie. On apprend à connaître l’homme derrière son masque, à voir les meilleures qualités des uns et des autres au fil du temps.

« Se lancer dans la traite des fourrures était une entreprise généralement vouée à l’échec, tout le monde le savait. Mais c’était aussi l’excitation de l’aventure, l’attrait de l’inconnu et, peut-être, la possibilité de faire fortune. Cela me suffisait. »

On apprend, à travers ce roman, la façon dont était vécue la vie quotidienne dans une compagnie de trappeurs, mais surtout l’ambiance qui régnait dans la société de cette époque. Entre les postes de traite, la vie dans une garnison, le pistage des animaux pour la trappe, les accords et désaccords entre les différentes compagnie et les différentes tribus indiennes, le roman s’avère à la fois passionnant et instructif. Les réflexions que partage le personnage de William Wyeth, son honnêteté et sa transparence sur ce qui se joue devant ses yeux, apporte un côté plus intime au roman. On a l’impression de lire un véritable récit d’aventure.

La vie dans une compagnie de trappe n’est guère facile. Les trappeurs sont à la merci des bêtes, des autres compagnies. Ils se retrouvent bien souvent au cœur d’une mutinerie, d’alliances qui les menacent et aussi de décisions de grands chefs indiens. Les pistes de trappe peuvent devenir de véritables champs de bataille. Les éléments sont aussi de potentielles menaces: les cours d’eau gelés dont la glace peut céder à tout moment, la chaleur, le manque de provision, les blessures et les attaques ainsi que les tempêtes. La compagnie est sans cesse à la merci de ce qui l’entoure. Mais c’est aussi cette même nature qui offre parfois les moments les plus extatiques.

« Un oiseau planait dans le ciel blanc, qui me parut soudain très haut, comme si le monde, grandiose et solennel, s’était dilaté autour de moi. La Prairie me donnait la sensation d’être à l’orée d’un mystère infini, déconcertant, et, par-dessus tout, m’écrasant d’une solitude absolue. »

Alors que Wyeth nous raconte son histoire, c’est avec les yeux de l’homme qu’il est devenu au fil des années qu’il le fait. On sent une certaine nostalgie dans son regard, même s’il préfère s’attarder sur les glorieux moments de sa compagnie et ceux qui ont été de véritables aventures, comme tous les jeunes trappeurs s’imaginaient alors en vivre.

« Une brigade de trappeurs représentait pour nous le commerce, le patriotisme, la grande aventure vers l’Ouest, vers l’inconnu, et autres niaiseries du même genre. »

Il aborde également en filigrane l’aspect écologique de la trappe. Le fait que les compagnies épuisent les rivières, que la nature ne sera plus jamais la même. Paradoxalement, les personnages du livre contribuent aussi à cet épuisement des terres, des sols et des habitats sauvages. Ils sont autant fascinés par cette nature qu’ils la pillent également pour leur bon profit. Ils perpétuent une chose dont ils commencent à avoir conscience qu’elle ne sera pas immuable.

« Le saccage des rivières par des brigades de plus en plus nombreuses transformerait bientôt cette nature riche et indomptée en désert cartographié, surexploité et hostile. Peu d’hommes se souviendraient de ce pays tel qu’il avait été dans sa glorieuse pureté originelle. J’étais heureux de l’avoir connu ainsi et de ne pas avoir passé ma dernière saison entouré de pauvres diables affamés et désespérés. »

Le roman de Shannon Burke est une épopée fascinante, un vrai roman d’aventures comme on les aime. C’est l’histoire d’un petit groupe d’homme qui jouera un rôle dans l’histoire américaine. Nous sommes à la fin de l’âge d’or de la trappe. C’est un roman sur les grands espaces et sur l’homme, avec ses beaux côtés et ses trahisons. On se prend d’amitié pour William Wyeth, pour l’artiste qu’est Ferris, qui se retrouve également à être un atout précieux au sein de la compagnie et même pour l’ambivalent, le détestable et exaspérant Layton.

L’époque, la vie en plein air, les guerres entre les trappeurs et les indiens, la course aux meilleurs fourrures entre les différentes compagnies et le cadre exceptionnel du roman en fait une lecture prenante et vraiment dépaysante. La traduction est impeccable et très accessible. C’est le genre de roman qui nous happe et nous fait voyager en quelques pages. Une parfaite lecture!

À noter que ce roman est bel et bien une fiction. Il s’inspire de plusieurs titres, dont trois cités par l’auteur à la fin de son roman. Un de ceux-là est traduit en français et j’étais très heureuse de découvrir que je l’avais sous la main: La piste de l’Oregon de Francis Parkman. Lecture prévue bientôt! En attendant je vous invite à découvrir Dernière saison dans les Rocheuses, un roman qui m’a happée et passionnée.

Dernière saison dans les Rocheuses, Shannon Burke, éditions 10-18, 288 pages, 2019