On a tout l’automne

Septembre au Nunavik, la toundra se couvre de petits fruits rouges flamboyants. Une jeune femme retourne à Salluit, deux ans après sa dernière visite, et quelques leçons d’inuttitut plus tard. Certains des enfants qu’elle a connus au camp de jour sont maintenant adolescents. Maggie, Sarah, Louisa, Elisapie et Nathan aiment sortir en quatre-roues, pêcher ou encore partir plusieurs jours chasser le lagopède. Ils ont leurs secrets, leurs blessures. Leur enfance s’évapore sous les aurores boréales.

Très emballée par ma lecture de Nirliit, j’ai voulu poursuivre avec On a tout l’automne qui se déroule deux ans plus tard. On retrouve la même narratrice, plusieurs des mêmes personnages, le Nord aussi.

« Il me fallait le fjord immobile comme un lac, tôt le matin, pour reprendre confiance, en tête à tête avec le jour qui se lève pendant que le village dormait encore. »

Une jeune femme revient à Salluit. Lors de sa première visite, elle s’occupait d’activités estivales auprès des jeunes. Cette fois, elle revient pour offrir un atelier de poésie à l’école. Elle s’est attachée à ceux avec qui elle avait vécu et elle les retrouve maintenant qu’ils sont adolescents. Deux années entières pour les jeunes, ça passe vite! La vie de chacun a bien changée. La sienne aussi. Elle laisse un amoureux, en ville, pour trois mois. Une relation qui avance trop doucement pour elle.

La force de la nature et des premiers blizzards d’automne lui rappellent sa mère et la perte qu’elle ressent toujours suite à son décès. Mais il y a les gens et la vie, dans le Nord. Il y a aussi son amour de l’hiver (alors que les gens du Sud ne font que se plaindre du froid), qu’on nomme Ukiuq dans cette langue du Nord.

« J’aurais aimé connaître le froid spectaculaire de janvier, ici, la tranquillité post-fin du monde des journées où personne n’ose mettre le nez dehors. La patiente routine de l’habillement, parenthèses méditatives qui accompagnent la moindre sortie à l’extérieur. Les quelques heures de clarté miraculeuse qui donnent à la neige un halo bleuté avant que la noirceur ne revienne envelopper le village. »

Ce roman, je l’ai adoré. J’ai aimé m’y plonger, retrouver la jeune femme, les enfants, les lieux. Il est plus doux, plus lumineux que Nirliit. Tout aussi intéressant, mais différent. Ici, on plonge dans la culture, la musique, la poésie. On découvre l’inuttitut, dont on apprend des mots, imagés et racontant des concepts, à toutes les pages. C’est chantant. Magnifique. J’ai aimé me faire bercer par cette langue.

La plume de Juliana Léveillé-Trudel me parle beaucoup. Elle raconte un monde qui n’est pas si loin de nous, mais qu’on connaît si peu. On est si loin de ceux du Nord et pas seulement par la distance. Je trouve que ces deux romans construisent justement des ponts intéressants. Des histoires qui restent en nous et qui nous portent.

« Kingnguq. (Ressentir le besoin de ce qui est disparu.) »

Un très beau et touchant roman, qui offre une suite pleine de tendresse, un peu à l’image des retrouvailles de la fille du Sud, avec les gens du Nord.

On a tout l’automne, Juliana Léveillé-Trudel, éditions La Peuplade, 216 pages, 2022

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