Nirliit

Une jeune femme du Sud qui, comme les oies, fait souvent le voyage jusqu’à Salluit, parle à Eva, son amie du Nord disparue, dont le corps est dans l’eau du fjord et l’esprit, partout. Le Nord est dur – «il y a de l’amour violent entre les murs de ces maisons presque identiques» – et la missionnaire aventurière se demande «comment on fait pour guérir son cœur». Elle s’active, s’occupe des enfants qui peuplent ses journées, donne une voix aux petites filles inuites et raconte aussi à Eva ce qu’il advient de son fils Elijah, parce qu’il y a forcément une continuité, une descendance, après la passion, puis la mort.

J’ai lu Nirliit de Juliana Léveillé-Trudel dans le cadre d’une lecture commune. J’ai été surprise à quel point ce livre est puissant et marquant. Il est difficile d’oublier l’atmosphère qui s’en dégage, la rudesse de ce qui est raconté que l’on découvre en même temps que la beauté des paysages.

Ce roman était dans ma pile à lire depuis quelques années. J’avais hâte de le lire, mais il me faisait un peu peur. J’avais peur que ce soit très dur. Et ça l’est. Les vies racontées dans ce roman ne sont pas roses. Mais en même temps, la plume de l’auteure est magnifique. C’est un livre aussi rude que le paysage où il se déroule.

« Le Nord est dur pour le cœur. J’ai souvent le goût de brailler, je ne suis pas nécessairement triste, c’est juste que c’est trop ici, trop beau ou trop dur. »

Une femme qui vient de Montréal part à Salluit chaque été pour s’occuper des enfants du Nord. Elle parle à son amie Eva, qui flotte quelque part dans l’eau du fjord. Disparue. Elle lui raconte ce dont elle est témoin, sa vie dans le Nord versus celle du Sud. Les préjugés, les différences, elle donne une voix à ceux qui n’en ont pas. Elle lui parle de ce que devient Elijah, son fils. Raconte la violence quotidienne, mais aussi la beauté rugueuse des paysages.

« Des motoneiges, des bateaux, des quatre-roues, des camions pour faire le tour du village de quatre rues. Pour vous échapper de vos maisons surpeuplées où vous vivez les uns sur les autres. Vous manquez d’espace dans votre immensité nordique. Comment ça se fait que toute cette richesse ressemble tellement au tiers-monde? »

C’est un livre dont la narration est particulière et j’ai été touchée par ce style. Je trouve que l’auteure, et sa façon de raconter, est intéressante. Elle nous permet de confronter nos idées du Nord avec ce qui s’y déroule, de donner corps à des personnages qui nous restent longtemps en tête. Son roman est essentiel et agit comme un coup de poing, même si l’écriture est belle et que le propos peut passer de la douceur à l’aspérité de la glace en quelques minutes.

J’ai beaucoup aimé ce roman et je le conseille assurément si vous voulez percevoir le Nord différemment. Comprendre. Confronter les idées reçues. C’est rude, c’est beau, c’est dur.

« Je refuse qu’on écrase brutalement ceux qui sont trop lumineux pour le reste du monde, je refuse qu’on empêche les étoiles de briller, je refuse qu’on force les comètes à ralentir pour ne pas faire de jaloux. »

J’étais contente d’avoir sous la main son autre livre, On a tout l’automne, qui raconte, deux ans plus tard, le destin de certains des personnages. Je l’ai lu tout de suite après. Je vous en parle bientôt.

Nirliit, Juliana Léveillé-Trudel, éditions La Peuplade, 184 pages, 2015

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