Chinook

« — Le chinook, c’est un vent qu’on a là-haut et qui vient des montagnes. Ils disent qu’il ne souffle qu’en hiver. On peut alors passer facilement de –25° à 10° ou 15° au-dessus de 0 en une heure ou deux. Il fait fondre toute la neige, les routes sont complètement inondées. Mais quand il a fini de souffler, les vieilles températures reviennent et tout recommence à geler. Quand même, les gens l’adorent. C’est comme un souffle d’été au milieu de l’hiver. » En toile de fond de ces nouvelles qui parlent d’amour, de solitude et de fidélité, le chinook surgit parfois pour balayer le Montana. Avec toute sa tendresse et sa sensibilité, Pete Fromm montre comme personne combien des gens « ordinaires » sont dans leur fragilité bien plus grands qu’il n’y paraît.

Je n’avais pas relu Pete Fromm depuis Indian Creek, même s’il a écrit quelques livres par la suite. Il faut dire qu’Indian Creek est un de mes livres préférés, je l’ai lu plusieurs fois, et cette lecture a été tellement puissante pour moi, que j’avais un peu peur de renouer avec la plume de Fromm. J’avais cependant très envie de découvrir ce recueil de seize nouvelles, qui aborde la nature humaine dans toute sa fragilité, mais aussi dans ce qu’elle a de plus fort. C’était un bon choix pour poursuivre ma découverte de l’auteur. J’aime les nouvelles et Pete Fromm y excelle.

Le livre porte très bien son titre, le chinook étant un vent qui peut faire passer la température du plus froid au plus chaud en peu de temps. C’est un peu ce que vivent les personnages de ces nouvelles, passant du rire aux larmes, de moments de pur bonheur à des instants où tout flanche. Les liens entre les personnages sont importants, l’amour qui les unit ou qui les sépare aussi. Les liens familiaux et amicaux également. Ce petit quelque chose de fort et de fragile qui peut unir un père et son fils, une mère et sa fille, des frères, des amoureux, différents couples et différentes familles.

« Dès que j’ai eu raccroché, je me suis senti un peu bête. On ne réveille pas les gens au milieu de la nuit pour leur dire que tout va bien. En tout cas, pas si on veut qu’ils vous croient. »

C’est beau, c’est un peu doux-amer et c’est puissant. Il faut dire que Pete Fromm maîtrise à merveille l’art d’écrire des nouvelles. Un art jamais facile, délicat et qui demande selon moi une observation approfondie du monde et une facilité à décrire des personnages pour rapidement leur donner une consistance. Les nouvelles, c’est toujours plus courts et il faut du talent pour y arriver. Ici, ça se lit pratiquement comme de petits romans, tellement l’auteur semble avoir de la fluidité à créer ces univers, l’espace de quelques pages.

« J’ai pensé que je pourrais quitter Seattle. Les gens d’ici disaient du bien des petites villes le long de la côte, en Oregon ou même en Californie. J’avais plutôt envie de rester au bord de l’océan maintenant. J’aimais toujours cette odeur, l’odeur de l’eau et des autres choses qu’il y avait dedans et que je ne connaissais pas. J’allais chercher une ville plus petite, un endroit qui n’essaierait pas de faire pâlir les étoiles. »

Chaque histoire est un monde en soi. Les personnages sont complets, ils existent en quelques phrases, quelques mots. Les histoires sont touchantes, les personnages empreints de solitude. On retrouve en filigrane cette recherche d’un sentiment de sécurité. De normal. De simple. Il y est également question de la perte, de soi et des autres. La nature est là aussi et elle s’invite au détour d’une vague de l’océan qu’un garçonnet rêve de voir ou dans les montagnes où un personnage va courir.

Un recueil que j’ai beaucoup aimé!

Chinook, Pete Fromm, éditions Gallmeister, 320 pages, 2022

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