La terre maternelle

Quand on grandit dans un village où la rivière ne gèle pas, la résistance de tout un peuple de Filles du Roy et de Draveurs nous coule dans les veines. On apprend à conduire sur le chemin de l’Arc-en-Ciel et on baptise son char dans la Colonie. On sait que les meilleures talles de bleuets se trouvent sur la route du Chômage. On connait les anciennes cachettes d’un célèbre contrebandier dans le Brise-Culotte. On tombe en amour sur la montagne du Fourneau. On hérite de la fertilité légendaire des femmes qui ont tapé une trail vers la revanche des berceaux.

En refermant ce livre je me suis dit que j’avais envie d’en lire d’autres, comme celui-là. J’aime quand on me parle de la terre, que ce soit à travers nos vieux classiques ou dans un roman plus moderne ancré dans nos racines. Ici, on a droit à une touche de réalisme magique et à une bonne dose d’histoires familiales et de légendes de village.

« On est tous un peu le résultat des choix de nos ancêtres. »

J’aime les livres qui parlent de nous comme le fait si bien l’auteure. J’ai été émue, j’ai ri, j’ai été touchée, et c’est avec la larme à l’œil que j’ai tourné la dernière page. C’est beau, c’est drôle, c’est plein d’histoires, de nos histoires, à nous. Anne-Marie Turcotte nous parle d’elle, de son coin de pays, de la langue, de la transmission, de ceux qui sont passés avant nous et forgent les histoires qui nous habitent encore.

« Les hommes ont transmis leur nom, mais les femmes, on a transmis la langue. Parce que personne ne transmet une langue maternelle comme nous. »

Je ne m’attendais pas du tout à cette construction. Ça été une surprise, découverte un chapitre à la fois. Chacun a un thème. On suit l’alter égo de l’auteure qui est sur le point de commencer sa vie d’adulte. Avec tout ce que ça implique comme rites de passage. À travers ce qu’elle vit, elle parle du territoire où elle est née, des légendes qui l’habitent, des histoires de fond de rang, des personnages qui se cachent derrière. Le tout, entrecoupé de petites choses du quotidien: des listes de choses à faire, des menus, des idées. J’ai eu envie de pain frais et de poutine en tournant les pages, d’aller me promener en forêt pour en sentir l’odeur et d’écouter les contes de Fred Pellerin.

« Notre culture s’efface quand on arrête de lire Gabrielle Roy, de cuisiner les beignes d’antan, d’écouter Les Cowboys fringants, d’aller à l’eau de Pâques et de regarder La grande séduction. Et sans vraiment s’en rendre compte, on ne sait plus qui on est. « 

Je me suis retrouvée dans ce livre, à travers les souvenirs évoqués, mais aussi à travers tout ce qui me tient à cœur dans la vie: la nature, la langue française, l’héritage, les traditions, l’importance de notre culture, de notre langue, de la transmission des histoires, de nos valeurs, de nos combats. J’ai eu, moi aussi, le cœur serré lorsqu’elle constate la perte d’arbres qu’elle aime. J’ai aimé l’oralité du texte, le travail de mémoire autour des souvenirs. Des parcelles de vie essentielles. J’ai noté une foule de passages qui résonnaient en moi.

Un roman qui m’a beaucoup beaucoup plu! J’espère vraiment qu’Anne-Marie Turcotte reprendra la plume à nouveau. J’ai vraiment envie de la relire.

La terre maternelle, Anne-Marie Turcotte, éditions Xyz, 208 pages, 2024

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