Carnets 1968-2018

Depuis 1968, Gilles Cyr a élaboré une œuvre poétique témoignant d’une constante attention au monde. Celle-ci relève moins de la contemplation que de l’étude, dimension très frappante dans ses carnets, où les notes n’ont toutefois rien de systématique : elles s’attachent librement aux personnes, aux lieux et aux choses, et souvent à la littérature, en particulier à plusieurs poètes admirés. Comme c’est le cas pour l’œuvre poétique, la langue est ici rigoureuse, à la fois concise et subtilement rythmée. Au fil du temps, l’écriture des poèmes s’est transformée, en intégrant la légèreté et l’humour, qui ne remplacent pas la gravité initiale, mais s’y ajoutent et l’animent. On peut y voir une leçon de ces carnets, que le poète aurait suivie, et qui nous est maintenant proposée.

Je ne connaissais pas Gilles Cyr avant de lire cet ouvrage. Je ne me l’aurais peut-être pas procuré pour cette raison, mais je l’ai reçu avec un autre livre. C’était donc l’occasion de le découvrir. Gilles Cyr est un poète et ici, nous avons droit à ses carnets, qui couvrent une période allant de 1968 à 2018.

Je crois que c’est la première fois que je lis un livre sous forme de carnet. J’ai bien apprécié le format. À travers ses notes, l’auteur nous présente ses réflexion sur le moment présent, sur des choses qu’il découvre, sur ce qu’il pense de différents sujets. D’autres fois, il nous parle de certains auteurs (on retrouve souvent Gaston Miron par exemple), mais aussi plusieurs qui m’étaient inconnus. Ce livre est un peu comme un véritable carnet de réflexions. L’auteur parle beaucoup de ce qu’il pense de la poésie d’autrefois, versus la prose que l’on retrouve souvent aujourd’hui dans les recueils poétiques. Pour lui la prose détruit la poésie et c’est un thème qui revient souvent dans ses réflexions.

« Lors de la présentation publique de votre nouveau livre, ne pas oublier d’orienter rapidement la conversation vers vos pages les plus noires. Sinon, les journalistes grommellent et se rebiffent, et ne pensent plus qu’à partir. »

Chaque entrée suit l’ordre chronologique, mais parfois il y a des années où il n’y a aucune entrée. Ses réflexions sont parfois poétiques et il parle d’un peu de tout. Comme il s’agit d’un écrivain, ses carnets tournent beaucoup autour de la poésie, de la prose, du travail de certains auteurs. Il commente des extraits, offre ses commentaires sur la littérature, la traduction, l’écriture, parle du quotidien, de ses voyages. Il prend des notes sur des événements, sur le temps qui passe et sur le temps qu’il fait. Des notes qu’il qualifie de « légères et aérées ».

« Je tiens à ce que tout le monde sache à quel point je suis heureux de votre venue. Cela dit, je dois vous prévenir: gare aux crevasses et enfoncements, dans les rues de notre belle ville. Pour s’y engager, il est préférable d’avoir bien dormi, et d’avoir les yeux en face des trous. »

Il aborde certains livres ou auteurs que je ne connais pas, donc certaines entrées m’échappent, certains clins d’œil aussi. Par contre j’ai adoré certaines autres notes de son carnet, surtout lorsqu’il parle de la réalité du Québec, de la langue qu’il a à cœur, de la société. Il se permet aussi des conseils ou des réflexions sur la façon d’écrire ou de lire, sur le monde littéraire. C’est un méli-mélo de toutes sortes d’idées, culturelles, littéraires, politiques, ainsi que des anecdotes sur la société, l’histoire et le monde en général.

« Durant toutes ces années, des personnalités ont torturé leurs phrases et dissimulé leurs mouchoirs. Puis, sans transition, ils ont fondu sur la simplicité. Le résultat est là. »

J’ai appris aussi des choses sur certains événements passés qui m’ont surpris ou qui m’ont plu. Parfois il y a une forme d’humour philosophique qui est venu me chercher. J’ai trouvé ses propos intéressants. C’est le genre de livre à lire doucement, quelques réflexions à l’occasion. C’est un livre qui propose de prendre le temps de le lire pour mieux réfléchir et apprécier ce qu’on lit. Je crois que c’est la bonne façon d’appréhender ce carnet de notes. 

« La puissance québécoise agit à distance – à distance de visibilité variable – et donne sa solidité aux autres États, sans se mélanger à eux. »

Même si certains propos m’ont moins parlé, c’est un ouvrage qui me donne envie de découvrir la poésie de l’auteur que je ne connais pas. Ce livre m’a donné envie de découvrir le côté créateur et littéraire de Gilles Cyr et d’éventuellement me pencher sur un de ses recueils de poésie. C’est donc une découverte inattendue que ce carnet de réflexions et d’idées, mais j’y ai passé un beau moment de lecture.

Carnets 1968-2018, Gilles Cyr, éditions de l’Hexagone, 232 pages, 2021

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