
Longtemps hésitant entre la médecine et la poésie, John Keats n’avait guère eu qu’ironie et méfiance pour les choses du sentiment lorsqu’il s’éprit de Fanny Brawne, la fille de ses nouveaux voisins de Hampstead. De cette liaison difficile, il nous reste trente-sept lettres rédigées au cours des deux dernières années de la vie de l’écrivain, juste avant et pendant la maladie qui devait l’emporter en 1821 à l’âge de vingt-cinq ans. Dans ce qui fut pour Keats un temps d’assombrissement et d’amertume, l’amour devient à la fois révélation et désastre ; le poète trouve dans sa passion la réalisation possible d’un idéal de beauté qui le hantait. C’est-à-dire que l’amour, chez Keats, est autant le double que la limite de la poésie, et c’est pourquoi l’on retrouve dans la trajectoire brisée de cette correspondance, l’une des plus célèbres de la langue anglaise, le goût et l’exigence de l’impossible qui habitèrent toute son œuvre.
Lettres à Fanny est un livre que nous avions à la maison et qui m’attirait beaucoup, peut-être parce que j’adore la poésie et que je ne connaissais pas vraiment Keats. Des lettres, c’est une bonne façon de découvrir l’homme avant de découvrir son œuvre. C’est un recueil qui m’a beaucoup surpris. Je n’étais pas certain d’apprécier ce genre de lecture mais j’ai vraiment aimé. Le poète John Keats, considéré par plusieurs comme le plus grand poète romantique anglais, était tout un personnage, quelqu’un d’assez particulier qu’on découvre à travers les lettres qu’il écrit à celle qu’il aimait.
Le recueil contient 37 lettres. Les lettres, pour l’époque, sont très agréables à lire et très accessibles. J’ai beaucoup apprécié cet aspect. Il contient essentiellement les lettres qu’envoyait John Keats à Fanny Brawne. Les deux étaient fous amoureux, mais se sont finalement peu vus durant la courte vie du poète. Il aurait été intéressant de voir la correspondance entière, avec les réponses de Fanny. Toutefois, John Keats a détruit les lettres qu’il avait reçues avant sa mort. Ce n’est qu’au décès de Fanny que les lettres sont rendues publiques et que l’on découvre leurs fiançailles. Les lettres, à l’époque avaient beaucoup choqué, les gens ne comprenaient pas qu’elles soient publiées. Avec nos yeux d’aujourd’hui, rien ne nous apparaît scandaleux.
« Il ne m’a pas fallu une éternité, croyez-moi, pour vous laisser prendre possession de moi; dès la toute première semaine où je vous connus, je me déclarai votre vassal dans une lettre que je brûlai, car, lorsque je vous revis, il me sembla que vous manifestiez une certaine antipathie pour moi. Si homme devait jamais susciter en vous un coup de foudre tel que celui que j’ai ressenti pour vous, c’en est fini de moi. »
Fanny et John ont souvent été loin l’un de l’autre même s’ils étaient fiancés. La préface nous parle un peu de Keats, afin qu’on puisse apprendre à connaître le personnage, de quelle façon sa relation avec Fanny a commencé et qui était celle qui a fait battre son cœur. Suivent ensuite les Lettres à Fanny, écrites entre 1819 et 1820. On retrouve également quelques lettres écrites par Keats à la mère de Fanny qu’il appréciait. Toutes ces lettres nous permettent de connaître l’histoire entre John et Fanny, leur amour souvent vécu à distance et la maladie qui a contrecarré leurs projets.
Les deux étaient très amoureux, mais Keats étant paradoxalement assez possessif et jaloux, tout en ayant un grand besoin de solitude. Il a peu de confiance en lui, c’est quelqu’un de très négatif. On le voit régulièrement à travers les lettres. Keats était pauvre et n’avait que peu d’argent. Il n’a pas eu une enfance facile. Né pauvre, sans argent, il est placé en apprentissage auprès d’un apothicaire à 15 ans. À 20 ans il décide de se tourner vers la poésie. Il travaille comme poète et produit des textes pour son éditeur. On découvre un peu la façon dont ce travail fonctionnait. Il vivait alors à l’écart, avec d’autres écrivains.
« Keats avait jusque-là peu approché les femmes, d’abord parce que les circonstances familiales ne le lui permettaient guère. Orphelin, une succession opaque et un tuteur peu scrupuleux l’avaient laissé sans le sou, si bien qu’il ne pouvait, faute d’une situation fixe, songer au mariage; cette absence d’horizons pesa lourdement sur sa liaison avec Fanny. »
Keats et Fanny se fiancent. Ils aimeraient se marier, mais sans argent c’est difficile. Puis Keats tombe gravement malade. Il se fait la promesse de la retrouver quand il sortirait de l’hôpital, ce qui ne s’est jamais fait. Keats lui rend sa parole quand il tombe malade, dégageant Fanny de tout engagement, ce qu’elle refuse de faire. À travers les lettres, souvent belles, parfois touchantes, on imagine ce qu’a pu être leur relation, l’amour qu’ils partageaient.
Dans la seconde partie des lettres, Keats est très malade et il essaie de ménager ce qu’il écrit à Fanny. Il sent la mort qui arrive. Il déplore déjà sa trop courte vie et de ne pas avoir eu le temps d’écrire plus de poésie et de meilleurs textes. Il a l’impression que son nom ne marquera personne, que sa poésie mourra avec lui. C’est loin des siens que le poète a finalement rendu l’âme. Keats est décédé à l’âge de 25 ans.
« Qu’on me laisse seulement l’occasion de vivre quelques années de plus et on se souviendra de moi quand je mourrai. »
Pourtant, une partie de lui vit toujours aujourd’hui à travers ses lettres et à travers sa poésie. Il est toujours beau de penser qu’un poète qui croyait ses mots si peu immortels, soit toujours lu aujourd’hui et que ses lettres ont voyagé jusqu’ici, en 2021.
Cette lecture m’a naturellement donné envie de lire la poésie de Keats. J’ai d’ailleurs un recueil dans ma pile à lire, qui m’attend. Je compte bien aussi regarder le film de Jane Campion qui aborde la relation entre John et Fanny. Ces lettres ont été une très belle lecture et elles m’ont permis de faire un premier pas dans l’univers du poète.
Lettres à Fanny, John Keats, éditions Rivages, 160 pages, 2010