Homesman

Au cœur des grandes plaines de l’Ouest, au milieu du XIXe siècle, un chariot avance péniblement, à rebours de tous les colons. À l’intérieur, quatre femmes brisées, devenues folles au cours de l’hiver impitoyable de la Frontière, et que la communauté a décidé de rapatrier dans leurs familles. Une seule personne a accepté de faire cet éprouvant voyage de plusieurs semaines : Mary Bee Cuddy, une ancienne institutrice solitaire qui a appris à toujours laisser sa porte ouverte. Mais à cette époque, les femmes ne voyagent pas seules. Briggs, un bon à rien, voleur de concession sauvé de la pendaison par Mary Bee, doit endosser le rôle de protecteur et l’accompagner dans son imprévisible périple à travers le continent.

Homesman est un roman qui se déroule dans les grandes plaines de l’Ouest américain, au temps des pionniers. Ce livre m’a accompagnée pendant quelques jours et m’a beaucoup touchée. C’est un roman sombre, dur, sur la vie terrible dans l’Ouest, après un hiver sans fin qui a fait sombrer dans la folie quatre femmes de la région. Le quotidien est terrible pour les familles qui s’y sont installées, l’espoir au cœur.

Le roman de Glendon Swarthout est loin d’être un roman joyeux. C’est la misère, la pénible vie de pionnier qui en arrache pour survivre. Les hommes et les femmes travaillent comme des bêtes, les enfants naissent chaque année, l’argent se fait rare et les récoltes ne sont pas toujours bonnes. Les maisons sont rudimentaires, souvent creusées dans la terre, sujettes aux éléments et rafistolées avec les moyens du bord. Les familles manquent de tout. La ligne est mince entre la vie et la mort, la raison et la folie. La survie est un état quotidien. 

« Cet hiver avait été le plus meurtrier que le Territoire eût jamais connu et ses habitants avaient payé un lourd tribut, comme pouvaient en témoigner les femmes à l’arrière; cette tempête, Sa tempête, n’avait touché qu’une petite surface de terre, mais elle avait enfin fait tomber les murailles de l’hiver et laissé place au printemps, le vrai printemps. »

Les quatre femmes qui ont sombré dans la folie ne peuvent demeurer dans l’Ouest plus longtemps. Elles sont un fardeau pour leurs maris, qui doivent se débrouiller avec une terre presque stérile et une poignée d’enfants. Surtout, ces femmes ont besoin de soins et d’attention, ce que ne peut leur offrir une vie dans l’Ouest. Mary Bee Cuddy, une ancienne institutric,e débrouillarde « comme un homme », ainsi que le voleur à qui elle sauve la vie, acceptent de faire le voyage pour amener les quatre âmes torturées en ville afin que leurs familles les prennent en charge. Le roman nous raconte ce qui est arrivé aux quatre femmes et les raisons pour lesquelles elles ont perdu la tête, les préparatifs du voyage, le grand départ et les longues semaines dans un chariot sur des chemins difficiles à pratiquer.

Le monde de Homesman, dont on a traduit l’expression dans le roman par « le rapatrieur », montre le difficile quotidien de ceux qui ont tout tenté dans l’Ouest. Mary Bee Cuddy est un personnage intéressant pour sa capacité à survivre dans un monde rude, mené par des hommes, alors qu’elle vit seule sur sa terre et cherche à se marier. Elle est perçue comme sèche et autoritaire, mais avec une bonne âme. Briggs, le voleur dont elle sauvera la vie, est quant à lui l’exemple même d’un personnage méprisable. C’est un bon à rien, profiteur, désespérant et irrespectueux. Voir ces deux personnages évoluer ensemble, dans un but qui devrait être charitable, apporte une dimension plus profonde au roman puisque ce parcours changera beaucoup de choses pour eux. Ils sont le contraire l’un de l’autre.  

« Vous avez insulté les femmes dont j’ai la charge. Que ceci vous serve de leçon. Soyez toujours secourables. Ici, dans ces contrées, c’est ce qu’on fait pour notre prochain. On se montre secourables. »

Il y a quelque chose de profondément triste dans ce roman, même s’il n’est pas à proprement parler larmoyant. C’est le portrait de la détresse humaine à son paroxysme. La folie, incarnée par les quatre femmes, est terriblement poignante par moments. Un événement qui survient dans le dernier tiers du livre m’a un peu déprimée, moi qui espérait quand même un petit quelque chose de lumineux pendant ma lecture. Le côté western, les chevaux, les chariots, les villes factices et les rencontres impromptues sur les routes poussiéreuses, m’a cependant beaucoup plu, ce qui adoucit un peu les moments les plus durs du roman. C’est le genre de roman à ne pas lire si on se sent déprimé. 

Même si certaines choses m’ont un peu déçue dans le roman (choses que je ne dévoilerai pas ici pour ceux qui auraient envie de le lire), j’ai apprécié l’écriture de ce livre, la façon dont l’histoire est racontée et le portrait de la vie dans l’Ouest au temps des pionniers. Une vie loin d’être enviable, qui en aurait fait déchanter plus d’un. J’ai un autre roman du même auteur dans ma pile à lire, Bénis soient les enfants et les bêtes, que je suis quand même curieuse de découvrir, puisque pour celui-là, nous serons dans un monde totalement différent: un roman initiatique qui se déroule dans un camp de vacances pour adolescents. 

À noter que Homesman a été adapté au cinéma en 2014 sous le titre Le chariot des damnées. Je ne l’ai pas vu, mais la bande annonce semble assez fidèle au livre.   

Homesman, Glendon Swarthout, éditions Gallmeister, 288 pages, 2021

11 réflexions sur “Homesman

  1. Hello !

    J’ai bien aimé « Homesman ». Il m’a aidée à renouer avec la lecture au début de l’année, quand je peinais à terminer un roman. J’ai justement poursuivi ma découverte de l’œuvre de cet auteur avec « Bénis soient les enfants et les bêtes ». Totalement différent, en effet. Et après quelques mois, je dois dire que c’est celui que je mets le plus en avant à la librairie. Même si je vends régulièrement « Homesman » également.

    Aimé par 1 personne

  2. Bonjour Geneviève.
    Je ne connais que le film (en France sous le titre The Homesman), que j’avais adoré, un grand western qui m’avait énormément touchée et secouée. Mais tout ce que fait Tommy Lee Jones en tant que réalisateur, je suis une très grande fan. J’avais prévu de lire le roman à l’époque… ce que je n’ai toujours pas fait. Merci de me rappeler à l’ordre !

    Aimé par 1 personne

    • Je n’ai pas vu le film mais je serais curieuse de le visionner pour comparer avec le livre. Et aussi parce que le thème des pionniers, de la vie difficile et des paysages grandioses de l’Ouest qui sont à la fois magnifique et très rudes, me parle beaucoup. Heureuse de savoir que c’est un bon film!
      Bonne lecture si tu te lances dans le roman 😉

      Aimé par 1 personne

    • Oui, parfois un très bon film ne nous donne pas forcément envie de découvrir le livre derrière. On préfère rester avec le ressenti du film! Il faudrait bien que je le vois d’ailleurs.

      J’aime

  3. Pingback: Homesman, Glendon Swarthout – Pamolico – critiques romans, cinéma, séries

Laisser un commentaire