
À vingt-huit ans, Eric-Emmanuel Schmitt entreprend une randonnée dans le grand Sud algérien. Au cours de l’expédition, il s’égare dans l’immensité du Hoggar. Sans eau ni vivres durant la nuit glaciale, il n’éprouve pourtant nulle peur et sent au contraire se soulever en lui une force brûlante. Un sentiment de paix, de bonheur, d’éternité l’envahit. Le philosophe rationaliste voit s’ébranler toutes ses certitudes. Ce feu, pourquoi ne pas le nommer Dieu ? Cette « nuit de feu », Eric-Emmanuel Schmitt la raconte pour la première fois, dévoilant au fil d’un fascinant voyage intérieur son intimité spirituelle et l’expérience qui a transformé sa vie d’homme et d’écrivain.
La Nuit de feu est un très joli récit autobiographique, que j’ai adoré. L’auteur nous raconte une excursion qu’il avait entrepris vingt-cinq ans auparavant alors qu’il n’avait que vingt-huit ans. Il nous offre un grand dépaysement et nous transporte dans le désert du Sahara. Après avoir reçu un appel du metteur en scène Gérard V. qui lui demande s’il serait intéressé à participer à un film, Schmitt se retrouve en expédition avec un groupe imprévu de personnes toutes bien différentes. Ils sont dix et nous les découvrons au fil des pages. Le groupe est hétéroclite et permet aux discussions et aux pensées de se confronter, ainsi que de découvrir la variété de professions et les différences entre les participants de l’excursion. Eric-Emmanuel Schmitt se retrouve, entre autres, avec un astronome, un géologue, une femme très religieuse, un guide touareg et lui-même, qui pose des questions et amène plusieurs réflexions. C’est l’occasion d’avoir une diversité de pensées, dans laquelle on peut puiser le meilleur de chaque idée. Cette expérience permet à l’auteur de construire un texte qui parle à la fois de philosophie et qui nous offre aussi un récit de voyage plus terre à terre.
Cette randonnée, où d’ailleurs il fait l’expérience de se perdre au milieu de nulle part, est l’occasion pour lui de se questionner sur sa spiritualité et de retrouver la voie de l’émerveillement. L’amitié qu’il développe avec son guide, Abayghur, est vraiment très belle. Ils deviendront amis, malgré la barrière de la langue et se comprennent, comme s’ils se connaissaient depuis toujours, avec cette impression de s’être retrouvés.
« À chaque halte, nous jacassions comme des pies. Je ne prenais plus garde à nos langues différentes, je l’écoutais en devinant ses mots et je bavardais à mon tour sans retenue. »
En abordant alors la spiritualité et de nombreuses réflexions, l’auteur nous permet également de découvrir le mode de vie des touaregs. Il nous raconte le désert du Grand sud algérien, la façon d’y voyager, d’y survivre, le quotidien avec son groupe dans un environnement extrême. On apprend beaucoup de choses sur la chaleur accablante du jour et le froid glacial de la nuit, de la présence des serpents, de l’habillement préférable pour affronter ces températures, des mirages et des oasis.
J’aime beaucoup Eric-Emmanuel Schmitt, sa façon d’écrire me plaît toujours beaucoup. Il pourrait parler de n’importe quel sujet et j’aurais envie de le lire. Ici il parle d’une expérience personnelle qu’il a vécu et de rencontres qu’il a fait. Se perdre dans le désert, sans être certain de s’en sortir, amène forcément son lot de questionnements, de découvertes et de craintes. Avec sa façon unique de raconter et son côté un peu théâtral, il réussit à nous faire vivre le désert. Il a une plume fantastique pour décrire l’environnement qui l’entoure, la beauté pure du ciel et cette impression que tout est sublimé. Il apprend à observer les étoiles et la grandeur du désert.
« Me voilà en bas. Le camp se situe sur la droite. Je découvre le squelette d’un dromadaire aux os blanchis. Tiens, je ne l’avais pas repéré à l’aller. Je m’arrête illico. Normalement, là, je devrais être au camp. Après ces deux blocs rebondis. Je ne me repère plus. Je les contourne plusieurs fois. »
Eric-Emmanuel Schmitt nous parle de cette expérience, de cette Nuit de feu, unique, terrifiante, où il aurait pu y laisser sa vie. Cette randonnée qui aurait pu lui être fatale aura beaucoup appris à l’auteur. Il nous le raconte avec humilité. Un livre assez court, mais qui apporte une belle réflexion. Je l’ai beaucoup aimé, ce fut une bien belle lecture, tant pour son côté récit de voyage et expérience de vie, que pour le côté spirituel et philosophique.
Un texte vraiment agréable à découvrir que j’ai beaucoup apprécié.
La Nuit de feu, Éric-Emmanuel Schmitt, éditions Le livre de poche, 192 pages, 2017