
Avec les récits de ses expéditions menées de 1613 à 1618, Samuel de Champlain nous livre ici, en français moderne grâce à Éric Thierry, le premier grand témoignage européen sur les Algonquins et les Hurons. Il raconte sa remontée de la rivière des Outaouais, en 1613, à la recherche de l’Anglais Henry Hudson et de la «mer du Nord» qui devait permettre aux Français d’atteindre la Chine en contournant le continent nord-américain. À cette occasion, il évoque sa traversée du pays algonquin jusqu’au lac des Allumettes et sa confrontation avec le redoutable chef Tessouat. Champlain relate ensuite comment, en 1615, il a été obligé d’accompagner les Hurons à travers l’Ontario et l’État de New York pour combattre les Iroquois et de quelle façon ses alliés s’y sont pris pour le forcer à passer l’hiver en Huronie, au bord de la baie Georgienne. Il a alors eu le temps d’observer leurs «moeurs et façons de vivre», en particulier leur liberté sexuelle, leurs soins aux malades et leurs pratiques funéraires. Champlain ne fut pas seulement l’intrépide découvreur de l’Ontario. Il fut aussi un remarquable diplomate au milieu des Algonquins et des Hurons.
J’ai choisi ce livre parce que j’étais intéressé à approfondir un peu plus mes connaissances sur les expéditions menées par Samuel de Champlain et à connaître ses réflexions sur les relations qu’il entretenait avec les Premières Nations. C’est un ouvrage intéressant pour mieux comprendre ces premières rencontres.
La première portion du livre, la présentation faite par Éric Thierry, est une sorte de résumé explicatif du texte de Champlain qui y fait suite. J’ai trouvé cette partie du texte plutôt compacte au départ et très dense. Par contre, quand les récits de Champlain débutent, j’ai eu l’impression que les notes de l’historien mettaient en lumière les textes de l’expédition. La lecture en devient plus aisée, puisqu’on entre en plein cœur des récits d’origine qui ont tout de même été traduits en français moderne. Ce qui aide naturellement le public d’aujourd’hui à s’y intéresser.
On y découvre alors les récits de voyage de Champlain, ses expéditions, sa perception des Premières Nations et ses réflexions sur leur façon de vivre. Ce qui est intéressant, autant dans l’introduction que dans la partie de Champlain, c’est que le livre contient beaucoup de cartes et de croquis, Champlain étant avant tout un navigateur, un explorateur et un cartographe. Ces illustrations permettent de mieux remettre en contexte l’époque de Champlain, de comprendre les lieux qui ont été visités et cartographiés. On y retrouve, entre autres, des reproductions des cartes dessinées par Champlain lui-même suite à certains de ses voyages.
L’ouvrage permet de voir, à travers les récits du cartographe, le mode de vie de plusieurs peuples autochtones, qu’ils soient sédentaires ou nomades. On en apprend beaucoup sur leur vie quotidienne à travers les écrits de Champlain. On découvre les différences entre les peuples, ce qui les liait, ce qui les divisait, leur façon de s’organiser, de se nourrir, de se faire justice. Ils pouvaient utiliser le troc comme façon de commercer et d’acquérir des biens ou de la nourriture en fonction des caractéristiques de leur nation.
« Tous ces peuples sont d’une humeur assez joviale, bien qu’il y en ait beaucoup de complexion triste et saturnienne entre eux. Ils sont bien proportionnés de leur corps, y ayant des hommes bien formés, forts, robustes, comme aussi des femmes et des filles, dont il s’en trouve un bon nombre d’agréables et belles, tant en la taille et la couleur qu’aux traits du visage, le tout à proportion. »
L’auteur aborde de nombreux sujets qui font partie intégrante de la vie quotidienne: les rites funéraires, les techniques de chasse, les moyens de conserver la nourriture, le descriptif de leurs repas (que les français trouvaient souvent bien mauvais), leurs cultures, comme la citrouille et le maïs. C’est donc un portrait fascinant, vu par les yeux d’un français qui découvre un monde différent du sien, du mode de vie des premiers peuples. La perception des français est aussi intéressante, même si elle est souvent particulière, face au mode de vie des Algonquins et des Hurons. Leurs croyances étant bien différentes, les autochtones n’étaient pas toujours bien perçus des français, comme par exemple tout ce qui concernait la religion. Elle est importante pour les français qui voient d’un mauvais œil les mœurs bien différentes des autochtones.
« Mais, auparavant, il est à propos de dire qu’ayant reconnu aux voyages précédents qu’il y avait, en quelques endroits, des peuples sédentaires et amateurs du labourage de la terre, n’ayant ni foi ni loi, vivant sans Dieu et sans religion, comme des bêtes brutes, alors je jugeai à part moi ce que ce serait faire une grande faute si je ne m’employais à leur préparer quelque moyen pour les faire venir à la connaissance de Dieu. »
On apprend également des choses intéressantes sur les échanges entre les différents peuples, permettant par exemple à un jeune français de découvrir le pays aux côtés d’autochtones, d’apprendre la langue et de partager un nouveau savoir avec Champlain afin de lui permettre de cartographier les lieux et d’augmenter les connaissance globales de ce Nouveau Monde. L’inverse était aussi vrai, alors que de jeunes autochtones sont allés en Europe.
Champlain cartographiait tout et ses recherches pour trouver un chemin vers la Chine étaient très importantes. Sa vision est intéressante et parfois surprenante à découvrir aujourd’hui. Elle met en lumière les échanges entre les français et les premiers peuples, ainsi que les ententes qu’ils pouvaient avoir entre eux. Champlain voulant aller vers la Chine et les premières nations souhaitant combattre les iroquois, chacun comptait sur l’autre pour réussir à mener à bien son projet. Champlain avait une certaine importance pour les Premières Nations, ce qui pouvait donc amener jalousie et querelles entre les membres des différents clans.
Un livre que j’ai bien apprécié. Il nous transporte dans les années 1612 à 1619 alors que Samuel de Champlain relate ses voyages et ses découvertes à la recherche de la rivière qui permettrait aux français d’atteindre la Chine par le nord de l’Amérique. Une lecture qui débute de façon assez lente, car le texte annoté et la présentation sont très denses. Toutefois, l’introduction prend tout son sens quand on aborde les récits de Champlain, puisque Éric Thierry met en lumière le texte de l’explorateur. Traduit en français moderne, le texte devient donc accessible et est accompagné de nombreuses notes afin de mieux en saisir toute l’essence. C’est un peu comme plonger dans les carnets de Champlain et lire ses impressions sur ce qu’il découvre. Impressions qui sont, pour lui, souvent négatives ou déroutantes d’ailleurs.
Le livre nous permet de mieux comprendre le déroulement des premières rencontres entre européens et autochtones. Par les yeux de Champlain, on découvre aussi la manière dont les gens vivaient, leurs croyances, leur gestion des conflits et les caractéristiques des différents peuples. C’est un livre parfait pour ceux qui s’intéressent à l’histoire des débuts de l’Amérique, à la conquête de la Nouvelle-France, aux relations entre les Européens et les Autochtones, et qui désirent en apprendre un peu plus sur ces premiers moments d’échanges entre les deux peuples.
Le livre est complété par une chronologie et une bibliographie.
À la rencontre des Algonquins et des Hurons 1612-1619, Samuel de Champlain, texte en français moderne établi, annoté et présenté par Éric Thierry, éditions du Septentrion, 240 pages, 2009