Grandes Plaines

grandes-plainesL’Ouest? Le mythe américain par excellence, nimbé du halo doré des légendes, magnifié par le western. Certes. Mais aussi, aujourd’hui, un vaste «nulle part» à l’abandon, que l’on survole en allant d’un point à un autre. Et où l’on stocke l’arsenal nucléaire. Rien que cela, vraiment? Que nous dit encore, et dit de nous, l’Ouest américain? Pour en avoir le cœur net, Ian Frazier, journaliste star du New Yorker, homme de l’Est par excellence, à l’œil aigu et à l’humour ravageur, fasciné enfant par les «shows» télévisés, décide à trente et un ans de s’installer dans le Montana. Début d’un immense voyage dans les archives et par les routes, de la maison abandonnée de Bonnie et Clyde, dernier témoin de leur cavale, à la cabane de Sitting Bull, en passant par les lieux des crimes chroniqués par Truman Capote dans De sang-froid – 25 000 miles d’une exploration, entre légendes et réalité, d’un territoire hors norme où les étendues sauvages et anonymes disent tour à tour la force et la fragilité du rêve américain.

L’Ouest américain. Dans notre imaginaire, ce lieu fait rêver. C’est donc tout naturellement que j’ai eu envie de découvrir cet essai de Ian Frazier sur ce coin du monde qui suscite bien l’imagination.

« Point de vue fantasme, les Grandes Plaines sont l’endroit idéal à plus d’un titre. Elles sont tellement vastes qu’on ne pourra jamais les connaître à fond – vos fantasmes ne pourraient jamais en faire le tour. Leur pluriel lui-même semble les étirer plus loin dans une sorte de brouillard romantique. »

À la fois essai, document, reportage, livre d’histoire et récit de voyage, cet ouvrage nous amène à la découverte de différentes facettes de ce que l’on appelle « les grandes plaines ». Le livre regorge d’informations de toutes sortes qui font le pont entre la vie à l’époque des premiers habitants jusqu’aux fermes abandonnées d’aujourd’hui. Dans son récit, Frazier montre à quel point il aime l’Ouest, avec ses bons et ses mauvais côtés. Il démontre également de quelle façon les lieux sont passés à travers l’évolution et la technologie, à quel point les grandes plaines sont vastes et impressionnantes. À l’époque:

« Si vous quittiez l’Est au début du printemps, vous pouviez éventuellement atteindre les plaines vers la mi-mai, et les avoir traversées au 4 juillet. Aujourd’hui, si vous quittez Kennedy Airport à bord d’un 747 pour Los Angeles juste après le petit déjeuner, vous pourrez déjeuner dans les plaines. »

Grandes plaines parle de nature et d’écologie, de voyage et d’histoire. Dans ce livre, l’auteur part en road trip dans l’Ouest américain. Il y rencontre le petit-fils de Crazy Horse, nous parle des peuples amérindiens, des trappeurs, des fermiers, de tempêtes de poussière, d’alcool, d’épidémie de variole, de la disparition des bisons, de géographie, d’archéologie, de dinosaures, de musique, des West Wild Shows, de Buffalo Bill, de météo, d’armes, de Bonnie et Clyde, de l’alcool, de la communauté Noire, d’excursion, d’art, de Lewis et Clark, de musées, de missiles nucléaires, de chemin de fer, d’auto-stoppeurs, de Billy the Kid, des compagnies de fourrures, de ce qu’est l’Ouest aujourd’hui avec ses fermes abandonnées et ses plaines à perte de vue. C’est un livre passionnant pour apprendre toutes sortes d’anecdotes historiques sur l’Ouest mythique.

« Les découvertes effectuées sur les Grandes Plaines furent à la base d’une grande partie de nos connaissances modernes des dinosaures. Plus de la moitié des spécimens dans les salles des dinosaures du musée d’histoire naturelle de New York viennent des plaines américaines ou canadiennes. »

Son livre est une sorte de méli-mélo absolument captivant. Un livre d’histoire, vu par les yeux d’un journaliste-voyageur. Il établit également, à même le texte, des listes aussi variées qu’intrigantes: liste des rivières des Grandes Plaines, liste des équipes de basket des lycées, liste de villes aux noms étranges, liste de chansons entendues à la radio dans l’Ouest, liste de gens ayant abandonné leurs fermes… Le passé devient tout à coup un prétexte pour parler du présent et de l’avenir, et d’anticiper ce qu’il adviendra des Grandes Plaines.

« J’ai peur pour les Grandes Plaines parce que beaucoup de gens les trouvent ennuyeuses. L’argent et le pouvoir de ce pays se concentre ailleurs. (…) Le mouvement écologiste travaille souvent mieux lorsqu’il présente des vues charmantes sur la vie sauvage. Dans ce cadre, les Grandes Plaines détonnent. »

En terminant, sachez que l’ouvrage comporte à la fin une section de notes, divisée par chapitres. Comme ce n’est pas mentionné au début du livre et que rien n’y réfère, je l’ai découvert par hasard en feuilletant l’ouvrage. Je vous conseille de suivre chapitre par chapitre en allant lire les notes lorsque vous en terminez un. C’est beaucoup plus agréable de cette façon, autrement on passe à côté d’informations intéressantes. Outre ses sources et références, l’auteur explique beaucoup de choses dans ses notes de fin de volume.

Grandes plaines a été une fabuleuse lecture pour moi. Le contenu est passionnant, la construction de l’ouvrage aussi. On se promène entre les histoires de voyage de Ian Frazier, ses rencontres sur la route, ses découvertes historiques sur les lieux qu’il visite, ses réflexions sur l’Ouest et une liste d’informations aussi percutantes que fascinantes sur tous ceux qui ont foulé les grandes plaines au fil des siècles.

Un livre passionnant à lire si l’Ouest vous intéresse. Pour moi ce livre a été un beau coup de cœur et une très belle découverte à laquelle je ne m’attendais pas. Une très belle surprise!

Grandes Plaines, Ian Frazier, éditions Hoëbeke, 288 pages, 2018

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