De pierre et d’os

De pierre et d'osDans ce monde des confins, une nuit, une fracture de la banquise sépare une jeune femme inuit de sa famille. Uqsuralik se voit livrée à elle-même, plongée dans la pénombre et le froid polaire. Elle n’a d’autre solution pour survivre que d’avancer, trouver un refuge. Commence ainsi pour elle, dans des conditions extrêmes, le chemin d’une quête qui, au-delà des vastitudes de l’espace arctique, va lui révéler son monde intérieur.

De pierre et d’os est un roman que j’ai beaucoup vu sur les réseaux sociaux et qui m’attirait bien. Je n’ai vraiment pas été déçu! Cette lecture s’est avérée être à la hauteur de mes attentes.

L’aventure commence alors que la banquise se fend dans un grondement sourd, séparant Uqsuralik des siens et de l’igloo familial. La jeune fille se retrouve seule, à l’écart de ce qu’elle connaissait. Elle devra donc, avec ses chiens, affronter en solitaire le grand froid arctique, la solitude, la faim. Elle devra apprendre à survivre.

« Je suis à nouveau seule sur le territoire. À la recherche de baies et de petit gibier. Je dors sur des tapis de mousse quand il y en a, ou parmi les saules nains. Il fait chaud – trop chaud parfois. Cela n’est pas bon. Les moustiques m’assaillent et j’ai peur que les maladies fondent sur moi. Ikasuk pleure certains soirs. Je me demande si les esprits ne rôdent pas. »

À travers son périple, elle fera des rencontres difficiles et d’autres, plus accueillantes. Elle sera confrontée à la jalousie, à la haine, à la méchanceté, à la mort; mais également à la bonté, à l’entraide, aux saisons rigoureuses, à la dynamique familiale, à la chasse et à la bienveillance.

À travers ce roman on apprend beaucoup sur les coutumes, le côté vestimentaire, les nombreuses croyances, la chasse, la pêche, le côté nomade des Inuits, les abris, la mentalité de cette tribu et la dure réalité de ce mode de vie sur un territoire qui nous paraît inhospitalier. Pourtant, c’est peut-être là que se trouve l’exemple de la plus pure liberté. Les Inuits ont besoin des uns et des autres, mais la terre où ils vivent les rend libres, même s’ils doivent affronter les rigueurs parfois cruelles de ce coin du monde.

« Sans couteau à neige, avec mon seul ulu, je construis un abri de fortune, empilant des pierres. Je comble les trous par des éclats de vieille glace. J’ai des graviers sous les ongles et des écorchures aux doigts. Le premier soir, je suce mon sang en regardant la voûte céleste. »

Il y a d’ailleurs de sublimes passages dans ce roman. Les nombreux chants particuliers, mais combien beaux et poétiques, utilisés par les Inuits pour exprimer une joie, faire un aveu, pour révéler une vision ou même pour confronter quelqu’un d’autre dans un désaccord, sont fascinants. Le côté hospitalier de ce peuple qui accueille les voyageurs, peu importe qui ils sont. L’aspect spirituel est très développé. Les Inuits ont des visions chamaniques impressionnantes annonçant des événements qui se concrétisent. C’est un peuple nomade, composé de chasseurs, qui cueillent aussi beaucoup de plantes et de baies en été. Ce peuple partage son territoire avec les animaux, les esprits et les éléments.

Le monde des esprits est très présent dans le quotidien des Inuits et dans leur façon de vivre. Selon les différentes périodes de l’année, les croyances sont très liées aux lieux de chasse. Les esprits peuvent se manifester à certains d’entre eux. Leurs croyances leur donnent accès à des visions spirituelles très fortes et très imagées. L’idée de réincarnation est très ancrée chez ce peuple et l’auteure nous le fait vivre à travers ses personnages. C’est à la fois passionnant et captivant.

La richesse de la culture Inuit est vraiment bien décrite. Le travail de recherche de l’auteure est impressionnant. Les personnages sont habités par tout ce qui guide ce peuple, par les coutumes et le quotidien magnifiquement décrit. Avec le personnage de Uqsuralik, Bérengère Cournut nous transporte dans un autre monde, un monde glacial où les esprits sont maîtres du territoire. Les habitants ont donc intérêt à respecter les coutumes et à ne pas froisser les esprits. Plusieurs de leurs gestes vont dans ce sens, en mettant en avant leurs convictions et la foi qu’ils ont dans les esprits. Par exemple, l’utilisation d’une même lance de chasse pour les animaux marins ou terrestres par exemple, est totalement prohibée, afin de ne pas déplaire aux esprits.

De pierre et d’os est un très beau roman qui aborde un monde qui nous est majoritairement inconnu. Le texte nous permet d’aborder l’histoire d’un peuple, d’apprendre à connaître ce qu’ils sont et ce en quoi ils croient. On découvre dans ce très beau roman le quotidien à la fois rude, mais profondément riche en histoires, du peuple inuit.

Le roman nous permet de suivre le destin de cette jeune fille devenue femme, qui chasse, se démarque de son peuple par son travail, ses capacités et ses agissements. Uqsuralik est un personnage féminin très fort qui tente de briser certaines idées préconçues et de se faire une place comme femme et chasseuse. C’est vraiment intéressant de suivre son histoire et de découvrir toute la profondeur des personnages.

C’est une lecture très fluide, très imagée. J’ai beaucoup aimé ce livre, j’y ai découvert un monde fascinant et passionnant. Je relirai assurément cette auteure. J’ai bien envie de poursuivre ma découverte avec Née contente à Oraibi, qui aborde aussi le quotidien d’un autre peuple, les Hopis.

Un petit mot également sur la couverture de De pierre et d’os que je trouve aussi splendide! À la fin du roman, on retrouve des photos d’époque qui illustrent bien l’histoire qui nous a été racontée.

Un roman que je vous conseille fortement, qui peut être lu par des jeunes comme par des adultes, avec un grand plaisir!

De pierre et d’os, Bérengère Cournut, éditions Le Tripode, 219 pages, 2019

 

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6 réflexions sur “De pierre et d’os

  1. Pingback: Un monde de glace et d’esprits (De pierre et d’os, Bérengère Cournut) – Pamolico, critiques romans et cinéma

  2. Cette lecture m’a complètement fascinée moi aussi !
    J’ai surtout beaucoup aimé les passages où ils échangent des histoires de leur familles ou des légendes. J’avais l’impression d’être à leurs côtés en lisant :).
    Et regarder les photos à la fin c’est encore plus émouvant.
    Moi aussi j’ai envie de lire Née contente à Oraibi maintenant.

    Aimé par 1 personne

    • C’est un roman fascinant. J’ai aussi trouvé qu’on apprenait beaucoup de choses sur leur culture, via les chants, les légendes et les histoires de leur famille. On se sent avec eux, j’ai aussi eu cette impression en le lisant. L’Ajout des photos à la fin est un plus! Moi aussi j’ai trouvé que c’était très intéressant. C’est pour ça que Née contente Oraibi m’attire beaucoup, j’aime les histoires des peuples amérindiens. 🙂

      Aimé par 1 personne

  3. Pingback: Élise sur les chemins | Mon coussin de lecture

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