En 1820, aux Amériques, le commerce des fourrures est un moyen périlleux de faire fortune. À peine le jeune William Wyeth s’est-il engagé auprès de la compagnie de trappeurs la plus téméraire de l’État qu’il manque de se faire tuer. Il découvre alors la force des liens entre les hommes, dont la survie ne dépend que de leur solidarité. Chasse au bison, nuits passées à dormir sur des peaux de bête, confrontations aux forces de la nature ou aux tribus indiennes, la vie de trappeur est rude, mais William a soif d’aventures. Il a quitté sa famille pour le grand Ouest, sauvage et indompté. Il devra réunir plus de courage et d’habileté qu’il ait jamais cru avoir pour en sortir vivant.
Dernière saison dans les Rocheuses est le portrait vivant et passionnant d’une compagnie de trappeurs dans les années 1820. En suivant le jeune William Wyeth, avide d’aventures, de grands espaces et de découvertes, on plonge dans la vie quotidienne des hommes de cette époque, qui se lançaient corps et âme dans une vie difficile, mais fascinante.
Le début du roman nous présente William Wyeth et ses premiers pas dans le monde de la trappe:
« J’avais vingt-deux ans, et je travaillais au traitement des peaux depuis l’année précédente. Je projetais de rejoindre une brigade de trappeurs dès que mes économies me permettraient d’acheter mon fourniment. J’avais débarqué à Saint Louis, brûlant de participer à une expédition vers l’Ouest. »
Rêvant d’expéditions, mais devant aussi concilier son amour pour Alene qui elle, rêve de s’installer à Saint-Louis, Wyeth lui promettra de revenir bientôt, après avoir vécu son rêve de trappe. L’occasion de partir avec des camarades explorer les derniers cours d’eau encore intacts de l’Ouest ne se représentera plus. Wyeth partira donc pour une dernière saison dans les Rocheuses avant de s’installer pour de bon dans la vie. Wyeth comme de nombreux jeunes trappeurs, est attiré par l’aspect romantique de la trappe et par l’aventure. Tout est une découverte, des rencontres avec les indiens jusqu’aux poursuites des bêtes dans la nature plus grandiose et sauvage qu’il n’aurait pu l’imaginer.
« C’était la première fois que je voyais des Indiens de près. Ils n’auraient pas paru plus étranges s’ils avaient débarqué de la Lune. »
On sent que les débuts de la compagnie sont un peu chaotiques. Chacun se permet de juger les autres. Les moqueries et les doutes sont légion. Quand la compagnie part dans la nature sauvage et que des vies sont perdues, que les attaques entre clans se produisent, que la présence d’Indiens changent aussi la donne, le rôle de chaque trappeur au sein de la compagnie est primordial pour la survie des autres. Les liens qui se tissent alors entre les hommes sont de ceux qui marquent pour la vie. On apprend à connaître l’homme derrière son masque, à voir les meilleures qualités des uns et des autres au fil du temps.
« Se lancer dans la traite des fourrures était une entreprise généralement vouée à l’échec, tout le monde le savait. Mais c’était aussi l’excitation de l’aventure, l’attrait de l’inconnu et, peut-être, la possibilité de faire fortune. Cela me suffisait. »
On apprend, à travers ce roman, la façon dont était vécue la vie quotidienne dans une compagnie de trappeurs, mais surtout l’ambiance qui régnait dans la société de cette époque. Entre les postes de traite, la vie dans une garnison, le pistage des animaux pour la trappe, les accords et désaccords entre les différentes compagnie et les différentes tribus indiennes, le roman s’avère à la fois passionnant et instructif. Les réflexions que partage le personnage de William Wyeth, son honnêteté et sa transparence sur ce qui se joue devant ses yeux, apporte un côté plus intime au roman. On a l’impression de lire un véritable récit d’aventure.
La vie dans une compagnie de trappe n’est guère facile. Les trappeurs sont à la merci des bêtes, des autres compagnies. Ils se retrouvent bien souvent au cœur d’une mutinerie, d’alliances qui les menacent et aussi de décisions de grands chefs indiens. Les pistes de trappe peuvent devenir de véritables champs de bataille. Les éléments sont aussi de potentielles menaces: les cours d’eau gelés dont la glace peut céder à tout moment, la chaleur, le manque de provision, les blessures et les attaques ainsi que les tempêtes. La compagnie est sans cesse à la merci de ce qui l’entoure. Mais c’est aussi cette même nature qui offre parfois les moments les plus extatiques.
« Un oiseau planait dans le ciel blanc, qui me parut soudain très haut, comme si le monde, grandiose et solennel, s’était dilaté autour de moi. La Prairie me donnait la sensation d’être à l’orée d’un mystère infini, déconcertant, et, par-dessus tout, m’écrasant d’une solitude absolue. »
Alors que Wyeth nous raconte son histoire, c’est avec les yeux de l’homme qu’il est devenu au fil des années qu’il le fait. On sent une certaine nostalgie dans son regard, même s’il préfère s’attarder sur les glorieux moments de sa compagnie et ceux qui ont été de véritables aventures, comme tous les jeunes trappeurs s’imaginaient alors en vivre.
« Une brigade de trappeurs représentait pour nous le commerce, le patriotisme, la grande aventure vers l’Ouest, vers l’inconnu, et autres niaiseries du même genre. »
Il aborde également en filigrane l’aspect écologique de la trappe. Le fait que les compagnies épuisent les rivières, que la nature ne sera plus jamais la même. Paradoxalement, les personnages du livre contribuent aussi à cet épuisement des terres, des sols et des habitats sauvages. Ils sont autant fascinés par cette nature qu’ils la pillent également pour leur bon profit. Ils perpétuent une chose dont ils commencent à avoir conscience qu’elle ne sera pas immuable.
« Le saccage des rivières par des brigades de plus en plus nombreuses transformerait bientôt cette nature riche et indomptée en désert cartographié, surexploité et hostile. Peu d’hommes se souviendraient de ce pays tel qu’il avait été dans sa glorieuse pureté originelle. J’étais heureux de l’avoir connu ainsi et de ne pas avoir passé ma dernière saison entouré de pauvres diables affamés et désespérés. »
Le roman de Shannon Burke est une épopée fascinante, un vrai roman d’aventures comme on les aime. C’est l’histoire d’un petit groupe d’homme qui jouera un rôle dans l’histoire américaine. Nous sommes à la fin de l’âge d’or de la trappe. C’est un roman sur les grands espaces et sur l’homme, avec ses beaux côtés et ses trahisons. On se prend d’amitié pour William Wyeth, pour l’artiste qu’est Ferris, qui se retrouve également à être un atout précieux au sein de la compagnie et même pour l’ambivalent, le détestable et exaspérant Layton.
L’époque, la vie en plein air, les guerres entre les trappeurs et les indiens, la course aux meilleurs fourrures entre les différentes compagnies et le cadre exceptionnel du roman en fait une lecture prenante et vraiment dépaysante. La traduction est impeccable et très accessible. C’est le genre de roman qui nous happe et nous fait voyager en quelques pages. Une parfaite lecture!
À noter que ce roman est bel et bien une fiction. Il s’inspire de plusieurs titres, dont trois cités par l’auteur à la fin de son roman. Un de ceux-là est traduit en français et j’étais très heureuse de découvrir que je l’avais sous la main: La piste de l’Oregon de Francis Parkman. Lecture prévue bientôt! En attendant je vous invite à découvrir Dernière saison dans les Rocheuses, un roman qui m’a happée et passionnée.
Dernière saison dans les Rocheuses, Shannon Burke, éditions 10-18, 288 pages, 2019
Tiens, je viens de lire un titre de ce même Shannon Burke, complètement différent, puisqu’il a pour fond la jungle urbaine, plus précisément le Manhattan du début des années 90, vu à travers une équipe d’ambulanciers urgentistes…. du coup, cela m’intéresse de découvrir une autre facette de son talent…
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Et moi ça m’intéresserait aussi de découvrir totalement autre chose du même auteur! Est-ce que c’est 911 que tu as lu?
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