Années quatre-vingt, Tokyo. Yûji Manase est étudiant. Mais il vit au quotidien avec deux secrets dont il n’a jamais parlé à personne : d’une part, les sentiments qu’il éprouve pour son ami de longue date Masaki Matsunaga, et de l’autre, le malaise qu’il ressent vis-à-vis de son corps. Un jour, Yûji pose la main sur une robe que sa sœur a laissée dans son appartement, sans savoir que cet acte allait bouleverser sa vie…
Ce manga a été une très belle surprise, à laquelle je ne m’attendais pas. L’histoire raconte le quotidien de Yûji, mal à l’aise avec son corps d’homme. Il est étudiant, membre d’un club littéraire et amoureux de son grand ami Masaki. Ce premier tome parle de Yûji au « il » puisqu’il débute alors que Yûji exprime au lecteur son mal de vivre et son grand malaise d’être ce qu’il n’est pas réellement.
Son amour pour Masaki est voué à l’échec et il le sait, sauf que Masaki n’est pas non plus un personnage très attachant. Il est plutôt déplacé, paresseux et heureusement que Yûji le connaît depuis longtemps et sait qu’il peut être plus sensible qu’il n’en a l’air, car il a une très mauvaise réputation. À la fin du manga, une courte histoire est présentée, racontant la façon dont Yûji et Masaki se sont rencontrés.
Ce manga, qui comportera deux tomes, aborde le thème de la transidentité et de tout ce que ça implique comme démarche personnelle, psychologique et relationnelle avec l’entourage. Ces moments « en famille » sont très pénibles pour Yûji, qui se sent constamment obligé de mentir sur ce qu’il est et sur ce qu’il ressent. L’auteur nous montre son isolement et sa façon de se détourner des autres. Il faut aussi noter que l’histoire se passe dans les années 80, alors que l’on ne parlait pas de transidentité et d’identité de genre. Ici, ce sujet est abordé tout d’abord avec Yûji, mais aussi avec un autre personnage secondaire, Ayumi, une étudiante qui évolue dans le même club littéraire que Yûji et Masaki et qui n’est pas comme la majorité des autres filles. Plus « rude » que les autres, elle est souvent blessée par les propos que certains tiennent à son égard et souffre de ne pas entrer dans le moule et dans les attentes de la société envers les femmes. Un thème qui me parle beaucoup. C’est un personnage secondaire, mais qui permet quand même d’aborder un sujet parallèle intéressant.
Celle que je suis a été une très belle surprise puisque le traitement qu’en fait l’auteur est délicat et pertinent. Il ne tombe pas dans les clichés et aborde, par le dessin et les images, les sentiments de perte et le trouble vécu par Yûji.
« La forêt brûlait, encore et encore, mais jamais elle ne se consumait… »
Le parallèle avec les flammes qui brûlent ou encore avec le papillon qui se découvre et prend son envol sont de belles images pour illustrer l’émotion qui étreint le personnage. Émotion que l’on retrouve aussi dans le texte, sans tomber dans le larmoyant. Ce manga reste sobre, racontant avec justesse le déchirement intérieur du personnage.
J’ai très hâte de découvrir le tome deux et la conclusion de cette histoire.
Celle que je suis t.1, Bingo Morihashi, Suwaru Koko, éditions Akata, 208 pages, 2019
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