Encabanée

encabaneeAnouk a quitté son appartement confortable de Montréal pour un refuge forestier délabré au Kamouraska. Encabanée loin de tout dans le plus rude des hivers, elle livre son récit sous forme de carnet de bord, avec en prime listes et dessins. Cherchant à apprivoiser son mode de vie frugal et à chasser sa peur, elle couche sur papier la métamorphose qui s’opère en elle: la peur du noir et des coyotes fait place à l’émerveillement; le dégoût du système, à l’espoir; les difficultés du quotidien, au perfectionnement des techniques de déneigement, de chauffage du poêle, de cohabitation avec les bêtes qui règnent dans la forêt boréale… Encabanée est un voyage au creux des bois et de soi. Une quête de sens loin de la civilisation. Un retour aux sources. Le pèlerinage nécessaire pour revisiter ses racines québécoises, avec la rigueur des premiers campements de la colonie et une bibliothèque de poètes pour ne pas perdre le nord. Mais faut-il aller jusqu’à habiter le territoire pour mieux le défendre?

Encabanée est le récit d’une fuite, d’un exil. Une jeune femme se cherche, le quotidien ne lui correspond plus. Elle va passer l’hiver dans une cabane, en compagnie de livres, à faire fondre de la neige pour avoir de l’eau et à fendre du bois pour ne pas mourir gelée.

« Me confronter à moi-même en toute nudité. Sans les mirages d’une vie axée sur la productivité et l’apparence. »

Le texte a tout du nature writing qui m’est cher. Les lieux sont magnifiquement décrits, le froid est mordant, l’hiver est rude. Il faut survivre, tenter de nourrir son corps comme son esprit. Le roman raconte le quotidien d’Anouk, dans sa cabane aux murs minces comme du papier, qui tente de se débrouiller sans rien attendre des autres. Seule, elle raconte ce qu’elle voit, ce qu’elle vit, ses pensées sur le Québec, sur la société, sur les livres. Elle m’a donné envie de lire Kamouraska d’Anne Hébert. Il est dans ma pile. On retrouve d’ailleurs dans le roman plusieurs extraits de chansons ou de poèmes, d’Émile Nelligan en passant par Richard Desjardins et Jean Leloup.

Anouk manie la hache et les seaux de neige. Elle se forge une place dans un monde de froid et de glace. À travers le texte, des illustrations de ce qu’elle voit et de ce qu’elle griffonne dans un carnet. Une hache, des raquettes, des sapins enneigés, une souris, des flocons de neige. Des listes de toutes sortes accompagnent chaque chapitre, des « qualités requises pour survivre en forêt » en passant par les « phrases pour ne pas sombrer dans la folie quand on a froid ».

« Simplicité, autonomie, respect de la nature. Le temps de méditer sur ce qui compte vraiment. Le temps que la symphonie des prédateurs, la nuit, laisse place à l’émerveillement. »

L’arrivée du personnage de Rio m’a aussi plu, sauf que j’ai été moins sensible à tout son discours sur la protection de la nature, qui me semble très pamphlétaire. Pas à cause du message, qui au contraire me touche beaucoup, mais plutôt à cause de la façon dont c’est amené. J’ai trouvé que ça hachurait le texte, qu’on tombait dans autre chose. J’ai eu l’impression que cette portion avait simplement été collée là et ne s’imbriquait pas dans le style du reste du livre. Ça m’a un peu dérangée, je l’avoue. J’étais bien dans ce texte jusque là. Par la suite, les événements se sont enchaînés et j’ai eu le sentiment de retrouver le livre qui me plaisait au début.

Encabanée, c’est un questionnement sur le monde dans lequel on vit, sur la place de la nature et la façon dont l’homme la traite. C’est aussi une façon d’affirmer la place que l’on veut prendre dans un monde que l’on ne comprend plus. J’ai été touchée par ce côté-là du texte, qui m’a parlé de bien des façons. Ce roman, c’est aussi un livre qui parle d’un féminisme différent, un féminisme rural. J’ai aimé cette façon de voir le féminisme, qui me correspond peut-être plus que bien d’autres représentations.

« Les pionnières errent seules dans la foule. Leur regard transcende l’espace. Leurs traces dans la neige restent un temps, un battement, une mesure. Comment fait-on pour éviter l’usure, le cynisme, l’apathie quand le peuple plie et s’agenouille devant l’autorité, consentant comme un cornouiller qui ne capte plus de rêves? »

Dans l’ensemble, c’est une bonne lecture, avec quelques petits bémols de mon côté. Cependant, certains passages m’ont fait vibrer et pour ça, c’était très agréable de découvrir la plume de Gabrielle Filteau-Chiba.

Encabanée, Gabrielle Filteau-Chiba, éditions XYZ, 100 pages, 2018

12 réflexions sur “Encabanée

    • Merci beaucoup Joëlle! 😊J’adore le « nature writing » . Dans mes préférés il y a Winter de Rick Bass, Indian Creek de Pete Fromm, Désert solitaire de Edward Abbey. J’ai aussi un faible pour William G. Tapply. Le héros de Dérive sanglante (et de deux autres de ses livres) est vraiment attachant. Sinon, je te suggère fortement de lire Wild de Cheryl Strayed qui parle de nature mais aussi de dépassement de soi. C’est un livre magnifique!

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      • J’avais déjà Wild sur ma liste, car j’ai vu le film et j’ai beaucoup aimé. Tu me confirmes que je dois le lire. Sinon, je ne connaissais pas Indian Creek de Pete Fromm, mais il m’intéresse beaucoup. Merci pour les recommandations!

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        • Pour Wild, je n’ai pas tant aimé le film de mon côté, je préfère largement le livre, plus axé sur sa randonnée. Indian Creek est un livre magnifique, lu et relu. Je te le conseille fortement! 😊

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  1. J’avais lu « Kamouraska » durant mes années de fac, en littérature comparée et j’ai le souvenir d’avoir été fascinée par cette lecture ! As-tu lu « dans les forêts de Sibérie » de Sylvain Tesson ?j’imagine que oui !

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