Nulle part sur la terre

Une femme marche seule avec une petite fille sur une route de Louisiane. Elle n’a nulle part où aller. Partie sans rien quelques années plus tôt de la ville où elle a grandi, elle revient tout aussi démunie. Elle pense avoir connu le pire. Elle se trompe. Russel a lui aussi quitté sa ville natale, onze ans plus tôt. Pour une peine de prison qui vient tout juste d’arriver à son terme. Il retourne chez lui en pensant avoir réglé sa dette. C’est sans compter sur le désir de vengeance de ceux qui l’attendent depuis des années. Dans les paysages désolés de la campagne américaine, un meurtre va réunir ces âmes perdues, dont les vies vont bientôt ne plus tenir qu’à un fil.

Le résumé me plaisait bien et je trouvais la couverture très belle. Je prenais en quelque sorte une chance avec ce deuxième livre traduit de Michael Farris Smith puisque j’avais tenté de lire son premier, Une pluie sans fin, que j’avais finalement abandonné. Je dois dire que Nulle part sur la terre fut une belle surprise: j’ai adoré ce roman!

Je ne m’attendais pas tout à fait à cette histoire qui s’avère finalement très prenante. L’auteur nous parle de plusieurs personnages, dont les principaux sont Maben et sa fille Annalee, ainsi que Russel qui croisera leur route. Mais pas tout de suite. Entre-temps, nous faisons la connaissance de plusieurs autres personnages. Certains sont nuisibles, voire dangereux, d’autres sont une vraie bénédiction.

Russel vient de sortir de prison. Maben est en fuite. Selon la loi, ils sont considéré tous les deux comme des criminels. Chacun leur tour, ils dévoileront au lecteur pourquoi ils en sont arrivés là. Puis, par un concours de circonstances, il se trouveront. Le roman aborde la question de la justice et de la moralité, à travers deux écorchés de la vie qui tentent de survivre à leur façon. Il y est question des apparences, du jugement et de ce que la loi dicte en cas de crime. On ne peut ressentir que de l’empathie pour ces deux personnages, malgré ce qu’ils ont fait, malgré la vie qui s’acharne sur eux, malgré leurs mauvais choix. C’est le plus fort du roman: montrer une autre facette de notre vision de la justice. Questionner sur le bien et le mal. Montrer que tout n’est pas noir ou blanc, mais bien souvent dans une zone grise et mal définie. Ou définie selon les critères des hommes.

« Il fallait bien qu’il y ait un point de non-retour. Des choses qu’on ne pouvait pas réparer. Il avait côtoyé les pires spécimens d’humanité et il aurait voulu qu’ils soient punis de leurs crimes afin de pouvoir se sentir différent d’eux. »

J’aime les romans dont l’intrigue et les personnages se croisent continuellement. Quand tout se coupe et se recoupe, pour finalement tisser une histoire dont on ne comprend les ramifications que lorsque la fin approche ou que de nouveaux événements surviennent. J’aime quand les liens entre les personnages se montrent plus soutenus qu’on le pensait au début et qu’on le découvre au fil des pages. Ce roman est construit de cette façon-là. C’est un vrai plaisir de lecture.

J’ai aimé la langue utilisée dans le roman, un peu familière, un peu brute. Les phrases qui donnent le sentiment de ne raconter que l’essentiel et qui par moments, offrent une petite bulle de lumière. Quelque chose de beau qui éclaire le texte.

« Ils communiquaient par gestes, montrant du doigt, hochant la tête, puis les mots étaient venus et maintenant s’il voulait un verre d’eau ou si elle avait besoin d’une couverture ils pouvaient se parler. Et les mots avaient donné un surcroît de réalité à quelque chose qui n’existait pas auparavant. »

Une phrase d’ailleurs dans le roman qui résume bien à elle seule ce que représente le livre:

« …[il] grimpa dans le pick-up et alla en ville. Il roula lentement entre les vieux bâtiments, espérant tomber sur une enseigne au néon qui lui indiquerait qu’il y avait encore de la vie ici. Espérant en trouver d’autres comme lui qui ne pouvaient pas encore se résoudre à la nuit. »

Nulle part sur la terre est un excellent roman noir que je vous conseille fortement. Le texte est très prenant, on veut en savoir plus et les pages filent à toute vitesse. L’écriture colle parfaitement au genre de roman que l’on découvre, portée par des personnages qui font de leur mieux, mais qui s’enlisent constamment. C’est sombre, c’est souvent injuste, mais c’est profondément humain. L’auteur réussi à amener un peu de lumière dans la vie de ses personnages, une petite lueur qui sert, peut-être, de promesse pour l’avenir.

Amateurs de romans noirs, celui-ci est très bon! J’espère que vous l’apprécierez autant que moi. J’ai eu souvent bien du mal à le lâcher.

Nulle part sur la terre, Michael Farris Smith, éditions 10-18, 354 pages, 2018

14 réflexions sur “Nulle part sur la terre

  1. Sublissime tes dernières photos sur Instagram, surtout la dernière en forêt, si seulement nous avions de la neige chez nous :0( Est ce que la maison rouge est la tienne ?
    (je laisserais mes commentaires sur tes photos ici, de temps en temps, puisque je ne suis pas sur Instagram, j’espère que ça ne te dérange pas)

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    • Merci c’est gentil! Ça ne me dérange pas, mais tu peux aussi t’ouvrir un compte sur instagram sans forcément poster. Beaucoup le font. C’est pratique pour suivre les gens dont on aime le travail 😉

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  2. Pingback: Blackwood | Mon coussin de lecture

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